La célébration du Nouvel An est un symbole ancré dans la mémoire collective
Bien que Yennayer ne soit ni un jour férié ni une fête nationale, il n’a rien perdu de son authenticité et de sa fraîcheur.
Amenzu n yennayer ou jour de l’an berbère coïncide avec le 12 janvier dans plusieurs pays: Algérie, Maroc, Egypte, Tunisie, Libye et îles Canaries. Yennayer est une tradition ancienne inscrite dans le calendrier agraire de l’Afrique du Nord qui connaît ces dernières années un regain de vitalité. Yennayer marque le premier jour de l’année, aqerru usegas. La célébration du Nouvel An diffère d’un pays à l’autre et d’une région à l’autre. Depuis Béjaïa, Tizi Ouzou, les hautes terres des Chaouias et Oasis mozabites, jusqu’au Rif marocain, sur les côtes tunisiennes, en passant par Ghadamès, en atterrissant à l’Oasis de Siwa en Egypte et aux îles Canaries dans l’Atlantique, l’événement est, depuis des lustres, célébré avec la même ferveur, et des pratiques sensiblement différentes. Cette commémoration est synonyme de prospérité et de renouveau. Ainsi, Yennayer est marqué dans certaines régions par le changement de décor à l’effet de débarrasser la maison des aléas de l’année écoulée. Une croyance qui place Yennayer sous le signe de l’abondance.
Entre mythes et légendes
La célébration du Nouvel An est un symbole ancré dans la mémoire collective. Yennayer est surtout l’occasion de célébrer certaines rites. Des genêts «uzzu» sont déposés sur les toits des habitations pour conjurer la malédiction. Dans les Aurès et la Kabylie, la fête consiste dans le nettoiement des maisons, au changement d’inyen (les pierres du kanoun). La tradition veut aussi que tout ouvrage commencé soit achevé ce jour-là, tel le tissage des tapis et autres effets tissés à la main.
Dans d’autres régions, c’est plutôt la première coupe de cheveux pour les garçons. Les légendes sont tissées autour de Yennayer et les contes sont nés d’histoires aussi vieilles que le calendrier. Parmi les histoires les plus connues, celle de la vieille femme «thakfart» qui, sortant un jour de soleil et croyant l’hiver passé, s’était moquée de lui. L’hiver, furieux, demande à Fourar de lui prêter deux jours pour se venger. Il envoya un violent orage qui envoya la vieille femme dans les flots, et selon d’autres, a transformé la femme en une statue de pierre. Yennayer est aussi émaillé de quelques interdictions: il ne faut pas balayer pour ne pas chasser les bonnes influences, s’abstenir de prononcer des mots de mauvais augure, tels sécheresse, faim et misère. La tradition est célébrée de la même manière à travers les pays amazighs.
Des rites ancestraux
«Addfghen iberkanen ad kecmen imellalen», par cet adage est annoncé le premier jour de l’an en Kabylie. Ce moment marque la séparation entre deux cycles solaires, passage des journées courtes, «noires» aux journées longues «blanches». Dans son livre (1929), La femme Chaouia des Aurès, Mathéa Gaudry rappelle que Yennayer est appelé. «Ass n Feraoun», qui veut dire, le jour du Pharaon. Selon la légende, les populations chaouies fêtaient la mort du Pharaon tombé dans la mer. C’est au temps de l’Egypte ancienne que sera fixé l’an zéro du calendrier berbère. Il correspond à la date où le roi Chachaq 1er (Sheshong) fut intronisé pharaon d’Egypte. Ce roi a unifié l’Egypte pour envahir Jérusalem. Il obtint du pharaon Siamon, dont l’armée en grande partie composée d’Imazighen, l’autorisation d’organiser un culte funéraire pour son père Namart. A la mort de Psossenes II en 950 avant J-C qui avait succédé à Siamon, Sheshonk s’attribua la dignité royale et fonda la XXIIe dynastie qu’il légitima en mariant son fils Osorkon à la fille de Psoussen II, la princesse Makare. L’an zéro amazigh se réfère donc à cette date
historique de plus de 950 ans avant J-C.
Imensi n yennayer
Cette fête est marquée par un repas. «Imensi n yennayer» consommé en famille: couscous au poulet ou de la viande séchée (acedlu). On prépare aussi des crêpes (eddur, tighrifin, accebbwad), uftiyen (soupe aux pois chiche, fèves et pois-cassés), talabagat (viande hachée), accompagnée d’une boisson. Dans certains endroits, les familles se gavent de figues, raisins noix et dattes. Le repas dans la région du M’zab, est composé de plats à base de semoule, sucre, lait et oeufs. Au nord de la vallée du M’Zab, un autre plat culinaire traditionnel très réputé, cherchem est composé de blé fumé avec des ingrédients et des épices. Dans l’Ahaggar, les Touareg commencent à fêter Yennayer une semaine avant le 12 janvier. On prépare kasbasou (couscous), la taggala, le pain et talbagat (viande hachée) et aghaghe (jus). Dans les Hauts-Plateaux, on prépare l’iranen, blé ou maïs avec des fèves. Aux enfants qui ne veulent pas terminer leur ration, on menace d’appeler «tseryel» qui signifie (aàjouzet Yennayer). Cette vieille viendrait les éventrer pour les remplir de foin et de paille.
A Annaba, on fête comme il se doit cette nouvelle année. Bien que la célébration de Yennayer ne soit ni un jour férié encore moins une fête nationale, elle n’a rien perdu de son authenticité et de sa fraîcheur.