Ziani : «Je n’ai pas apprécié que d’anciens joueurs nous aient enterrés trop vite»

Ziani : «Je n’ai pas apprécié que d’anciens joueurs nous aient enterrés trop vite»

Karim Ziani, VfL Wolfsburg«Il faut sensibiliser Chaouchi, pas le matraquer»

Vous avez été l’un des rares joueurs à avoir prédit, avant le début de la Coupe d’Afrique des nations, que l’Algérie irait loin dans la compétition.

Qu’est-ce qui vous rendait si optimiste ?

Tout d’abord, l’esprit de gagne qui m’anime.

Je ne joue jamais pour faire de la figuration ou pour ne pas perdre, mais pour gagner. Ensuite, je connais très bien mes coéquipiers et le potentiel qu’ils ont et j’étais convaincu que nous avions les moyens de réaliser un bon tournoi.

Je sais que lorsque l’équipe est à son meilleur niveau, elle peut tenir tête à n’importe quel adversaire.

Cela a été maintes fois démontré. Donc, mon optimisme était motivé. Ce n’était pas de simples paroles en l’air.

Aviez-vous réellement l’ambition de remporter le trophée ?

Oui, car je pars d’un principe réaliste : nous avons plus de chances de remporter la Coupe d’Afrique que la Coupe du monde, tout simplement.

Nous étions qualifiés pour les deux compétitions, mais ce serait bête de tout miser sur le Mondial, où nous avons une infime chance, sinon aucune chance, d’arriver en finale, et négliger la CAN où les adversaires étaient à notre portée.

En un mot, il fallait se concentrer sur le possible plutôt que sur l’impossible. Cela ne veut pas dire que nous irons au Mondial résignés à être battus, loin de là. Je dis seulement qu’il y avait un très bon coup à jouer durant la CAN et c’est pour cela que personnellement, j’étais très motivé pour la remporter.

Quel bilan en tirez-vous au final ?

J’estime en toute honnêteté qu’il y a eu beaucoup de choses positives.

Il ne faut pas oublier une chose fondamentale : notre équipe est toujours en construction. Au fil du temps, il y a des apports et des réaménagements qui améliorent la qualité de l’équipe et du jeu pratiqué.

Nous avons été absents des phases finales de la CAN durant six ans, ce qui fait que pour beaucoup de nos joueurs, il s’agissait de la leur première participation à cette compétition. Notre performance est d’autant plus méritoire, car d’autres adversaires avaient des ossatures beaucoup plus expérimentées.

Ne pensez-vous pas que la défaite du premier match contre le Malawi aura été une gifle salvatrice ?

Il est vrai qu’elle nous a secoués et incités à nous remettre en cause.

Cependant, au risque de répéter ce que tous mes coéquipiers et le sélectionneur ont déjà affirmé, il était difficile de jouer dans les conditions climatiques de ce jour-là, avec la forte chaleur et l’humidité.

Cela n’excuse pas tout, mais cela avait été handicapant. Beaucoup d’équipes auraient pris un gros coup au moral après une telle défaite, surtout par un tel score, mais nous avons fait montre de ressources mentales extraordinaires pour ne pas nous laisser abattre et terminer le premier tour en force.

Après la défaite face au Malawi, vous avez été pris en grippe par une partie des médias, ce que vous n’avez pas apprécié, vous les joueurs, au point de décréter quelques jours plus tard un boycott envers les journalistes.

Vous avez été si blessés que cela ?

Nous avons surtout été surpris par la virulence de certains titres et écrits.

On n’a jamais vu au monde une équipe, disputant un tournoi, être descendue en flammes, après seulement un seul match. Pour en revenir à ce que vous avez nommé le boycott de la presse, ce n’était pas les journalistes qui étaient visés, mais leurs journaux car ces derniers publiaient des avis et des déclarations de gens qui se sont érigés en donneurs de leçon. Ce n’était donc pas les journalistes, en tant qu’individus, qui avaient été boycottés, mais plutôt leurs supports qui laissaient des personnes nous tomber dessus.

Cela faisait mal de lire les avis de certains anciens joueurs qui croient que le football actuel est le même que celui de leur temps et qui se permettent de juger du nationalisme ou de la motivation de tel ou tel joueur. Ces gens-là doivent comprendre que le football africain a beaucoup évolué ces dernières années et que ce n’est plus le même contexte.

Pensez-vous que le football gabonais de cette année est le même que celui d’il y a 20 ans ?

Non. Actuellement, l’écrasante majorité des internationaux gabonais évoluent dans des clubs européens.

C’est juste un exemple pour dire que mis à part deux ou trois sélections, tous les participants à la CAN jouent en Europe et ont donc un niveau respectable. Les CAN sont de plus en plus relevées, donc de plus en plus difficiles.

C’est trop facile de faire des raccourcis en comparant avec les CAN du passé. Tout ça pour vous dire que la sélection algérienne actuelle, en toute modestie, a eu beaucoup de mérite en battant deux sélections comme le Mali et la Côte d’Ivoire qui regorgent de joueurs de haut niveau.

De même, je dis aussi que les anciens joueurs algériens avaient aussi du mérite dans leur temps car ils n’avaient pas autant de moyens que nous en avons et je respecte les performances qu’ils ont accomplies. Pour résumer, chaque génération évolue dans un contexte particulier et chacune a eu du mérite de s’imposer face à l’adversité, mais c’est une erreur de faire des comparaisons hâtives, alors que les paramètres de comparaison sont différents.

Il faut reconnaître aussi que ces anciens joueurs ont rendu hommage à votre bonne réaction par la suite…

C’est vrai, mais je leur reproche uniquement de nous avoir enterrés trop vite.

Je parle de certains, pas de tous. Pourtant, ils ont joué au football et savent que tout peut changer vite. Finalement, nous avons battu le Mali et avons tenu tête à l’Angola.

Là, quitte à me répéter, ce sont les Angolais qui ont arraché le nul car, si nous avions forcé un peu, nous aurions gagné ce match. C’est juste que nous avions voulu nous préserver de la fatigue et d’éventuelles blessures.

Il y a aussi un détail de détail : le Malawi étant, sur le papier, la sélection la plus faible de la poule, l’Angola, le Mali et nous étions censés le battre et tout devait donc se jouer dans les confrontations directes entre les trois.

Or, dans ces confrontations entre les trois sélections favorites, l’Algérie a été la seule à en avoir remporté une. C’était contre le Mali.

Les deux autres confrontations, Angola-Mali et Angola-Algérie, se sont terminées sur un nul. Cela démontre donc que nous méritions d’aller en quart de finale et que la défaite face au Malawi n’était qu’un malencontreux accident.

Le match contre la Côte d’Ivoire est-il, pour vous, la référence suprême dans ce tournoi ?

C’était un beau match où nous avons joué comme nous savons le faire contre les grandes équipes.

C’est quand on est donnés comme faibles que nous savons nous surpasser. Après quelques moments de flottement au début, nous avons fait un match solide, avec de la rigueur défensive et une grande fluidité dans le jeu. C’était vraiment un match que nous n’aurions pas mérité de perdre, tellement nous avons fait montre d’une grande supériorité à tous les niveaux.

Est-ce cela qui avait motivé votre désir d’égaliser, même après avoir encaissé un but juste avant la fin du temps réglementaire ?

Oui, car il aurait été injuste de perdre. Nous sommes donc tous montés vers l’attaque, Madjid Bougherra en tête.

Par expérience, je sais que beaucoup de choses peuvent se passer en trois minutes. Notre détermination a payé puisqu’après une récupération de balle au milieu de terrain, j’ai alerté Belhadj sur la gauche qui, avec précision, a adressé un centre en direction de Bougherra qui a égalisé.

C’était une juste récompense pour tous nos efforts. Après, il y a eu le troisième but durant les prolongations et plusieurs autres occasions de gâchées. Vraiment, nous méritions de gagner ce match.

Et celui de l’Egypte, méritiez-vous de le gagner ?

Il s’est déroulé dans un contexte particulier. Nous sommes rentrés pour gagner, c’est certain, mais nous avons vite compris qu’il ne fallait pas trop espérer de ce match. Etre réduits à 8 face à une équipe quand même très expérimentée, c’était dur. Je voudrais aussi parler d’un facteur que beaucoup de gens oublient : le sélectionneur Rabah Saâdane a été le seul, dans la CAN, à n’avoir jamais pu disposer de la totalité de son effectif.

Il y avait constamment des défections à cause de blessures et autres. Pis, il y a des joueurs qui ont joué blessés ou amoindris, tels Meghni, Saïfi, Yahia et moi-même aussi contre l’Egypte, puisque j’ai été touché à la cuisse face à la Côte d’Ivoire, sans oublier Gaouaoui qui avait dû nous quitter à cause d’une appendicite.

Il y avait des matches où le sélectionneur n’avait eu que 17 joueurs de champ valides sous la main. Résultat : c’était pratiquement les mêmes joueurs qui étaient toujours alignés, sans possibilité de se reposer ou d’être ménagés, faute de solutions de rechange.

L’Egypte, elle, s’est permis d’aligner ses remplaçants lors de son troisième match de poule, ce qui avait permis aux joueurs titulaires de se reposer et d’être frais pour le quart de finale contre le Cameroun.

L’Algérie a été handicapée sur ce plan-là, ce qui augmente son mérite d’être arrivée jusqu’en demi-finale.

Contre la Côte d’Ivoire, vous avez inscrit trois buts, alors que vous ne vous êtes qualifiés pour les quarts de finale qu’en ayant inscrit un seul…

L’explication en est très simple : après la sévère défaite contre le Malawi, l’urgence était de faire montre d’une plus grande rigueur défensive car cela aurait été difficile de gagner en étant perméables derrière, et c’est ce qui explique que face au Mali et à l’Angola, le sélectionneur a privilégié le renforcement du milieu en n’alignant qu’un seul attaquant.

Durant le premier tour, c’est la qualification qui était importante, pas la manière, et c’est ce qui explique cette frilosité offensive. Une fois arrivé aux tours à élimination directe, le sélectionneur est revenu à l’option de deux attaquants, car il fallait marquer pour gagner et se qualifier. Voilà pourquoi le secteur offensif a été plus performant contre la Côte d’Ivoire.

En parlant de l’attaque, Abdelkader Ghezzal a été critiqué, lui qui n’a marqué aucun but, bien qu’il soit un avant de pointe. Votre opinion sur la question ?

Ceux qui disent cela ne connaissent rien au football.

Ont-ils remarqué l’énorme travail défensif et de récupération effectué par Ghezzal durant tous les matches ? C’est un gars qui fait en moyenne 15 kilomètres dans un match. Il harcèle les défenseurs adverses en les pressant constamment et, croyez-moi, cela demande de l’énergie.

Il y a des gens qui ne voient que les buts et qui ne remarquent pas l’effort fait dans la récupération du ballon. Moi, il me soulage beaucoup en revenant au milieu m’aider dans la récupération.

Si Ghezzal joue en Serie A, je pense que ce n’est pas par hasard, et si Rabah Saâdane, qui a plus de 20 ans d’expérience dans les sélections, l’a toujours aligné, c’est qu’il sait ce qu’il fait.

C’est un mauvais procès qu’on intente à Ghezzal, alors que ce dernier mouille vraiment le maillot et se dépense sans compter. Si un jour une caméra individuelle filmait son activité, on verrait à quel point il abat une besogne énorme.

Autre joueur à avoir été très critiqué : Faouzi Chaouchi, à qui il est reproché ses gestes d’énervement…

Là aussi, c’est à n’y rien comprendre. Après le match de Khartoum, on en a fait un héros et il ne manquait plus qu’on érige une stèle à son effigie, et voilà qu’on le descend en flammes aujourd’hui. Certes, ce qu’il a fait n’est pas bien, et je n’ai pas manqué de lui dire que s’il oulaitt aller loin dans le football professionnel, il devait apprendre à maîtriser ses nerfs. Mais au lieu de le critiquer, les gens auraient gagné à lui parler. Il faut le sensibiliser, pas le matraquer. Je ne comprends pas qu’on puisse passer d’un extrême à l’autre avec un joueur.

Vous avez passé plus d’un mois ensemble, vous les joueurs, et il n’y a jamais eu de problèmes entre vous. Est-ce à dire que tout le groupe est en osmose ?

Oui, vraiment. Non seulement nous avons passé un mois ensemble avec un réel plaisir, mais nous avons déjà hâte de nous retrouver. Je dirais même plus : il règne une telle complicité entre nous tous que nous aurions envie jouer dans un même club, pour être ensemble et jouer toute l’année.

C’est sans doute la première fois dans l’histoire du football algérien qu’il n’y a pas de tensions ou de clans entre joueurs au sein de l’Equipe nationale. Je touche du bois et j’espère de tout cœur que cela continuera.

La Coupe du monde, vous y pensez déjà ?

C’est dans l’esprit de chacun. Celui qui dirait qu’il n’y pense pas mentirait. Nous aspirons à une participation qualitative, car nous ne comptons pas y faire de la figuration. Comme je vous l’ai dit, c’est contre les grandes équipes que nous savons nous transcender. Nous ne serons pas les favoris et cela nous convient très bien.

Sur quoi devrait être basée la préparation de cet événement, selon vous ?

Sur la manière de montrer plus de rigueur et d’efficacité dans le jeu. Nous avons trois mois pour bien nous préparer et je pense que nous serons au rendez-vous. Nous devrons faire montre du même état d’esprit qui nous a toujours animés.

Entretien réalisé par Farid Aït Saâda