L’offensive militaire française au Mali contre les terroristes sévissant dans le nord malien connaît des succès quand il s’agit de la «récupération» des villes occupées depuis environ huit mois par les criminels d’ Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) et du Mouvement pour l’unité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao). Cependant, les chefs terroristes comme Abdelmalek Droukdel et Abdelhamid Abou Zeid n’ont toujours pas été arrêtés par les militaires français, maliens et ceux des pays dont des troupes sont engagées sur le terrain.
La survie des chefs terroristes justifie-t-elle le déploiement de drones aux frontières algériennes et celles d’autres pays voisins ? La question semble être tranchée aux Etats- Unis, si l’on en croit le quotidien américain Wall Street Journal qui a révélé récemment que les USA envisagent de déployer des drones au Sahel pour «tuer» Mokhtar Belmokhtar, alias Khaled Abou El Abbés, alias «Belaouar» (le borgne). Cette redoutable arme peut-elle, en termes de droit international, être utilisée au Sahel par un pays étranger à cette sous-région ? N’aurait-il pas été plus juste de confier cette mission aux pays de la sous-région du Sahel ?
Questions qui s’imposent pour diverses raisons, dont celle liée à la souveraineté des pays concernés et le fait que des drones utilisés en Irak, au Yémen et au Pakistan ont déjà fait des centaines de morts parmi des civils innocents. Le Sahel est-il condamné à subir le même sort ?
Le Temps d’Algérie : Le quotidien américain «Wall Street Journal» a annoncé que les USA envisagent de déployer des drones au Sahel pour «tuer» Mokhtar Belmokhtar. Comment voyez-vous ça ?
Yves Bonnet : L’installation et la mise en œuvre de drones pour éliminer les terroristes constituent une bonne réponse à des criminels qui n’hésitent pas à recourir à l’enlèvement et à l’exécution d’otages ainsi qu’à des attentats aveugles à des fins aussi crapuleuses qu’idéologiques, et je ne vois pas pourquoi les pays agressés s’en priveraient.
Y a-t-il, selon vous, des risques de transformation du Sahel en un nouveau Yémen ou un nouveau Pakistan ?
Ceci posé, il est fondamental que les utilisateurs en soient les pays territorialement intéressés et non des «alliés» qui peuvent poursuivre d’autres desseins et qui n’ont aucune légitimité à intervenir à l’extérieur, en Algérie par exemple. Seul l’Etat algérien doit assurer la protection de ses frontières et sûrement pas les Etats-Unis. La France ne peut avoir d’autre position que de laisser l’Algérie maîtresse chez elle. Comme le dit un vieux proverbe, «charbonnier est maître chez soi». Toutefois, une collaboration est toujours possible, mais aux conditions ci-dessus énoncées.
Une ancienne ambassadrice américaine au Mali a annoncé que la France a versé une rançon de 17 millions dollars à des terroristes au Sahel, en contrepartie de la libération d’otages travaillant pour Areva. Qu’en pensez-vous ?
Il me paraît vraisemblable qu’Areva ait versé une rançon pour la libération de ses personnels retenus en otages. Il y va même de la crédibilité de cette société vis-à-vis de ses personnels et de la détermination du gouvernement français à intervenir. Tout se passe comme si la rançon avait été versée et comme si les ravisseurs n’avaient pas tenu leurs promesses, ce qui embarrasserait le ou les intermédiaires, qui pourraient être le Qatar, mais ceci n’est qu’une hypothèse. Quant au montant de la rançon, eu égard à l’ampleur des intérêts en cause, soit le tiers de l’approvisionnement de la France en uranium, il n’est pas interdit de le croire globalement exact.
M. A.