Epuisé par le match disputé la veille à Naples, puis un voyage fatiguant et une conférence de presse, Javier Zanetti a quand même tenu parole en nous accordant cette interview exclusive au cours de laquelle il parle de sa carrière, des deux Algériens de l’Inter, mais aussi des chances de l’Algérie en Coupe du monde. Tout cela avec beaucoup de sérieux. Comme sur un terrain de foot, quoi !
Vous auriez pu croiser votre compatriote Maradona qui était là dans le même hôtel, il y a quelques heures seulement…
Tout d’abord, je vous remercie de m’avoir invité à venir découvrir votre pays et assister à cette belle soirée. Je sais que Diego était présent chez vous, malheureusement je n’ai pas pu le rencontrer. Je sais que le peuple algérien était très content d’avoir reçu l’un des meilleurs joueurs de football de tous les temps qu’a été Diego Armando Maradona.
Ils sont également fiers d’accueillir une icône du football comme vous.
..J’ai été très bien accueilli, je l’avoue. Je remercie tous ceux qui se sont déplacés pour me voir. J’espère qu’on va passer une belle soirée (Ndlr, interview réalisée avant la soirée du Ballon d’Or).
Quand on vous a demandé en conférence de presse le secret de votre longévité, vous avez parlé uniquement de votre passion pour le football. Il devrait y avoir d’autres choses, non ?
Il y a la passion, mais il y a aussi l’amour pour ce sport, la culture de l’effort, la connaissance de son propre corps. Tout cela est fondamental pour se maintenir en forme.
Et le soutien de la famille aussi… Ce n’est pas évident d’avoir un époux ou un père de 40 ans souvent en stage ou en voyage, non ?
Le soutien de la famille est fondamental aussi. L’harmonie dans laquelle vit un joueur en compagnie de son épouse et de ses enfants lui permet de se consacrer entièrement à sa profession.
Quelle perception on a du football lorsqu’on a 40 ans ?
On le voit autrement qu’à l’âge de 20 ans, bien sûr. Le football se développe de jour en jour et dans toutes les parties du monde. Aujourd’hui, je sens un rééquilibrage des forces. Un grand nom et un prestigieux maillot n’assurent plus de bons résultats.
Sur un terrain de football, vous êtes un leader naturel, au point où beaucoup vous prédisent une riche carrière d’entraîneur. Y pensez-vous ?
Grâce à ma longévité, j’ai acquis une grande expérience dans le foot, mais sincèrement, je ne me vois pas sur un banc de touche. Je me vois plutôt dirigeant. Mais on ne sait jamais ! Au jour d’aujourd’hui, mon principal souci est de me donner à fond sur le terrain en tant que joueur et pas autrement.
Durant une aussi longue carrière, on est forcément marqué par un dirigeant, un entraîneur ou un joueur. Quels sont les acteurs du football que vous avez côtoyés et qui vous ont marqué ?
Sans conteste, Massimo Moratti, l’homme qui m’a fait confiance, alors que je n’étais rien dans le football. Je suis arrivé en Italie très jeune et inconnu au bataillon, mais il a misé sur moi et ça, je ne l’oublierai jamais. Je suis fier de faire partie de la famille de l’Inter depuis si longtemps. Cette fidélité est une forme de gratitude envers M. Moratti. Mes rapports avec lui ne sont pas des rapports de capitaine à président, c’est une relation humaine qui nous lie. Il y a aussi Giacinto Facchetti qui fait partie de l’histoire de l’Inter et qui est membre de cette grande famille qu’est l’Inter. Les entraîneurs qui m’ont marqué ? Ils sont nombreux : Bielsa, Mourinho et Cuper. Grâce au football, j’ai eu une belle expérience avec chaque entraîneur.
Et les joueurs qui vous ont marqué ?
A l’Inter, j’ai eu la chance de jouer avec le meilleur, Ronaldo, avec Figo, Simeone, Ibrahimovic, Eto’o, Milito, Djorkaef, Roberto Baggio. C’est au contact de ces prestigieux coéquipiers que j’ai pu améliorer mes qualités et mon jeu. Je leur serai reconnaissant toute ma vie.
Je sais que c’est une question difficile, mais je vais oser vous la poser quand même : c’est quoi votre onze idéal ?
C’est effectivement difficile, surtout que vous me prenez par surprise. Durant toutes ces années, j’ai joué avec de très grands joueurs, mais j’ai aussi affronté d’immenses joueurs. Bon, je vais vous les donner en vrac et à vous de faire l’équipe. Je pense à Paolo Maldini, ceux que je viens de citer, Baggio, Simeone, Ronaldo, Vieira, Redondo, Lothar Matthaus. Des joueurs qui ont fait partie de l’histoire du football mondial et qui, aujourd’hui, pourraient faire partie de mon onze idéal.
Vous avez oublié un joueur d’origine algérienne ?
Ah Zizou Zidane ! Vous voyez que bien c’est difficile. J’ai eu le privilège de l’affronter et je sais combien c’est difficile de le marquer. Tous les joueurs que j’ai cités feront le bonheur de n’importe quel entraîneur.
On dit que Zidane est encore plus dur lorsqu’on lui subtilise le ballon, c’est vrai ?
Oui parce que c’était un joueur de tempérament. Un joueur complet qui ne supportait pas qu’on lui subtilise le ballon.
Parlez-nous un peu des deux Algériens de l’Inter. Dites-nous un peu plus sur leurs qualités en tant que joueurs et en tant que personnes aussi…
Déjà Taïder et Belfo sont deux joueurs jeunes, ils ont donc beaucoup à donner mais aussi beaucoup à apprendre. Taïder est un milieu de terrain bien doté physiquement et d’un bon pied, alors que Belfo est un attaquant imprévisible capable de réaliser une action qui déséquilibre la défense adverse. Ce sont deux joueurs qui vont beaucoup apporter à l’Inter et au football.
En Algérie, on pense que Belfodil devrait changer de club au mercato pour avoir du temps de jeu. Quel conseil pourriez-vous lui donner en tant qu’ancien ?
Pourquoi changer alors qu’on on est dans l’un des meilleurs clubs du monde qui est l’Inter ? Belfo doit, au contraire, profiter de chaque minute de jeu que l’entraîneur lui accorde pour grandir encore, finir par s’imposer et réaliser une grande Coupe du monde avec l’Algérie.
Vous parliez tout à l’heure en conférence de presse de stabilité du staff technique et de la fédération qui ont permis à l’Algérie d’aller en Coupe du monde. Mais l’effectif est encore jeune, à l’instar de Belfodil et Taïder. Selon vous, cette jeune équipe algérienne est-elle capable de surprendre au Brésil ?
C’est toujours bon d’avoir des joueurs d’expérience dans un groupe, mais je sais que les joueurs de l’équipe d’Algérie jouent ensemble depuis un bon bout de temps. Ils ont lutté pour arracher leur qualification, ils ont mérité d’être au Brésil. Cela suffira à les mettre en confiance, malgré le manque d’expérience. Il faut faire confiance à cette équipe algérienne qui réalise de belles choses depuis quelque temps et qui peut créer la surprise en Coupe du monde.
Avez-vous encore en mémoire le match Argentine-Algérie du Camp Nou. Quelle image en gardez-vous ?
L’image de Cambiasso qui saute de joie, après nous avoir redonné l’avantage en deuxième mi-temps sur un centre de moi-même. C’était une sorte de délivrance parce que pendant toute la première mi-temps et en fin de match, les Algériens nous ont fait souffrir. Je crois que ce match a ouvert les yeux aux Algériens sur leurs qualités car depuis, vous êtes régulièrement présents aux grands rendez-vous.
A l’image de Belfodil et Taïder que vous connaissez, les joueurs algériens sont connus pour être des joueurs de tempérament qui ne lâchent rien sur le terrain. Serait-ce suffisant pour réaliser une bonne Coupe du monde ?
L’envie est un élément important dans une compétition comme la Coupe du monde, mais pour faire quelque chose, il faut aussi un brin de chance. Il faut arriver au tournoi en possession de tous ses moyens, savoir gérer les rencontres. C’est quand même une Coupe du monde et il faut être très compétitif pour la réussir. Le sélectionneur algérien doit donc bien préparer son équipe, s’il veut créer la surprise.
La Belgique, la Russie, la Corée du Sud… Que pensez-vous du groupe de l’Algérie ?
L’Algérie aura des chances de passer parce qu’il s’agit d’un groupe très équilibré. La Russie possède une très bonne équipe, la Belgique a réalisé un énorme parcours en éliminatoires en se qualifiant sans aucun problème et la Corée du Sud a aussi les moyens de créer la surprise. L’Algérie est donc dans un bon groupe et elle a beaucoup de possibilités pour passer le premier tour.
Et l’Argentine ?
J’aime cette équipe d’Argentine qui est en train de faire son chemin tranquillement avec une continuité dans les résultats, mais elle a surtout le meilleur joueur du monde, Messi. Je souhaite vraiment que l’Argentine gagne cette Coupe du monde.
Beaucoup pensent que l’Argentine dépendra en grande partie de la forme de Messi au Brésil…
Sans doute, oui. Messi est un joueur capable de déséquilibrer les meilleures défenses du monde. Si Messi est bien en juin, on va gagner beaucoup de matchs, mais derrière Messi, il ne faut pas oublier qu’il y a un groupe, il y a des joueurs très imporants comme Mascherano, Gago, Aguero, Higuain, Di Maria qui, lorsqu’ils sont ensemble, peuvent réaliser de belles choses.
A qui donneriez-vous le Ballon d’Or Fifa ? Messi, Cristiano ou Ribéry ?
Pour moi, les trois sont de très grands joueurs et méritent de gagner le Ballon d’Or. Malheureusement, le trophée ira à l’un d’eux et personnellement, je le donnerai à Messi.
A ce point ?
Oui.
Vous êtes resté éloigné des terrains à cause d’une méchante blessure. Avez-vous songé un instant à arrêter votre carrière ?
Jamais ! Après ma blessure et l’opération que j’ai subie, j’avais un seul objectif : jouer ne serait-ce qu’un seul match devant les supporters de l’Inter, avant de tirer ma révérence. J’en ai déjà joué trois et j’en suis très content.
De loin, Messi donne l’impression d’être distant et hautain. Vous qui l’avez côtoyé de près, que pouvez-vous nous de Messi l’homme ?
Messi est un être humain merveilleux. J’ai eu la chance d’avoir vécu avec lui en sélection et je peux vous assurer que c’est un garçon très ouvert, très serviable et modeste. Ce n’est pas par hasard qu’il est le capitaine de l’équipe d’Argentine. Une responsabilité qu’il assume parfaitement bien et avec beaucoup de fierté.
Les meilleurs joueurs du monde sortent d’Argentine. C’est quoi le secret ? Comment réussissez-vous à avoir autant de bons joueurs ?
L’amour du football, tout simplement. Si vous allez en Argentine, vous allez remarquer que dans chaque coin de rue, des enfants jouent au foot. La culture du jeu, nous l’avons depuis notre tendre enfance et c’est cela qui nous pousse à rêver d’être footballeurs.
On va vous demander de nous entonner le refrain fétiche de l’équipe d’Algérie, avant de terminer cet entretien…
One, two three ! Viva l’Algérie !
Entretien réalisé par
M. Saâd, M. Taffert
et Mustapha B.