C’est un ancien patron de la DST, Yves Bonnet et un autre ancien analyste du renseignement, Eric Denécé qui le confirment : «Tous les blogueurs et les leaders des réseaux sociaux qui ont été derrière le lancement des révolutions arabes ont été repérés dans des cycles de formations organisées par des ONG et des Fondations américaines au début des années 2000».
Pour le spécialiste du renseignement et des questions géostratégiques, Yves Bonnet qui est notamment le président fondateur du Centre international de recherche et d’étude sur le terrorisme et l’aide aux victimes, qui s’exprimait hier à Alger, les Etats- Unis d’Amérique ont toujours entrepris des actions d’ingérence systématique à l’égard des pays qui affichent leur hostilité à Israël et soutiennent parallèlement la Palestine. De même que cette politique d’ingérence, poursuit-t-il a été adoptée au niveau des pays voisins et proches de l’Union soviétique pour empêcher l’expansion du communisme et protéger leurs intérêts.
Yves Bonnet qui était l’invité de marque d’une rencontre-débat sous le thème «les révolutions arabes : Mythe ou réalité ?», organisée par le Mouvement féminin algérien de solidarité avec la famille rurale, n’a pas fait dans le détail : «Il faut retenir l’échec de ces constantes interventions extérieures qui ont toujours été catastrophiques. En s’ingérant en Iran, la CIA a fait monter au pouvoir, le régime des Ayatoulah.
En Irak, ils ont fait de ce pays, un endroit désagrégé. L’Irak se portait beaucoup mieux au temps de Sadam Hussein. Et voilà l’histoire des ingérences, qui se poursuit aujourd’hui en Tunisie, en Lybie et en Syrie…». L’autre invité de marque, Eric Denécé, ancien analyste du renseignement et actuellement directeur du Centre français de recherche sur le renseignement a de son côté détaillé la stratégie américaine qui a été rendue possible grâce à un certain contexte favorable qui existait dans le monde arabe.
«Des mouvements de protestation planaient depuis toujours dans les pays arabes. Les grands stratèges américains avaient compris qu’ils avaient intérêt à les entretenir, les orienter, les développer et ensuite les détourner de leurs vocations initiales pour les utiliser à des fins révolutionnaires afin de métamorphoser les régions qu’ils veulent remodeler à leur façon. Pour cela, ils ont joué la carte des réseaux sociaux et l’idéologie des droits de l’homme en s’intéressant aux jeunes talents et leaders. D’ailleurs, tous ceux qui ont mené les révolutions arabes, notamment sur la toile, ont été repérés dans des cycles de formations organisées par des ONG et, fondations américaines à partir des années 2000».
«Sarkozy est stupidement tombé dans le jeu des américains !»
Eric Denécé qui est l’auteur d’un nouvel ouvrage intitulé La grande illusion des révolutions arabes, affirme que les médias ont fait la suite, c’est-à-dire l’amplification de simples rassemblements en révoltes, une fois que les Etats-Unis ont décidé de passer à l’action à partir de 2010.
«Les blogeurs et les meneurs se sont échangé des mails et des sms pour se donner rendez-vous dans un espace public. Au départ, Ils étaient à peine une trentaine de personnes tout au plus. Mais comme par hasard, tous les médias se pointaient cinq minutes après et les chaînes de télévisions de propagande à l’exemple de CNN, BBC, El Djazira et El Arabia en faisaient des plans serrés, laissant croire qu’il s’agissait de milliers de personnes en rassemblement et cela encourageait les gens à descendre dans la rue.
Ajoutant à cela, les chaînes de télévisions européennes et surtout françaises qui répercutaient naïvement ces images et informations erronées…», a-t-il expliqué. Toujours dans le même sillage, abordant la question des alliés des Etats-Unis dans les révolutions arabes, Eric Denecé pense qu’à l’exception de l’Angleterre dont la participation a été réfléchie, les autres pays européens ont stupidement suivi.
«Sarkozy est stupidement tombé dans le jeu des américains en croyant qu’il allait pouvoir les devancer et en tirer des intérêts personnels… voilà pourquoi il a entraîné la France dans la guerre en Libye», a-t-il conclu. Enfin, interrogé en marge de la rencontre sur le cas de l’Algérie, Eric Decéné pense que les Etats- Unis s’attendaient à des événements en Algérie. «Souvenez-vous, lorsque des rumeurs commençaient à circuler, faisant état que le prochain pays qui prendra feu ce sera l’Algérie… D’ailleurs lorsque Alger a commencé à sécuriser ses accès sur Internet et à les contrôler, Washington a publiquement et officiellement protesté en avançant la restriction de la liberté d’expression et des libertés individuelles… Mais je crois que l’Algérie était à l’abri de cette fausse révolution, car elle est déjà passée par là et a fortement payé le prix.
Actuellement la donne a changé puisque les Etats-Unis ont besoin de l’Algérie dans la crise au Mali. Par contre, aujourd’hui la menace provient beaucoup plus des Qataris et des Saoudiens qui essayent de naviguer seuls en s’adonnant à des exercices de style, indépendamment de la volonté des Américains, car ils se sentent puissants et prêts à mener leurs combines en solo», a-t-il conclu.
M. M.