«Lacen apportera beaucoup à l’Algérie»
«Mickael Fabre est Algérien à 100%»
C’est toujours avec un large sourire et son air timide de garçon bien élevé que Hassan Yebda nous accueille. Cette fois, c’est loin de l’Angola et des images fortes que la CAN nous a offertes un mois durant qu’on l’a revu.
C’était à Southampton précisément qu’il nous a reçus pour reparler bien sûr de l’Equipe nationale et de sa magnifique aventure avec les Verts. Ne fuyant jamais les questions, aussi gênantes soient-elles, Yebda s’est confié totalement, n’éludant aucun sujet.
Quoi de plus normal pour ce joueur qui a montré qu’il avait désormais son mot à dire sur le terrain et qui semble comprendre les responsabilités qui sont les siennes dans cette EN qu’il a intégrée par la porte la plus large et qui lui confère le droit de parler comme un cadre de cette équipe.
Elu Meilleur joueur algérien de la CAN 2010 par les lecteurs du Buteur, Hassan Yebda ne revendique, toutefois, rien dans cette Equipe nationale qu’il veut juste défendre comme on le fait avec sa propre famille.
Lorsqu’il en parle, on sent qu’il souhaite grandir avec les Verts, afin d’offrir le meilleur visage possible du football algérien lors de la Coupe du Monde.
Il a évoqué la venue de Lacen, mais aussi celle de son ami Mickael Fabre dont il dit beaucoup de bien. Comme il encense Rabah Saâdane qu’il estime être tout simplement l’entraîneur qu’il faut pour l’équipe d’Algérie. Un entretien rythmé et très sincère. Comme nous a habitués l’enfant de Taourit Adden. Appréciez.
Quelles sont les images que vous retenez le plus de votre première CAN ?
Sans hésiter, le moment où on est entrés sur le terrain avant la demi-finale contre l’Egypte, et on a vu notre public dans les tribunes. Nos supporteurs étaient plus nombreux et naturellement plus chauds que les Egyptiens. Le fait de les revoir, après une longue absence, ça fait quelque chose d’indescriptible.
Il y a vraiment un sentiment très fort qui nous lie à nos supporteurs. C’est extraordinaire ! La preuve, j’en parle encore avec beaucoup d’émotions. Ce sont ces images que je retiens le plus de cette CAN.
Qu’est-ce qu’on se dit à ce moment-là entre coéquipiers ? On va refaire le match du Soudan ?
Non, on ne se rappelait pas le match du Soudan. On était dans notre demi-finale et on voulait la jouer à fond. On voulait tellement faire plaisir à nos supporteurs et à travers eux, à tout le peuple algérien.
On voyait mal comment on allait perdre ce match, alors que nos compatriotes avaient fait tant de kilomètres pour nous soutenir. Mais dommage, le destin a voulu que Coffi Codjia soit l’arbitre ce soir-là. Il a tout gâché ! Mais malgré cela, malgré la défaite et les injustices, on a été applaudis par nos supporteurs.
On avait décidé tous d’aller les remercier à la fin du match. Il se passait quelque chose de très fort encore à ce moment-là. On se comprenait avec les yeux. On leur demandait pardon et eux, ils nous remerciaient et nous félicitaient. C’était vraiment fabuleux !
Cela rappelle un peu le public anglais quand il applaudit ses joueurs, malgré la défaite, non ?
Oui, c’est vrai. Nous à Portsmouth, à chaque fois qu’on encaisse un but, on voit nos supporteurs se lever pour nous encourager un peu plus. Et cela dure jusqu’à la fin du match. D’habitude, on ne voyait cela que dans le championnat d’Angleterre. Mais cette fois, on l’a vu aussi chez nos supporteurs. C’est une culture que les Algériens ont adoptée avec l’équipe nationale. C’est cela qui m’a surpris.
Comment expliquez-vous cette réaction ?
Je pense que c’est parce qu’ils voulaient nous dire qu’ils étaient fiers de nous. Ça se voyait dans leurs yeux. Et puis, nous aussi sommes très fiers de notre public. On ne rate jamais une occasion pour dire à l’étranger que nous avons le meilleur public du monde. On le dit et on est persuadés que c’est vrai, en plus. Le geste qu’on a eu à la fin du match montre bien que nous étions fiers de les avoir parmi nous.
Chaque joueur a lancé son maillot aux supporteurs pour les remercier d’avoir été là. Malgré la défaite et la douleur de l’élimination, on a su trouver refuge les uns chez les autres. C’est vraiment fort ce qui s’était passé ce soir-là avec notre public.
Et en matière purement footballistique, que retenez-vous de cette CAN ?
Déjà, je retiens que le style du jeu est complètement différent de celui qu’on pratique en Europe. Avec cette chaleur suffocante, le jeu va moins vite, mais il y a de l’engagement quand même et beaucoup de spectacle. J’ai découvert, en fait, un autre monde dans cette CAN ! Je ne m’imaginais pas tout cela.
Avec du recul, quelle explication rationnelle donneriez-vous à la défaite contre le Malawi ?
Je reste persuadé que si on avait joué en soirée, le résultat aurait été tout autre. Je suis sûr qu’on aurait gagné ce match, si on n’avait pas joué à 15h00, sous cette chaleur étouffante, avec toute cette humidité. On a été tout simplement surpris. Franchement, on ne pouvait pas courir ce jour-là. Avec cette température, c’était impossible de faire mieux. On voulait faire d’autres efforts, mais ça ne répondait pas.
On avait même du mal à respirer normalement.Même vous les journalistes ressentiez cette chaleur, non ?
On avait même du mal à aller chercher une bouteille d’eau pour se rafraîchir !
Vous voyez ! Et puis vous, vous étiez assis dans les tribunes. Vous pouvez donc imaginer facilement comment ça se passait pour nous sur le terrain.
On avait très mal accepté que les gens nous tombent dessus après ce match, en disant qu’on avait la tête ailleurs et toutes ces choses qu’on nous avait sorties.
On nous avait reproché de ne pas avoir assez mouillé le maillot, alors que notre maillot était déjà mouillé avant même de rentrer sur le terrain, tellement il faisait chaud. C’est ça qui nous a fait le plus mal dans cette CAN.
Mais c’est aussi ces critiques qui vous ont secoués par la suite, non ?
Non, je ne le pense pas. On n’a pas besoin d’être descendus comme ça pour réagir. Nous étions les premiers déçus après cette défaite. On savait qu’on allait bien réagir par la suite.
Le fait de critiquer l’équipe, comme les gens l’avaient fait après le Malawi, a peut-être créé un sentiment plus fort en nous, mais on n’avait pas besoin de cela pour réagir. Les joueurs de cette Equipe nationale jouent tous leurs matchs pour les gagner. On rentre toujours sur le terrain pour gagner nos matchs.
Coffi Codjia ?
Moi, je me demande encore à ce jour comment a-t-on pu désigner un arbitre comme ça en demi-finale de Coupe d’Afrique ? C’est incroyable ! Exécrable !
Ce n’est pas de cette façon qu’on va faire progresser le niveau de la compétition la plus prestigieuse du continent africain. Des erreurs comme celles-là sont impardonnables.
Je parle bien sûr de la désignation de cet arbitre à ce stade de la CAN. Pour ce qui concerne l’arbitrage, je crois que tout le monde a vu ce qu’il a fait. Ça se passe de commentaires.
Vous avez regardé la finale de la CAN ?
Juste la deuxième mi-temps et pas entièrement. Je ne voulais pas regarder ce match. J’étais avec ma famille à Taourit Adden et comme on était dans le salon, la télé était en face de nous. Donc j’ai regardé un peu, mais sans aucune envie de suivre.
Qu’est-ce qu’on vous a dit justement à votre retour à Taourirt Adden ?
On m’a dit qu’ils étaient très fiers de nous et de notre parcours. Ils m’ont dit que cette défaite n’en était pas une aux yeux des Algériens, car elle avait été provoquée par une grande injustice.
J’ai vu dans leur regard qu’ils étaient fiers de nous. Ils m’ont dit qu’ils étaient contents que l’Algérie ait retrouvé sa place parmi les meilleures équipes d’Afrique et du monde. Ça ne laisse pas indifférent. Ça redonne la flamme à tous les Algériens, y compris nous.
C’est devenu une habitude d’aller faire un saut au bled, après les matchs de l’EN, non ?
Oui, c’est vrai. J’y retourne toujours avec le même plaisir et la même joie. Je suis très fier de mes racines et le fait d’aller me ressourcer auprès des miens me donne encore plus de force mentalement. J’aime revoir Taourit Adden aussi souvent que possible.
J’aime bien retrouver le calme chez les miens avec toute la simplicité qui y règne et toute l’authenticité surtout. Je revois avec plaisir mes tantes, mes oncles, mes cousins et cousines, tous les amis.
Vos parents aussi étaient au bled ?
Oui, mais ils ne savaient pas que j’allais faire un saut à Taourirt. Je leur avais fait la surprise. En fait, on a pris la voiture avec mon frère Karim et on a foncé directement de l’aéroport au bled. Ils ont su que j’y allais une fois arrivés à la maison. J’y ai passé la nuit et le lendemain matin, j’étais dans l’avion.
Vous arrivez à Alger et vous voyez du monde déjà sur le tarmac de l’aéroport. Qu’est-ce que ça vous fait d’être accueillis de la sorte ?
Franchement, c’est toujours impressionnant d’être accueillis comme ça. On ne s’attendait pas à un tel accueil. Mais ça fait beaucoup de bien aux joueurs.
C’est comme si on avait gagné la CAN. Cela prouve qu’ils nous aiment et qu’ils nous soutiennent, quoi qu’il arrive.
N’aviez-vous pas été un peu bousculés par autant de sollicitations ?
Non, pas du tout. Celui qui n’aime pas cela n’a qu’à ne pas retourner au bled. C’est l’Algérien qui est fait comme ça. On aime toujours passionnément.
Il faut aussi comprendre les gens lorsqu’ils viennent nous voir ou nous demander une photo. Cela fait longtemps que l’Algérie attendait des moments pareils. Notre peuple a beaucoup souffert durant les dernières années. Il a le droit de vivre ses joies de manière aussi intense. Moi en tout cas, ça ne me gêne pas d’aller vers mes compatriotes.
Est-ce que des joueurs européens vous ont appelé pendant la CAN ou après ?
Malheureusement, j’avais perdu ma puce de téléphone pendant la CAN. Ce qui a fait que je n’ai reçu aucun coup de fil de personne.
Et votre ami Djebbour, vous l’avez eu au téléphone au moins ?
Oui, on s’est parlés au téléphone et il m’a dit qu’on avait fait un super parcours et qu’il avait vibré avec nous. Il était très content de la prestation de l’équipe.
Il n’était pas un peu frustré d’avoir manqué la CAN ?
Si, bien sûr qu’il l’était. Mais après, c’est un mal pour un bien, car ce qu’il est en train de faire avec l’AEK, c’est vraiment balaise. Il n’avait pas rejoué depuis cinq mois et il arrive à faire ce qu’il fait ! Il marque, il donne des passes décisives… Non, Rafik est bien revenu cette fois. Je suis très content pour lui.
A Auxerre, vous aviez bien joué en meneur de jeu, non ? Vous étiez un numéro 10 à l’ancienne, c’est ça ?
Oui, j’avais joué en meneur de 15 ans jusqu’à l’âge de 19-20 ans. J’avais commencé en numéro 10, c’est vrai. C’est après qu’on m’a fait changer de poste.
A quel moment ça s’est fait et quel est l’entraîneur qui vous a fait changer de poste ?
C’est M. Jean-François Jodar, mon entraîneur chez les moins de 18 ans en équipe de France, qui m’a fait changer de poste et m’avait positionné en milieu défensif. Et à Auxerre, comme mes entraîneurs ont vu que je me débrouillais pas mal à ce poste, ils m’avaient demandé de jouer là. Mais après, j’alternais entre les deux postes. Je n’ai pas été milieu défensif tout de suite.
Quelle est la question que vous posent le plus les supporteurs algériens après la CAN ?
Ils me demandent souvent qu’est-ce qui s’est passé contre le Malawi ? Ils n’ont pas admis à ce jour qu’on ait perdu par 3 à 0 contre le Malawi. On sent que c’est cette défaite qu’ils n’ont pas encore digérée. Sinon, ils insultent l’arbitre de la demi-finale (il éclate de rires !) Non, non, je plaisante. C’est le Malawi qui revient le plus.
Au mercato, on vous attendait tous ailleurs qu’à Portsmouth.
Qu’est-ce qui s’est passé déjà et est-ce que vous confirmez les contacts avec Séville, l’AS Roma et Arsenal ?
Oui, je confirme les contacts avec ces clubs et avec d’autres encore. En fait, c’était la fin du mercato et je revenais de la CAN, à deux jours de la date limite. Il y a eu des problèmes liés au fait que je sois prêté à Portsmouth par le Benfica et c’est cela qui a empêché mon départ. Je suis en prêt payant et Portsmouth doit encore de l’argent à Benfica. Ce qui n’a pas facilité les choses. Il y a eu beaucoup de soucis dans ce sens et le temps était trop court. Maintenant, il reste encore trois mois avant la fin de la saison et je dois me donner à fond pour sauver Pompey de la relégation. Il reste encore de l’espoir et je veux au moins réussir cela avec mes coéquipiers.
Si vous étiez à la place de Saâdane, vous prendriez quels joueurs pour renforcer l’équipe avant la Coupe du Monde, mis à part votre ami Rafik Djebbour ?
Oui, Rafik était déjà avant moi dans cette équipe. Il est donc naturel qu’il revienne, surtout après ce qu’il a montré après son retour à l’AEK. Je prendrais aussi Mehdi Lacen, car je pense qu’il ferait beaucoup de bien à cette équipe. C’est un joueur qui réalise une bonne saison en club. Il est titulaire et il est Algérien comme nous tous. Je ne vois pas de raison pour qu’il ne vienne pas en sélection.
Vous penserez aussi à Mickael Fabre, votre ancien coéquipier en équipe de France ?
Ah, «Micka» Fabre ! Oui, je le connais très bien ! On a joué longtemps ensemble.
Que pouvez-vous dire à son sujet, vous qui le connaissez si bien ?
C’est quelqu’un de très compétent. Il a largement sa place parmi les trois gardiens de but de l’EN. Il a été champion du monde avec nous. Après, il a été pris avec Mourad Meghni à Bologne où il avait été le remplaçant de Gianluca Pagliuca, l’ancien gardien de l’équipe d’Italie. Si Bologne l’avait pris, c’est qu’il avait bien quelque chose de plus que les autres. Il a ensuite décidé de retourner en France pour avoir du temps de jeu et c’est là qu’il atterrit à Clermont-Ferrand. Depuis, il a gagné une place de titulaire indiscutable et il joue tout le temps avec son club. Il fait souvent de gros matchs et son équipe lui doit beaucoup.
Vous êtes toujours en contact avec lui ?
Non, malheureusement, parce que nous avons été séparés par nos carrières respectives. Mais c’est quelqu’un que j’apprécie énormément. Micka et quelqu’un de simple et marrant. Il est très généreux sur le terrain comme en dehors. C’est quelqu’un de confiance sur qui on peut compter. Il est très attachant.
Vous le conseillerez à Saâdane ?
Oui, vivement, s’il me le demandait, bien sûr. C’est quelqu’un d’agréable et c’est en plus un très bon gardien de but.
Que pouvez-vous dire de son côté algérien ?
On en parlait tout le temps en sélection. Pour lui, on était trois Algériens en équipe de France. Il y avait Mourad, Mickael et moi. Pour nous trois, c’était clair qu’on était trois Algériens ! Mickael Fabre est un pur Algérien. Il l’est à 100%, je n’en ai aucun doute. C’est juste la faute à son prénom et ce n’est même pas lui qui l’a choisi ! J’espère sincèrement qu’on ne va pas lui refuser de jouer pour l’Algérie à cause de son prénom.
Certains pensent que c’est la Coupe du Monde qui l’a fait rapprocher de son pays. Qu’en pensez-vous ?
Ce n’est pas vrai ! On l’a dit pour Mourad et moi et on l’a dit pour bien d’autres encore. Tout le monde a vu que c’était faux. On vient tous jouer pour l’Algérie, pas pour la Coupe du Monde. Mickael Fabre a été demandeur de la sélection d’Algérie, bien avant la qualification pour le Mondial. Il était dans le même cas que Mourad et moi.
La loi est passée et aujourd’hui, il a les mêmes droits que tous les autres joueurs algériens. Je crois qu’il a même son passeport algérien. Que fallait-il qu’il fasse ? Qu’il demande à être sélectionné ? Ce sont des choses qu’on ne fait pas. C’est au sélectionneur de faire appel aux joueurs, et non l’inverse. C’est le coach qui décide de ces choses-là, pas les joueurs.
Il vous a déjà dit qu’il voulait jouer pour l’Algérie ?
Bien sûr ! Micka n’est pas un opportuniste. Il a toujours rêvé de jouer pour l’Algérie et il l’a dit bien avant la qualification pour le Mondial. C’est quelqu’un sur qui on peut compter. Maintenant, il n’y a qu’un seul décideur et c’est le coach. Va-t-il le prendre ou pas, c’est à lui de voir. Le problème, c’est qu’il ne reste pas beaucoup de temps avant la Coupe du Monde. Il faut voir ce que va penser la coach.
Mais tout le monde a vu qu’on avait besoin d’autres gardiens remplaçants. Gaouaoui s’est fait opérer et Chaouchi était incertain.
Le même scénario pourrait se reproduire avant la Coupe du Monde, non ?
C’est sûr que personne n’est à l’abri d’une blessure. On l’a bien vu en Angola. C’est pour cela qu’on aura besoin de tous les bons joueurs.
Il s’agit de représenter les couleurs de tout un pays, non pas sa petite personne. Il faut que le sélectionneur puisse disposer de plusieurs solutions de rechange de qualité quasiment identiques pour arriver avec un effectif digne du football algérien. On doit mettre tous les atouts de notre côté. Si le coach appelle Fabre, il lui appartiendra de faire ses preuves rapidement.
Le banc des remplaçants s’était vidé pendant la CAN à cause des joueurs qu’on avait pris, alors qu’ils étaient blessés.
Cela ne doit pas se répéter en Coupe du monde…
C’est vrai que vers la fin, on s’était retrouvés à 18. Il n’y avait pas de dix-neuvième joueur. C’est vrai qu’on doit penser à ces choses-là. On n’avait pas assez de remplaçants. Il nous faudra donc des remplaçants, même pour remplacer les remplaçants en cas de blessures. On a besoin de tout le monde et à tout moment.
Et Feghouli, vous en pensez quoi ?
Sincèrement, je ne l’ai pas vu jouer. Je ne peux pas porter de jugement sur lui. On dit beaucoup de bien de lui, mais il faut le voir jouer encore avant de se prononcer. Il y a aussi Boudebbouz que j’ai vu un peu, mais pas beaucoup. J’ai vu qu’il y avait du génie dans ce qu’il fait, mais je ne l’ai pas assez vu jouer pour dire précisément ce qu’il vaut. Mais les quelques fois où je l’ai vu, il m’a laissé une bonne impression.
Que vous a dit Avram, votre coach, à votre retour de la CAN ?
Il m’a demandé si j’avais bien joué et si j’avais supporté la chaleur. Il m’a dit qu’il avait vu qu’en cinq minutes, nos maillots étaient déjà mouillés à cause de la chaleur. Il m’a dit : «J’ai vu aussi l’arbitre (Coffi Codjia), ce n’était pas top.»
Et Aruna Dindane, vous l’avez bien chambré après le 3 à 2 contre la Côte d’Ivoire, non ?
Non, c’est lui qui m’a dit : «Enfoiré ! Vous nous avez bien assommés ! » On en a bien rigolé ensemble, mais après, il a reconnu qu’on était plus forts qu’eux ce jour-là. En fait, j’avais lu dans certains journaux qu’ils nous avaient sous-estimés avant le match. Je lui ai donc demandé si c’était vrai.
Et qu’est-ce qu’il a répondu ?
Il m’a dit non. Il m’a dit qu’ils connaissaient tous les joueurs avant de nous affronter et qu’ils savaient qu’il y avait une grande équipe en face d’eux. Il m’a félicité et m’a dit : «Vous avez été meilleurs que nous.»
Vous qui avez connu la préparation pour un championnat du Monde avec Jodar et cette fois avec Saâdane pour la CAN, est-ce que la méthode de Saâdane vaut celle d’un sélectionneur français ?
Elles sont différentes ! C’est normal, parce les deux sélectionneurs sont passés par des écoles de football différentes.
Et je pense que cette équipe d’Algérie fonctionne aussi bien que les autres. J’appuie la méthode de Saâdane, parce que je suis sûr qu’elle est aussi valable que celles des autres entraîneurs. C’est une méthode qui vaut ce qu’elle vaut, mais le plus important est qu’elle nous convient à nous ses joueurs.
Dans quel sens ?
Saâdane ne nous enferme pas dans un dispositif strict jusqu’à nous étouffer, comme le font certains entraîneurs. Je sais par exemple que dans certains clubs, le coach demande aux joueurs de ne pas dépasser un espace, même si le ballon est à cinq mètres de la zone délimitée.
C’est aberrant. Et avec Saâdane, nous avons au moins cette liberté de nous exprimer sur le terrain et en dehors, tout en nous responsabilisant.
Il sait qu’il a affaire à des joueurs professionnels. Il ne nous demande pas où on va aller. Il nous fait confiance et il sait qu’on ne fait pas n’importe quoi dans cette équipe. Je crois que la confiance qu’il accorde à ses joueurs est sa plus grande force. Après, les entraînements, chacun a ses méthodes. C’est vrai que c’est différent de ce qu’on faisait avec des entraîneurs français, mais elles tiennent la route comme les autres.
Est-ce que sa méthode fait partie des anciennes ou des modernes ?
Elle peut paraître sur certains aspects ancienne, mais je peux vous assurer qu’elle vaut les méthodes les plus modernes. La preuve, c’est qu’il a qualifié son équipe en demi-finale de la CAN et en Coupe du Monde. Regardez combien de sélectionneurs en Afrique sont arrivés avec des méthodes dites modernes et qui n’ont pas fait mieux que lui.
C’est quoi, selon vous, le secret de la réussite de la méthode Saâdane ?
Je crois que c’est parce qu’il sait comment nous prendre. Il sait comment nous aborder, comment nous parler. Après cette défaite contre le Malawi, je connais beaucoup d’entraîneurs qui n’auraient pas réagi comme lui et qui auraient fait que, face au Mali, on aurait peut-être perdu. Alors que lui, il a très bien réagi après cette défaite.
Que vous a-t-il dit de particulier ?
Il nous a mis en totale confiance. Il nous a dit ce qu’on espérait entendre
Il nous dit par exemple : «Même nous sur le banc, on était en sueur. C’était trop dur avec ce climat humide et cette chaleur étouffante. Et que le second match allait se jouer à 17h00 et qu’on allait jouer dans des conditions clémentes.»
Il nous a dit aussi qu’il était persuadé qu’on allait mettre tout le monde d’accord. Et c’est ce qu’on fait contre le Mali, puis l’Angola et la Côte d’Ivoire. Franchement, je pense que c’est lui qu’il nous faut, pas un autre !
Qu’attendez-vous de voir le 3 mars contre la Serbie ?
Un stade plein à craquer et une ambiance que seuls les Algériens savent créer. Je suis sûr que nous allons encore vivre de grands moments avec notre public.
Entretien réalisé à Southampton par : Nacym Djender