Zeghdoud : «J’ai raté Auxerre et le PSG à cause du service national»

Zeghdoud : «J’ai raté Auxerre et le PSG à cause du service national»

Quelle est selon vous la meilleure équipe de l’USMA depuis son retour parmi l’élite en 1996 ?

Je crois que c’est entre 2002 et 2005. L’équipe avait atteint une certaine maturité à tous les niveaux. Elle était très performante.

Paradoxalement, cette équipe qui était arrivée à un niveau où elle n’avait plus rien à prouver sur le plan national, et bien qu’elle était capable de faire autant sur le plan continental, n’y est jamais parvenue. Pourquoi ?

La compétition africaine, c’est autre chose. Elle exige de gros moyens à tous les niveaux, même dans les coulisses. Vous avez beau avoir le meilleur effectif du monde, si vous ne maîtrisez pas le jeu des coulisses, il ne faut rien espérer.

C’est aussi important que cela ?

Plus que ça même. De l’avis de tous les spécialistes à l’époque, nous avions effectivement l’équipe qui pouvait prétendre à un sacre africain. Mais nous avons échoué, et souvent à un pas de la finale. Vous vous rappeler de la demi-finale de la CAF contre le WA Casablanca ? Quelqu’un pouvait-il parier à l’époque sur une élimination de l’USMA ? Vous vous souvenez de l’arbitrage ce jour-là ? Eh bien, c’est cela l’Afrique, ça ne se passe pas que sur le terrain.

Il y avait aussi cette demi-finale en Ligue des champions contre Enyimba. Si vous nous en parliez…

Ça, c’est du gâchis. On avait fait de Enyimba un cap insurmontable alors que cette équipe était largement à notre portée. Franchement, ils n’étaient pas plus forts que nous. Le match nul concédé à l’aller (1-1) était un accident, c’est tout. Mais après ce semi-échec, les gens nous avaient condamnés. Figurez-vous qu’au match retour, nous étions partis comme ça, sans aucune motivation. Aucune discussion. Rien ! C’est comme si on partait jouer un match amical sans importance. Personne n’est venu nous parler pour nous motiver, ni psychologiquement ni financièrement. Tout ce qu’on nous a dit à l’époque, c’était : «Ne perdez surtout pas sur un score lourd !». C’est ce que tout le monde nous avait dit. En clair, on nous a demandé de limiter les dégâts. Comment voulez-vous gagner dans ces conditions ?!

Pourtant, vous avez raté de peu la qualification en finale…

On avait fait un très bon match et on pouvait facilement les battre. Il y a eu malheureusement cette mésentente entre Mezaïr et Ghoul dans le temps additionnel de la première mi-temps alors que nous menions au score. Mais ça, c’est juste un détail. Ce sont plutôt les conditions dans lesquelles nous sommes partis qui nous ont condamnés. C’est pour vous dire que pour gagner une coupe d’Afrique, surtout la Ligue des champions, il ne suffit pas d’avoir une bonne équipe et de bons joueurs. C’est dommage qu’on n’ait pas profité de cette belle équipe pour ramener ce trophée qui manque au palmarès du club.

Passons à votre carrière internationale. Ne pensez-vous pas que la blessure lors de votre première sélection a freiné votre élan ?

Plus ou moins. En tout cas, c’était une grande déception quand même. J’avais fait une grande saison avec Aïn Beïda et cela m’a valu cette première convocation en équipe nationale du temps de Fergani et Abdelouahab, Allah yarahmou. C’était en 1995. Nous avons participé à un tournoi au Gabon et je me suis blessé au genou. Cela m’a valu deux opérations, sur le ménisque puis les ligaments. C’était un coup de massue pour moi. Cela m’a effectivement coûté une participation à la CAN 96 d’Afrique du Sud. Mais je m’en suis remis et je suis revenu très vite à mon meilleur niveau. J’ai été d’ailleurs élu meilleur joueur du championnat de la saison 1996/97.

Et vous êtes revenu en Equipe nationale…

Evidemment. Après avoir raté la CAN 96, j’ai pu prendre part à celle de 1998 au Burkina Faso avec Mehdaoui. Je ne peux pas dire que c’était un bon souvenir dans la mesure où nous nous sommes fait éliminer au premier tour.

Vous ne gardez pas non plus un bon souvenir de la CAN 2000, non ?

Non, plus. En 2000, nous nous sommes qualifiés au second tour, mais c’était pire qu’en 1998.

Expliquez-vous…

Il y avait beaucoup de problèmes, trop même. C’était invivable. La situation a commencé à pourrir lors du stage du Brésil, avant même qu’on parte pour le Ghana. Et une fois là-bas, les choses se sont envenimées. Beaucoup de problèmes ont surgi entre les joueurs, et le staff avait complètement perdu la maîtrise du groupe. Le climat était tellement insupportable durant cette CAN 2000 que les joueurs souhaitaient même l’élimination, pour rentrer.

A ce point ?

Oui, chaque séance d’entraînement était une corvée. Pourtant, nous avions une bonne équipe et nous pouvions même battre le Cameroun en quart de finale. Mais c’était très mal géré, c’est vraiment dommage !

Vous en particulier, vous avez vécu des moments difficiles durant cette CAN, vous avez même perdu votre place de titulaire. Que s’est-il passé au juste ?

Je viens de vous le dire, les choses n’étaient pas claires dès le stage du Brésil. Il y avait un jeu malsain dans les coulisses. Personnellement, je savais que je n’allais pas jouer. Et pour contenir ma colère durant la CAN, Hamimi, que Dieu ait son âme, est venu me voir pour me calmer. Il m’a proposé de jouer en 6, mais j’ai refusé. Je lui ai dit, ou je joue à mon poste, ou je ne joue pas. J’ai refusé de marchander.

Pourquoi n’avez-vous pas accepté de jouer en 6 ?

C’était par principe, et moi, je meurs pour mes principes. J’avais vu beaucoup de choses avant qu’il vienne me voir. Je ne veux pas rentrer dans les détails, mais j’avais bien des raisons de refuser cette proposition. Je ne pense pas d’ailleurs que ceux qui jouaient à mon poste étaient meilleurs que moi. Pour des raisons extra-sportives, je me suis retrouvé sur le banc, mais je n’ai pas marché sur mes principes.

A votre retour, vous aviez refusé de revenir en Equipe nationale, c’est cela ?

Non, je n’ai jamais refusé l’Equipe nationale. J’avais déclaré ne plus y retourner tant que ce staff restait en place. J’avais refusé de travailler avec le staff en question, pas de revenir en Equipe nationale. C’était ma décision et je l’ai assumée jusqu’à aujourd’hui. La preuve, après le départ de Sandjak, je suis revenu.

Est-il vrai que Madjer avait annoncé la retraite de plusieurs internationaux, dont la vôtre, sans qu’il ne vous en parle au préalable ?

Oui, c’était à l’occasion du match contre l’Olympique de Marseille. Madjer avait déclaré avant ce match que c’était la dernière rencontre de quelques cadres, à l’image de Tasfaout, Meftah, Dziri et moi-même. Nous étions surpris. Comment pouvait-il prendre cette décision à notre place ? Enfin, moi, j’ai été rappelé par la suite par Waseige.

Parlez-nous de votre dernier match en Equipe nationale. Il paraît qu’il s’est passé quelque chose avant que vous décidiez de mettre définitivement un terme à votre carrière internationale.

Que s’est-il passé ?…

A vous de nous le dire, mais pour vous mettre sur la bonne piste, il se disait à l’époque que des joueurs influents prenaient des décisions à la place du sélectionneur, est-ce vrai ?

Bon, puisque vous êtes au courant, je vais répondre par l’affirmative. Moi, je ne le savais pas. Je l’ai découvert justement à l’occasion des éliminatoires de la CAN/CM 2006. C’était en 2004 plus exactement, à Lagos, contre le Nigeria. J’étais remplaçant. Et à la mi-temps, au moment où nous rejoignions le vestiaire, un joueur, qui était sur le terrain, s’est approché de moi et m’a tenu ces propos : «Que dirais-tu si tu rentrais en seconde mi-temps pour jouer dans l’axe, devant la défense, afin de diminuer la pression sur nous ? Cela va nous permettre de colmater quelques brèches et préserver le score».

Que lui avez-vous répondu ?

Rien. Mais en seconde mi-temps, les choses se sont passées exactement comme il me les a présentées. J’ai été incorporé et j’avais reçu les mêmes instructions. Ce jour-là, j’ai fini par comprendre que ce sont les joueurs qui dictent au sélectionneur ce qu’il doit faire. Ils décidaient apparemment de tout : qui jouera d’entrée, qui sera remplaçant, qui sortira et qui entrera en cours de jeu. Le jour où j’avais compris tout cela, j’ai décidé de ne plus remettre les pieds en Equipe nationale. C’était mon dernier match, je ne suis plus revenu en sélection, d’autant qu’une nouvelle génération frappait à la porte.

Nombreux sont ceux qui pensent que votre génération était plus douée que celle d’aujourd’hui, avec les Tasfaout, Dziri, Saïb, Lounici, Meftah et les autres, mais les résultats de l’EN étaient catastrophiques. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?

L’Equipe nationale des années 1990 et début des années 2000 était victime de la conjoncture. C’était à l’image de la situation du pays qui traversait une période très difficile. On changeait les entraîneurs et les joueurs comme on changeait de chemises. La sélection était gérée comme un simple club, il n’y avait pas de moyens. Entre ceux d’aujourd’hui et ceux d’hier, il n’y a pas photo. Pendant ce temps-là, les autres nations travaillaient et avançaient. Nous, nous faisions du sur-place quand nous ne reculions pas. Cette génération au talent exceptionnel a été sacrifiée, en effet.

Nombreux aussi sont ceux qui se demandent pourquoi Zeghdoud n’a pas embrassé une carrière professionnelle. Que répondez-vous ?

C’est le destin. J’aurais aimé embrasser une carrière professionnelle à l’étranger, mais cela ne s’est pas fait ! On ne peut pas tout avoir.

Rassurez-nous, vous avez reçu des offres au moins, non ?

Si, beaucoup d’offres même.

On croit savoir qu’à un moment, l’AJ Auxerre  s’est beaucoup intéressé à vous…

C’était avant la CAN 98. Pendant les éliminatoires, après le match que nous avons joué contre le Bénin, le manager Badi est venu me voir. C’est Guy Roux qui l’avait envoyé pour discuter avec moi. Il lui a dit : «Ne reviens pas sans lui !» Mais à l’époque, j’avais décidé d’effectuer mon service national. C’était un véritable fardeau et j’avais décidé de m’en débarrasser. J’ai expliqué cela à Badi qui a été surpris de me voir laisser passer cette opportunité. Il a beaucoup insisté auprès de moi, mais je suis resté de marbre.

Il n’y avait aucun moyen pour partir ?

J’aurai pu demander un sursis et partir, mais j’aurais eu des problèmes à mon retour. Le service national était un grand souci et il fallait le régler.

D’autres offres ?

Oui, il y a eu par la suite une offre du PSG. C’était pendant la CAN 98. Un certain Abdelhak Beka est venu me voir de la part de Claude Leroy, qui était entraîneur adjoint du Paris Saint-Germain. Il m’a fait savoir que Claude Leroy avait tout préparé pour me recevoir là-bas, mais qu’il fallait que je fasse des tests auparavant, juste pour que les autres puissent me voir, car lui (Claude Leroy) me connaissait déjà.

Et quelle a été votre réponse ?

La même que celle que j’avais donnée à Badi. La différence, c’est que j’étais déjà sous les drapeaux. Donc, c’était impossible de partir.

Ce problème ne s’est pas posé toutefois lorsque vous avez reçu une offre de Levski Sofia. Pourquoi cela a également capoté ?

C’était pour une autre raison. Nous avions effectué avec l’USMA un stage en Bulgarie et nous avions affronté le Levski Sofia en amical. Il paraît que c’est là que j’avais tapé dans l’œil des responsables de ce club. Mais moi, je n’étais au courant de rien. Nous sommes revenus de Bulgarie, le président de Levski Sofia est venu à Alger, il a négocié mon transfert avec Allik, il lui a fait une offre, et moi, je ne savais rien de tout cela. Un jour, Allik m’a appelé et reçu dans son bureau. C’est lui qui m’a mis au courant de toute cette histoire.

Et alors ?

Allik m’a fait savoir qu’il avait refusé l’offre parce qu’elle n’était pas intéressante. Il m’a fait part de cette offre, je gagnais effectivement bien plus à l’USMA.

On a dit à l’époque que Allik n’avait pas donné une suite à la demande du Levski Sofia parce qu’il voulait vous garder, et non parce que l’offre n’était pas intéressante. Qu’en dites-vous ?

Je ne sais pas. Il est possible qu’il ait voulu me garder, mais moi, tout ce que je sais de cette histoire, c’est lui qui m’en avait fait part. Il m’a montré l’offre, il m’a demandé ce que j’en pensais, je lui ai dit «non, je ne pars pas». Voilà ce qui s’est passé. Par contre, un jour, quelqu’un m’avait parlé de quelques autres propositions que j’étais supposé avoir refusées sans que je sois au courant.

Comment cela ?

Je discutais par hasard un jour avec un manager que je connaissais quand il m’a dit que je n’aurai jamais dû refuser quelques offres, entre autres celles de clubs des pays du Golfe. J’ai été surpris car je n’étais pas au courant. Ce sont des offres qui parvenaient directement au club sans que je le sache. Là, j’aurai pu partir, d’autant que j’étais libre. Mais j’ai découvert cela bien après, et j’en ai voulu même au manager en question de ne pas m’avoir appelé pour m’en parler. Mais lui, il pensait que j’étais au courant et que c’est moi qui refusais de partir.

Vous souvenez-vous du jour où Alain Perrin avait fait vos éloges après avoir assisté à un match de l’USMA contre la JSK ?

Oui, je m’en souviens. Je crois qu’on lui avait parlé de Bezzaz, de Achiou et d’autres jeunes éléments. Et quand il a vu le match, il n’a parlé que de moi. J’ai été autant honoré que flatté. Cela m’avait fait plaisir d’autant que ça émanait d’un entraîneur de renom.

Avez-vous discuté avec lui ?

On s’est croisés après le match et on s’est juste salués, c’est tout.

Quel était votre plus mauvais souvenir durant votre carrière de footballeur ?

Sans doute le décès de ma mère. J’étais au Sénégal avec l’Equipe nationale quand j’ai appris son décès. Je ne peux pas vous décrire l’état dans lequel je me trouvais. C’est comme si le ciel me tombait sur la tête.

Vous n’avez pas assisté à ses obsèques ?

Si, et heureusement d’ailleurs. C’est Raouraoua qui a organisé mon retour en Algérie. Il y avait ce jour-là à Dakar une délégation du gouvernement qui était venue assister aux funérailles de l’ex-président du Sénégal. Raouraoua les a contactés et leur a demandé s’il y avait une possibilité de rentrer avec eux en leur expliquant ma situation. Ils ont accepté et j’ai pu arriver à temps pour enterrer ma mère, que Dieu ait son âme.

On imagine un peu l’état dans lequel vous étiez..

C’était très dur, mais la foi vous permet de tenir le coup.

Et quel était le match qui vous a laissé le plus mauvais souvenir ?

Je crois que c’est la finale du championnat contre l’USMH. D’abord, parce que c’était injuste de jouer le titre sur un seul match. Nous avons souffert toute une saison en caracolant en tête du classement pour perdre par la suite le championnat sur une seule rencontre, et de quelle manière. Nous menions par deux buts à zéro, nous dominions complètement les débats, mais on s’est fait rattraper au score pour perdre à la fin aux penalties. Ensuite, c’est parce que je me sentais un peu coupable d’avoir raté le dernier tir. Perdre le titre sur un petit détail comme ça, c’est dur à accepter.

On dit de vous que vous êtes le « dernier des Mohicans », puisque après vous, le poste de libéro est désormais vacant en Algérie. Qu’en pensez-vous ?

Ça, c’est vous qui le dites. Moi, je vois bien des joueurs qui auraient pu, et qui peuvent encore briller à ce poste.

A qui pensez-vous ?

Je pense particulièrement à Maïza qui a de grandes qualités, et à Harkat qui a été à mon avis handicapé par les blessures. Ces deux joueurs ont le profil pour jouer et réussir à ce niveau.

Et à l’USMA, qui voyez-vous pour vous remplacer un jour parmi la nouvelle génération ?

Je vois bien le jeune Chafaï. C’est un joueur pétri de qualités. Je l’ai vu jouer, il m’a impressionné. J’ai été charmé par son jeu et je crois qu’il a un bel avenir devant lui, pourvu qu’il soit bien pris en charge.

C’est le futur Zeghdoud ?

C’est le futur « meilleur que Zeghdoud » (Rire).

Que pensez-vous du nouveau statut de l’USMA et de la nouvelle direction du club ?

L’USMA s’est bien restructurée, ce sont ses premiers pas dans le professionnalisme. Il y a du bon travail qui est en train de se faire et je suis sûr que le club en récoltera les fruits, surtout avec l’arrivée de Renard. J’aurais aimé toutefois que Allik soit encore là aux côtés de Haddad. Pour moi, l’idéal était de travailler ensemble.

Récemment, la passe à effet rétro de Ronaldinho qui a marqué de derrière les buts, avait fait le buzz. Tout le monde en a parlé. Cela ne vous rappelle rien ?

(Rire.) Vous voulez me comparer à Ronaldinho.

Non, c’est juste pour dire que vous faisiez ce geste technique bien avant…

Oui, je le faisais à la fin de l’entraînement, juste pour me marrer. Si Ronaldinho frappait la balle de derrière les buts, moi je le faisais loin derrière, de l’entrée des vestiaires. Cette frappe consiste à donner à la balle un effet rétro de manière à ce qu’elle tombe au point de penalty pour revenir sur elle-même et rentre dans les buts. Mais ne me comparez pas à Ronaldinho, s’il vous plait !

Si c’était à refaire ?

Je referai la même chose. Je choisirai de jouer au foot. Le football m’a donné beaucoup de choses, il m’a procuré beaucoup de joie et il m’a permis de connaître des gens. Je ne retiens de ma carrière que les belles choses et je me dis que beaucoup de gens n’ont pas eu cette chance. J’ai sacrifié mes études, j’ai sacrifié ma vie de famille et je me suis investi à fond dans ma passion. Mais je ne regrette rien.