Yennayer, un mythe survivant depuis 2961 ans

Yennayer, un mythe survivant depuis 2961 ans

– Mercredi, 12 janvier 2011, s’ouvre l’an 2961 du calendrier amazigh dont le départ remonte à l’an 950 avant la naissance du Christ. Baptisé « Tabburt U Seggas » (La porte de l’année), Yennayer signifie étymologiquement 1er jour de l’an. Chez les amazighs, et depuis près de trois millénaires, le temps est compté à partir de ce jour. D’essence agraire, ce calendrier est basé sur les changements de saisons et les différents cycles de végétation qui déterminent les moments des travaux agricoles, rythmés par le positionnement des astres, comme celui de la lune et du soleil. Du point de vue historique, Yennayer, cette date du jour de l’an du calendrier berbère, aurait pour origine la victoire du roi berbère Chachnaq sur le Pharaon Ramsès en l’an 950 avant J.C, qui lui permit de conquérir l’Egypte.

La célébration de cette manifestation est née d’un mythe, selon lequel Yennayer aurait sollicité Furar (Février) pour lui prêter un jour afin de punir une vieille femme qui s’est moquée de lui. Ce jour-là, dit-on, un violent orage se leva et poursuivit la femme jusqu’à l’étouffer. Depuis, la mort de la vieille symbolisera dans la mémoire collective le sort réservé à quiconque osera parodier la nature.

Yennayer, qui marque l’avènement de la période séparant les deux cycles solaires, les solstices et les équinoxes, signifie, surtout, le début du calendrier agricole, donnant lieu de nos jours encore en Kabylie à la pratique de rites liés aux travaux agricoles, rythmant la vie des paysans.

Le nouvel an amazigh marque également la période de la rupture des provisions que les paysans gardaient pour l’hiver, au temps de ‘autosuffisance alimentaire, dénommée « Aoula ». L’occasion est donc au renouvellement des forces spirituelles, par l’observation de rites et de sacrifices pour exorciser la faim et le malheur et attirer l’abondance de récoltes et le bonheur, finalité commune aux différentes régions du pays, quoique la célébration de la fête prend des formes différentes.

« Qui célèbre Yennayer, s’épargne le mauvais £il et les maux du temps », dit un adage populaire pour signifier que la paix et le bonheur méritent bien des sacrifices « Asfel ». Le rite le plus important et le plus répandu de nos jours est l’immolation d’animaux, notamment de poulets, égorgés sur le linteau de la maison pour en éloigner le malheur et attirer le bonheur. A travers ce sacrifice, il est recherché la fructification du travail de la terre.

Un dîner amélioré, à base de couscous et de poulet, est servi dans la nuit du 11 au 12 janvier. Les membres de la famille se doivent de l’honorer en mangeant à satiété : les enfants sont invités à faire bombance, faute de quoi, les prévientûon, la vieille de Yennayer les punira.

Les jours qui suivent amenzu n’Yennayer donnent lieu à la préparation d’autres mets, mais sans viande, à savoir « uftiyen », une sorte de soupe préparée avec une mouture de pois-chiches, blés, fèves et autres ingrédients symbolisant la fécondité et l’abondance des récoltes, accompagnée de crêpes ou de beignets enduits de miel, pour présager une année toute faite de douceur. De même qu’on s’abstient de manger des aliments épicés ou amers, de peur d’augurer une année du même goût.

Symbole de la fertilité et de l’abondance, Yennayer signifie également renouveau : on marque le changement de cycle, en changeant certaines habitudes. Ainsi, dans la campagne, on badigeonne la maison et on change les ustensiles de cuisine. C’est une manière d’exorciser la menace et d’amadouer la nature où les forces invisibles, pour que l’ouverture de la porte (de l’an) soit la plus propice possible.

D’autres rites, ayant toujours la fécondité pour explication, sont associés au bon présage de Yennayer, tel le fait de coïncider le mariage avec cette période propice à la fécondité, ou de donner au dernier né sa première coupe de cheveux. A cette occasion, les femmes se parent de leurs plus beaux atours, se fardent les yeux avec de l’antimoine « tazult » et se maquillent les lèvres avec les racines de noyer « El djouz », alors que les filles marient leurs poupées et font la fête rogatoire de la pluie « anzar », en promenant, de maison en maison, une grosse cuillère en bois habillée en mariée « Ghondja ».

Les céréales collectées en la circonstance serviront à préparer la soupe « uftiyen ». Il était également d’usage de planter des lauriers roses dans les champs de culture pour en chasser les parasites, ainsi que d’entreposer des branches de genêts sur le toit des maisons pour chasser le mauvais oeil.

Aujourd’hui, la plupart de ces pratiques ont disparu, il n’en subsiste, en ville comme dans les campagnes d’Algérie, que la tradition des repas et des friandises