Hassan, comment voyez-vous, à froid, cette défaite humiliante de Marrakech ?
Avant toute chose, je tiens à demander un grand pardon à tous les Algériens, après une telle déroute. Je voudrais leur dire qu’à aucun moment, il n’a été dans l’intention de qui que ce soit d’entre nous de prendre à la légère ce match.
Maintenant, pour répondre à votre question, je dirai qu’on s’était très, très bien préparés pour ce match, tant en Espagne qu’à Marrakech. On a toujours été sérieux aux entraînements, on a suivi toutes les consignes du coach et le jour du match, on avait aussi très bien commencé. On a bien joué pendant les 20 premières minutes durant lesquelles on avait pris l’ascendant sur notre adversaire, mais la suite a été une vraie catastrophe… (Il s’arrête de parler, visiblement toujours atteint).
On sait que c’est difficile d’en parler à ce jour, mais on voudrait savoir comment vous les joueurs vous expliquez cette défaite ?
Je pense qu’on n’a pas réussi à garder le ballon. Avant le match, on avait l’intention de jouer au ballon, de le garder longtemps afin de prendre le match à notre compte. Malheureusement, on n’a pas réussi à le faire. Je pense que ce qui nous a aussi enfoncés, c’est le fait d’avoir perdu beaucoup de duels. Mais je reste persuadé que c’est parce qu’on n’a pas réussi à garder longtemps le ballon qu’on a raté notre match. C’est cela qui nous a fait mal.
Comment expliquez-vous le fait de ne pas avoir résisté plus que 20 minutes ? Est-ce à cause d’une mauvaise préparation ?
Sincèrement, je ne pense pas qu’on a fait une mauvaise préparation. Mais c’est vrai que passées les vingt premières minutes où on a su gérer correctement le début, la suite a été catastrophique. Je ne sais pas, mais il faudrait chercher les raisons ailleurs. Franchement, je ne l’explique pas encore.
Comprenez-vous votre remplacement à la mi-temps et comment l’avez-vous pris ?
Je ne vous cache pas que je l’ai très mal pris. Je n’ai pas à me voiler la face. Je suis un gagneur et je veux toujours aller au bout du match en me donnant à fond. Je pense que sortir un joueur à la mi-temps n’est pas forcément la meilleure des choses à faire. Mais je n’ai pas réagi et je suis resté très concentré sur le match, même en dehors du terrain. Je n’ai pas pour habitude de discuter les choix du coach. Je voulais juste que l’équipe parvienne à gagner ce match. Parce qu’on ne savait pas ce qui allait se passer en seconde mi-temps. Non, je suis resté très concentré, mais en même temps, très, très énervé…
Certains disent que vous vous êtes accroché avec Benchikha à cause de cela. Vous confirmez ou vous infirmez ?
Non, ce n’est pas vrai, car justement, depuis mon remplacement, on n’a échangé aucun mot entre nous deux.
C’était voulu ? Vous ne vouliez pas lui reparler ?
Non, mais après une défaite, personne n’avait envie de parler, moi en premier. Et puis, avec un changement comme ça pour moi… je n’ai pas compris en fait cela. Mais n’empêche que je suis resté concentré et je voulais juste que l’équipe gagne ce match. On était tous très énervés après cette défaite. Les visages étaient tous figés et personne n’a parlé avec ses coéquipiers, tout simplement.
Comment expliqueriez-vous votre remplacement, si vous étiez à la place du coach ?
Je ne sais pas exactement, mais je pense qu’il serait intéressant de le lui demander. Moi en tout cas, je n’ai rien compris personnellement, tout comme plusieurs autres joueurs qui se sont posé la même question. Mais voilà ! Ce sont les choix d’un coach et c’est à lui de les assumer.
Quels sont ces joueurs qui n’ont pas compris votre changement ?
Je ne peux pas donner de noms comme ça. Voilà, ça c’est mon opinion et celle de certains joueurs. Le coach a fait ses choix et il faut les respecter…
En deux matchs officiels avec Benchikha (Annaba et Marrakech, ndlr), vous n’avez pas été au bout des 90 minutes. N’est-ce pas un manque de confiance à votre égard ?
Un manque de confiance ?… (Il hésite un moment). Oui, bien sûr, bien sûr ! C’est même un manque de confiance total ! Voilà, maintenant, j’ai été très déçu et très touché par cela, mais ça reste le choix d’un entraîneur et il faut savoir le respecter. Des fois, il y a des choix qui sont positifs et qui font gagner l’équipe et d’autres fois, ce sont des choix qui pénalisent l’équipe.
Vous auriez eu Benchikha comme entraîneur en club, il vous aurait fait jouer beaucoup sur toute la saison ?
(Il sourit) Ah, ça je ne pourrais pas le dire ! Je ne sais pas du tout ce qu’il aurait fait.
Finalement, Benchikha, ça restera pour vous un mauvais souvenir ou un bon ?
Non, c’est un bon souvenir, c’est un bon souvenir, parce que c’est quelqu’un qui était proche de ses joueurs. C’est juste ses choix à mon égard qui resteront de mauvais souvenirs.
Comment peut-on laisser un défenseur central comme Benatia traverser tout le terrain, passer les deux premiers rideaux défensifs et donner une passe décisive à Chamakh ? C’est quoi cette passivité d’ensemble sur le second but ?
Pour cela, il faudra revoir les images du match pour l’expliquer. C’est ce que j’essaie de faire depuis cette défaite pour tenter une analyse personnelle de cette déroute. Mais c’est vrai qu’il y avait un gros problème sur cette action notamment. Je la revois tout le temps. Il y a eu un gros pressing qui est fait, le ballon revient sur moi, je le renvoie loin de la tête et il tombe dans les pieds de Benatia qui fait plus de 50 mètres tout seul, avant de délivrer une passe décisive pour Chamakh qui se retrouve face au gardien. C’est sûr qu’il n’allait pas rater son tir. Donc, pour analyser cela, il faudrait voir avec les spécialistes…
Mais vous, c’est quoi l’explication que vous donneriez à cette action ?
Moi, je pense juste qu’il est inadmissible qu’un défenseur central arrive à montrer sans être inquiété par les adversaires et finir par donner une passe décisive à un attaquant.
Vous dites que vous avez été bien préparés, mais quand on voit cette action et les autres, on conclut que soit les joueurs n’avaient pas assez de jus, soit ils l’ont fait exprès, non ?
Franchement, je ne peux pas vous dire si c’est à cause de la préparation physique ou autre. Mais je peux juste reconnaître qu’il y a eu une grande passivité sur ce but, ou plutôt sur tous les buts ! Car à chaque fois, si vous remarquez, c’était à cause d’une erreur défensive qu’ils ont marqué leurs quatre buts.
On parle de la fin d’une époque pour cette équipe. Partagez-vous cet avis ?
Non, je ne suis pas d’accord. Cette équipe n’est pas finie. Il suffit juste de ramener un grand entraîneur qui puisse nous apprendre quelque chose de nouveau pour qu’on se remette à fond au travail. Je pense que les meilleurs éléments, il faudra les garder tant qu’ils seront bons.
Justement, la FAF vient d’annoncer il y a quelques minutes (entretien réalisé hier après-midi) que le prochain sélectionneur sera de renommée internationale et en plus étranger en même temps que son staff…
Pour moi, qu’il soit algérien ou étranger, peu importe. Nous avons gagné avec un entraîneur algérien et nous avons aussi l’habitude d’être coachés en club par des étrangers. Ce qui est important pour nous, c’est que le nouveau staff soit compétent et qu’il nous apporte quelque chose de positif. Peu importe son origine.
C’est une bonne chose que Benchikha n’ait pas insisté et qu’il ait vite démissionné ?
Je ne sais pas, lui a une carrière d’entraîneur à gérer et nous avons la nôtre en tant que joueurs. Chacun décide pour lui-même. C’est comme sur le terrain, il a fait ses choix et personne n’a à les discuter…
Hassan, l’équipe du Maroc était-elle forte à ce point au final ?
Sincèrement, ils ont une très belle équipe avec de très bonnes individualités. Et là, dans ce match, ils ont prouvé qu’ils ont aussi un très bon collectif.
Que vous a dit Benchikha durant la mi-temps ?
Euh… je ne sais plus. J’étais tellement énervé que je ne m’en rappelle plus (C’est à la mi-temps que Benchikha l’a remplacé, ndlr). J’avais la tête vraiment ailleurs. J’avais mal accepté cela.
Et que vous a-t-il dit après le match ? Il vous a annoncé sa démission ?
Non, non, il n’y a eu aucun discours. On a juste pris notre douche et on est partis. Il ne nous a pas dit directement qu’il allait démissionner.
Et comment l’aviez-vous appris ?
Par le biais de certains de mes coéquipiers. On est venu me demander si je savais que le coach avait démissionné et j’ai dit non.
Comment voyez-vous la suite de votre parcours dans ces éliminatoires, vu que mathématiquement, vous n’êtes pas encore éliminés ?
Mathématiquement, on n’est pas encore éliminés, mais on sait très bien qu’on est dans de beaux draps ! Il nous reste deux matchs à jouer, on va essayer de les jouer à fond, mais on sait aussi que ça ne dépend plus uniquement de nos résultats.
Qu’avez-vous à dire aux supporteurs algériens si vous les aviez en face de vous ?
Des supporteurs algériens, j’en vois tous les jours et je leur dis tout le temps la même chose. Je leur dis surtout qu’on est très désolés et aussi tristes qu’eux, à chaque fois qu’on perd un match ou un point. C’est un sentiment très fort qu’on partage avec eux et ce sont les mêmes couleurs qui nous unissent. Nous sommes tous très touchés par cette défaite. C’est sûr aussi qu’on essaiera de donner beaucoup plus lors du prochain match afin de leur redonner le sourire. Encore une fois, je voudrais leur demander pardon pour cette débâcle. Je suis profondément désolé de les avoir blessés de la sorte. J’espère que le meilleur est à venir pour l’Equipe nationale.
Hassan, il y a une rumeur absurde qui circule en Algérie et qui dit que certains joueurs ont fait exprès de perdre ce match, juste pour être absents de la CAN et permettre à vos agents de négocier en force vos contrats ? Insensé, n’est-ce pas ?
Comment répondre à une telle bêtise ? Ceux qui disent cela n’ont rien compris à la vie et n’ont rien compris au football. On joue pour notre Equipe nationale et c’est largement suffisant pour être fiers ! C’est insensé de penser à ces choses-là. Ce qu’ils ignorent, c’est que pour nous, jouer la CAN c’est quelque chose de très positif. C’est une compétition que beaucoup de joueurs rêvent de jouer. C’est très valorisant même ! Ce n’est pas négatif comme ils le pensent. Jamais personne n’a pensé à une telle bêtise. On joue tous nos matchs sans le moindre calcul de ce genre. En club, on se donne à fond. Que dire donc lorsqu’il s’agit de défendre les couleurs de l’Algérie !