Yebda «Je n’étais pas prêt pour jouer la Coupe d’Afrique»

Yebda «Je n’étais pas prêt pour jouer la Coupe d’Afrique»

18 février 2012. Hassan Yebda quitte le terrain d’entraînement du stade de Los Càrmenes de Grenade en se tordant de douleur. Un simple mauvais appui lui coûtera une rupture du ligament croisé intérieur du genou droit. Pour avoir déjà vécu semblable catastrophe, Yebda s’est vite rendu compte que c’était grave.

Tellement grave qu’il allait devoir faire l’impasse sur ses deux principaux objectifs : s’imposer définitivement à Granada où il s’était déjà affirmé comme un joueur important et entamer en fanfare les éliminatoires de la CAN-2013 et du Mondial-2014. Un autre objectif disparaitra en cours de route, celui de jouer une deuxième phase finale de Coupe d’Afrique. Même déception de l’autre côté de la Méditerranée où le sélectionneur national regrettait l’absence sans doute trop longue du stabilisateur du jeu algérien depuis quatre ans déjà. «C’est vraiment une mauvaise nouvelle et pour le joueur et pour la sélection. Il faudra faire avec», nous avait déclaré à l’époque Vahid Halilhodzic. En reprenant l’entraînement il y a à peine deux mois, Yebda croyait pourtant qu’il avait fini de manger son pain noir, mais d’autres joueurs ont émergé à Granada pendant son absence compliquant encore sa tâche de revenir à son meilleur niveau. Opiniâtre, ce fils d’émigrés kabyles n’en continue pas moins de lutter au quotidien à l’entraînement pour gagner du rythme et la confiance de son entraîneur. Après s’être confiné à un silence devenu pesant à la longue, Yebda a choisi de s’exprimer dans les médias et c’est le Buteur qui a eu le privilège de recueillir ses premiers mots depuis plusieurs mois. Entretien.

«Halilhodzic a eu raison de ne pas m’avoir convoqué pour la CAN»

Beaucoup de supporters de l’équipe nationale aimeraient avoir de vos nouvelles. Où en êtes-vous au jour d’aujourd’hui après plusieurs mois d’absence ?

Pour l’instant ça va tres bien, je reviens petit à petit de la grave blessure que j’ai contractée l’année dernière. Là, je m’entraîne avec le groupe le plus normalement du monde. Cela fait presque deux mois que j’ai repris. Mon seul souci depuis est de retrouver mon meilleur niveau. Pour y arriver, je travaille dur, très dur à l’entraînement car ce n’est jamais facile de revenir d’une blessure.

Votre retour à l’entraînement a coïncidé avec un regain de forme de votre club qui enchaîne les bons résultats depuis l’arrivée d’un nouvel entraîneur (Ndlr. Lucas Alcaraz) qui ne va sans doute pas chambouler son équipe. Comment gérez-vous cela ?

En tant que joueur professionnel, je gère cela d’une manière professionnelle, c’est-à-dire que moi je suis dans cette équipe pour travailler durement, sérieusement lors des séances de travail et cela tous les jours. De son côté, l’entraîneur fait au mieux son travail, s’il juge que je ne suis pas encore prêt à renouer avec la compétition, je dois m’y faire en attendant d’avoir ma chance.

Battre le Real Madrid par exemple ne fera que conforter votre entraîneur dans ses choix. Un changement dans le onze est-il encore possible à votre avis ?

Le coach a fait des choix concernant les joueurs à aligner et sur le plan tactique, des choix qui se sont avérés payants jusqu’à maintenant. Il n’y a rien à dire là-dessus. La balle est dans mon camp, c’est à moi de travailler encore plus jusqu’à ce que j’aie une opportunité de jouer et si l’occasion m’est donnée, c’est à moi aussi de montrer à l’entraîneur et à tout le monde que j’ai ma place sur dans cette équipe. D’ici là je ne dois surtout pas baisser les bras.

Entre temps, Halilhodzic risque de se passer encore de vos services, ce qui est un peu logique, non ?

Tout à fait. Je pense qu’il sera tout à fait normal que le sélectionneur national ne me convoque pas pour cette rencontre si je n’ai pas de matchs dans les jambes. Après, on ne sait pas ce qui peut se passer d’ici le match face au Bénin. Je vous l’ai déjà dit, moi je m’entraîne tous les jours, je fais même des séances supplémentaires chaque semaine et je vous assure que physiquement je me sens bien. Après, si Halilhodzic fait appel à moi, je serai très heureux de porter à nouveau le maillot de mon pays. Sinon, je trouverais cela tout à fait normal et je respecterais entièrement sa décision.

Ne nous dites pas que dans un coin de votre tête, vous n’espérez pas faire partie du groupe pour ce match face au Bénin…

Bien sûr que oui, si je travaille tous les jours c’est justement pour faire partie de cette liste contre le Bénin. Après et comme je viens de vous le dire, si je ne suis pas convoqué, pas de problème. Il faut que l’Algérie gagne avec ou sans moi.

Est-il vrai que vous aviez l’intention de quitter Grenade pour le championnat turc au mercato ?

Non, je suis bien ici. Il est vrai qu’avec l’ancien entraîneur le courant ne passait pas,  je ne parle pas du plan sportif mais sur le plan humain. Les choses n’allaient pas trop bien entre nous, mais maintenant les données ont changé avec l’arrivée d’un nouveau coach. Avec ce dernier, ça se passe très bien sur tous les plans. C’est quelqu’un de sérieux et de compétent, je sais qu’avec lui j’aurai tôt ou tard ma chance. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de  rester ici et je suis très content d’être là.

Revenons un peu en arrière et à cette fatidique date du 18 février 2012. Au moment où vous aviez quitté le terrain sur une civière, à quoi avez-vous pensé ?

J’ai tout de suite su que c’était quelque chose de grave. Certains ne le savent peut être pas, mais j’ai déjà contracté la même blessure au genou il y a de cela une dizaine d’années. Sur le coup, j’ai ressenti la même douleur et je peux vous assurer que ça fait mal. En quittant le terrain, je me disais déjà dans ma tête que la saison était finie pour moi, mais à côté de cet abattement, j’ai senti immédiatement un note d’optimisme. Je me suis rapidement dit que cette blessure n’était pas la fin du monde et qu’il fallait que je revienne au plus vite sur le terrain. J’ai également eu une pensée pour ma famille, ma femme et tous mes proches car je savais que ça allait être dur pour eux aussi.

On imagine que c’était une période difficile pour vous. Comment fait-on pour gérer cela ?

Effectivement, c’était une période très difficile pour moi et les membres de  ma famille qui m’ont soutenu jusqu’au bout. Je voudrais les remercier au passage car c’est eux qui m’ont donné cette force morale pour revenir sur un terrain de foot.

Vous êtes-vous senti seul par moment ?

Non, pas du tout. Quand il y a la famille à côté de vous, la solitude n’a pas de place.

Croyez-vous que durant cette période on a été ingrat avec vous côté médias ?

Non, ça va mais bon vous faites votre boulot, nous on fait le nôtre sur le terrain.

Pourquoi alors avoir décidé de vous confiner dans le silence avec des interventions médiatiques très rares ?

Parce que tout simplement je n’avais rien à dire. J’ai estimé qu’il n’y avait pas d’utilité à ce que je parle sur les journaux. J’étais un joueur blessé, à partir de là j’ai préféré me concentrer pleinement sur ma rééducation et sur le travail que je devais accomplir. Une fois prêt, je m’exprimerai à nouveau, c’est ce que j’ai fait en vous accordant cette interview.

Parlant maintenant de la CAN-2013. Quelle est votre appréciation sur le niveau de cette édition ?

Je trouve qu’elle a été d’un bon niveau, c’est le cas des dernières CAN. Il y a une progression dans le football africain, mais malheureusement en tant qu’Algérien, je suis déçu de ne pas avoir vu l’Algérie en finale de cette compétition, c’est vraiment dommage.

Comment expliquez-vous l’élimination précoce des Verts justement ?

Je ne sais vraiment quoi dire. J’ai regardé les trois matches, il est vrai que la sélection a produit du jeu avec de belles prestations, c’est l’avis aussi de beaucoup d’observateurs. Quand on voit le comportement des joueurs sur le terrain, on sent qu’ils ont tout donné, mais au bout il leur a manqué cette efficacité devant les buts adverses, cette touche finale qui peut faire la différence. Certains n’ont pas manqué de «taper» sur Slimani à cause des occasions qu’il a ratées, notamment cette transversale face à la Tunisie et ce face-à-face contre le Togo. Je crois qu’il ne faut pas lui tomber dessus à cause de cela, le plus important est qu’il se soit créé des opportunités de marquer dans un tournoi dans lequel il prend part pour la première fois. A mon avis, cette participation a été enrichissante pour la plupart des joueurs qui se sont forgé une expérience en prévision des matchs de qualification de la coupe du monde 2014.

Partagez-vous l’avis de ceux qui pensent qu’il a manqué des joueurs d’expérience à l’équipe d’Algérie ?

Absolument. A voir notre effectif, il n’y avait pas beaucoup de joueurs ayant déjà pris part à une phase finale de Coupe d’Afrique. C’est ce que je disais tout à l’heure au sujet de Slimani, son manque d’expérience a pesé dans les matches. Je pense qu’il a beaucoup appris de ces trois matches et qu’il sera meilleur lors des prochains matchs. Je reste persuadé que c’est un très bon joueur qui fera encore parler de lui en démontrant à tout le monde ce qu’il vaut vraiment.

Etiez-vous en contact avec certains joueurs pendant la CAN ?

Oui, j’étais toujours en contact avec certains d’entre eux tout au long de cette coupe d’Afrique. Je voulais avoir de leurs nouvelles, savoir comment le groupe allait. Et à chaque fois que je leur parlais au téléphone, je les encourageais. C’est mon devoir d’agir de la sorte.

On parlait tout à l’heure de manque d’expérience. La présence d’un joueur comme Bougherra aurait-elle été utile à l’équipe ?

C’est sûr. J’ai parlé avec lui juste avant le coup d’envoi de la Coupe d’Afrique et il m’a confié qu’il aurait aimé être là-bas avec la sélection, malheureusement il n’a pas été retenu dans la liste finale. Avec tout son vécu en sélection, ses participations précédentes à la CAN et en Coupe du monde, sa présence aurait été très importante pour le groupe. Mais bon, le coach en a  décidé autrement, il faut savoir l’accepter et ne pas remettre en cause les décisions du sélectionneur.

Sincèrement, Hassan, avez-vous été déçu de ne pas faire partie des 23 ?

Franchement, non, je n’ai pas ressenti de la déception. En ce qui me concerne, c’était tout à fait normal de ne pas être convoqué, donc il n’y avait aucun souci de ce côté-là.

C’est par rapport au temps de jeu que vous dites cela ?

C’est bien ça, durant la période où le sélectionneur préparait sa liste de joueurs pour la CAN, je n’avais pas disputé le moindre match. A partir de là, j’ai trouvé logique et normal de ne pas être convoqué. C’aurait été un manque de respect de faire partie de ce groupe et prendre la place d’un joueur plus compétitif alors que je n’ai pas joué un match depuis des mois.

Physiquement, étiez-vous prêt à jouer cette CAN ?

Non, je n’étais pas prêt à 100% sur le plan physique. Halilhodzic a donc pris la meilleure décision à mon sujet.

Ziani, Ghezzal, Bougherra, Abdoun, Meghni pour ne citer que ceux-là, n’ont pas non plus été convoqués pour la CAN. On imagine que ça discute souvent entre vous à ce sujet. Peut-on savoir s’il y a des colères enfouies chez eux ?

Non pas du tout, c’est vrai qu’on en a discuté entre nous il y’a un moment. Maintenant que le coach a pris des décisions, il fallait les respecter surtout que l’équipe est en train de réaliser de belles choses sous sa conduite. Halilhodzic est en train d’effectuer un très grand boulot depuis maintenant une année et demie avec ce groupe qui est bien parti pour décrocher une qualification pour la prochaine Coupe du monde, il faut donc le laisser travailler tranquillement.

En évoquant l’avenir de ce groupe, ce dernier sera prochainement renforcé par un nouveau venu, un certain Ishak Belfodil, le connaissez-vous ?

Personnellement, je ne le connais pas, mais j’ai entendu parler de lui. Je sais qu’il joue à Parme en Italie et d’après les échos que j’ai de lui, il est en train de réaliser de bonnes choses en Serie A, donc pourquoi pas ne pas l’avoir en équipe nationale et tirer profit de son talent.

On parle également d’autres joueurs à l’image de l’Ex-Lyonnais, Yannis Tafer qui évolue actuellement à Lausanne et Saphir Taïder qui joue à Bologne en Italie,  que pensez-vous d’eux ?

Saphir Taïder qui joue à Bologne est un très bon joueur. Yannis Tafer par contre, je ne le connais pas mais je sais qu’il était à Lyon et qu’il a été prêté à Toulouse, je ne l’ai pas encore vu jouer. Moi, je dis bienvenue à tous les bons joueurs, ceci ne peut qu’être profitable à la sélection nationale.

Vous qui jouez en Espagne, comment voyez vous l’évolution de Sofiane Feghouli en Liga ?

Si Feghouli est arrivé au stade où il est aujourd’hui, c’est-à-dire jouer pour l’un des grands clubs d’Espagne, c’est parce qu’il le mérite. En plus du fait qu’il a toujours bossé dur, il a de très grandes qualités humaines, c’est un gars très gentil. Au sujet de sa carrière, je dirai que son évolution a été très rapide, depuis le début de l’actuelle saison il a passé un cap dans sa vie de footballeur. Il a réussi à montrer à tout le monde que c’est un excellent joueur et ici en Espagne tout le monde le connaît et le respecte désormais. Je suis hyper heureux pour lui.

Pensez-vous qu’il a les moyens de monter d’un cran, c’est-à-dire jouer pour un club plus grand club que Valence, que ce soit en Espagne ou dans un autre championnat ?

Il a déjà franchi un cap en devenant un titulaire indiscutable à Valence. S’il continue sur ce rythme, je pense que dans deux ans il pourra jouer dans un grand club.

Enfin, un mot pour tous vos admirateurs qui attendent avec impatience votre retour en Equipe nationale ?

Merci à eux et merci à tout le monde, c’est vrai qu’on n’entend pas trop parler de moi depuis quelques temps, mais je leur promets que la situation va tourner bientôt en ma faveur et j’espère que mon retour sur le terrain se fera incessamment.