«Puisque je suis marginalisé à Wolfsburg, je ne travaillerai que pour la Coupe du monde»
Même quand ça va mal, Karim Ziani accepte toujours de se confier au Buteur.
Tout au long de l’entretien qu’il nous a accordé hier, le meneur de jeu des Verts a tenté tant bien que mal de cacher sa déception de ne plus faire partie des plans de son entraîneur à Wolfsburg, mais il a été rattrapé par la réalité du moment : il ne joue plus en club et cela risque de se répercuter sur son rendement en EN.
Toujours digne, Ziani s’est dit prêt à céder sa place, s’il y a meilleur que lui à son poste, car l’intérêt de l’Equipe nationale passe avant tout.
Au jour d’aujourd’hui, le souci de Ziani, c’est de bosser dur à l’entraînement pour être à 100% le 13 juin face à la Slovénie, Wolfsburg passe désormais au second plan.
En Afrique du Sud, il saura pallier le manque de compétition par son cœur.
Face à Mayence, vous n’étiez même pas sur le banc de touche.
Que s’est-il passé ?
Je ne sais pas. J’ai joué le match d’avant et je pense que je n’ai pas été mauvais, mais l’entraîneur a jugé que je ne méritais pas de faire partie du groupe qui devait affronter Mayence. Il ne me reste qu’à accepter ses choix et à redoubler d’efforts à l’entraînement.
Avez-vous demandé des explications à l’entraîneur ?
Non, je ne lui ai pas parlé et je ne compte pas le faire. Ce sont ses choix et même si je ne les comprends pas, je n’ai pas à lui demander des explications, je ne vais quand même pas jouer de force.
Vous dites que vous ne comprenez pas les choix de l’entraîneur.
Pourquoi ?
Je ne les comprends pas, parce que l’équipe s’est déplacée à Mayence avec 20 joueurs et non pas 18 comme c’est le cas habituellement. Et puis, il ne pouvait pas me juger la semaine d’avant face au Hertha Berlin, du moment que les carottes étaient cuites au moment de mon incorporation, puisque nous perdions déjà par 4 buts à 1. Malgré cela, je n’ai pas été mauvais. Mais le coach a décidé que je ne sois pas concerné par le match de Mayence. Après ma non- convocation, j’ai compris beaucoup de choses.
Comme quoi ?
L’entraîneur tente de me faire passer le message selon lequel je ne suis plus concerné par l’équipe. J’ai reçu le message 5 sur 5 et j’ai décidé désormais de bien me préparer à l’entraînement pour être prêt pour la Coupe du monde. Si le coach ne me convoque pas parmi 20 joueurs du groupe pro, c’est que je dois être très mauvais.
Or, je connais ma valeur et je sais de quoi je suis capable. Ce n’est pas ma situation actuelle qui va me décourager à bosser, j’ai un mental assez fort pour continuer à me battre jusqu’au bout. Bien que l’entraîneur m’ait définitivement enlevé de ses plans, j’ai une Coupe du monde à préparer et c’est cela qui m’encourage à continuer à travailler.
Vous semblez touché par cette situation…
Oui, mais j’aurais été plus touché s’il n’y avait pas la Coupe du monde au bout.
C’est donc cela qui vous motive encore à bosser pour retrouver une place de titulaire dans votre club ?
Non, car dans ma tête je sais que cet entraîneur ne compte plus sur moi. Toute mon attention et toute ma concentration sont dirigées vers la Coupe du monde.
J’ai beau m’entraîner comme un forcené et revenir à ma meilleure forme, mais l’entraîneur continue à me marginaliser. Désormais, je n’attends plus rien de lui et je préfère penser à la Coupe du monde.
Sincèrement, que s’est-il passé au juste pour que vous vous retrouviez dans cette situation ?
Tout ce que je sais est que cela a commencé dès mon retour de la CAN. Pourquoi ? Je suis incapable de répondre à cette question.
Le fait de s’entraîner sans jouer jusqu’en Coupe du monde n’aurait-il pas une influence sur votre jeu ?
C’est vrai que rien ne remplace la compétition, mais je ferai tout pour être prêt pour la Coupe du monde. J’aurai presque un mois de travail et deux matchs amicaux avec l’Equipe nationale, j’espère que cela sera suffisant pour combler le manque de compétition. Je serai inch’Allah à la hauteur en Afrique du Sud.
On parle beaucoup des joueurs qui ne jouent plus en club comme vous, ce qui risque de mettre le sélectionneur dans l’embarras…
En ce qui me concerne, il n’y a aucun souci. S’il y a meilleur que moi, il sera le bienvenu et je serai heureux que l’Algérie gagne avec ou sans moi. Le problème, c’est qu’il est difficile de trouver beaucoup de solutions de rechange en un temps si court.
Saâdane vient de déclarer qu’il veut des joueurs qui jouent en club et que ceux qui ne jouent doivent s’attendre à se retrouver sur le banc.
Qu’en pensez-vous ?
Il a tout à fait raison et il est dans son bon droit de faire jouer les plus en forme. Mais comme je viens de vous le dire, il faut d’abord trouver de bonnes solutions de rechange.
Que voulez-vous dire par là ?
Je vais être très sincère avec vous en vous disant que je suis très content lorsque j’apprends que tel ou tel joueur algérien évolue dans un club européen. Mais jusqu’à preuve du contraire, il n’y a aucun Algérien à Manchester ou à Barcelone ni même dans des clubs moyens. Si on doit changer l’équipe juste pour le plaisir de changer, je ne suis pas d’accord. C’est vrai qu’il faut faire jouer les plus en forme, mais il faut qu’ils aient le niveau aussi pour jouer la Coupe du monde.
Peut-on comprendre par là qu’il sera difficile de se passer des habituels titulaires ?
Oui, bien que je sois heureux de voir l’Equipe nationale réaliser une grande Coupe du monde avec ou sans moi.
Il y a pourtant beaucoup de bons joueurs qui veulent intégrer l’équipe d’Algérie…
Le fait de voir tous les jours un nouveau prétendant pour l’Equipe nationale m’irrite franchement. J’espère seulement que tous ces joueurs qui se disent Algériens à 100% se manifestent parce qu’ils aiment l’Algérie et veulent défendre ses couleurs, non pas parce qu’il y a une Coupe du monde au bout. On verra bien s’il y aura autant de monde après le Mondial.
Vous ne semblez pas accepter l’idée que des joueurs veulent jouer en Equipe nationale juste pour le Mondial…
C’est normal non ? Pour jouer dans un pays, il est primordial de l’aimer. Ce n’est pas honnête d’utiliser l’Algérie juste pour soigner son CV. Je ne dis pas que ceux qui ont qualifié l’équipe en Coupe du monde doivent y aller, mais nous étions déjà là lorsque l’Algérie n’arrivait même pas à se qualifier en Coupe d’Afrique. Cette équipe qui s’est qualifiée au Mondial n’est pas sortie du néant, il faut que tout le monde le sache.
Sentez-vous que la pression est de plus en plus grande sur le groupe, à l’approche du Mondial ?
Je vous jure que je n’ai jamais eu peur de la pression. Je crains beaucoup plus les faux problèmes qui risquent de surgir. Je ne comprends pas par exemple qu’on puisse être aussi catastrophés après une défaite en amical face à l’une des meilleures équipes au monde composée de joueurs évoluant dans les plus grands clubs européens. Et dire qu’on avait plusieurs blessés et qu’on s’était entraînés une seule fois.
Et puis, je préfère de loin perdre devant la Serbie que de battre le Tchad par un score lourd. On a vite crié à la crise, alors que tout le monde sait que cette équipe saura se transcender dans les grands rendez-vous. Certains sont amnésiques et ont vite oublié que ce groupe est venu du néant pour faire partie aujourd’hui des meilleurs au monde.
Lorsque vous avez intégré l’équipe Espoirs, il y a quelques années, pensiez-vous un jour pouvoir arriver à ce niveau avec l’équipe d’Algérie ?
Choisir l’Algérie a été une décision naturelle pour moi. Je ne me voyais pas défendre un autre maillot. Même si je n’aime pas beaucoup parler de ma personne, je suis fier d’être passé par les Espoirs, avant d’intégrer l’Equipe nationale A. J’ai joué avec une seule jambe, malgré les pressions de mon club parce que jouer une minute pour l’Algérie n’a pas de prix pour moi. Malgré tout, je céderai volontiers ma place à celui qui pourrait donner plus que moi à l’Equipe nationale.
N’êtes-vous pas inquiet par les blessures de Meghni, Bougherra, Belhadj et le manque de compétition de Yahia, Mansouri et vous également ?
Je suis un peu inquiet, je l’avoue, mais personne de nous n’a voulu se blesser ou se retrouver sur le banc. Toutefois et selon ce que j’ai pu apprendre, les blessures de Bougherra et Belhadj ne sont pas compliquées.
Comme je vous le disais tout à l’heure, trouvez-moi un joueur capable de remplacer Belhadj, Bougherra ou Yahia et je vous dirai qu’il est le bienvenu. Si on parle de mon cas, je suis remplaçant à Wolfsburg le champion sortant de Bundesliga, si j’étais à Sochaux, je serais titulaire à part entière et peut-être capitaine d’équipe.
Pour terminer, je rassure les supporters de l’Equipe nationale en leur disant que ce groupe est fait pour les grands rendez-vous et qu’en dépit du mauvais sort qui s’acharne sur certains joueurs, on sera là en Afrique du Sud.
Avant le match d’Egypte, la moitié de l’équipe n’était pas sûre de jouer, finalement on était tous là et on s’est qualifiés en Coupe du monde.
Entretien réalisé par Redouane B.