Yasmina Khadra : « je suis Tahar Djaout, je suis Youcef Sebti, je suis Smail Yefsah » (vidéo)

Yasmina Khadra : « je suis Tahar Djaout, je suis Youcef Sebti, je suis Smail Yefsah » (vidéo)

Yasmina Khadra, écrivain algérien de renom a accordé une interview à Al Jazeera english. Interrogé sur les derniers évènements tragiques qui ont touché la France, Yasmina Khadra a indiqué avoir été choqué en tant qu’algérien qui a vécu la décennie noire qui a engendré 200.000 morts et qu’à ce titre « on ne peut pas se familiariser avec les attentats ».

Concernant l’origine algérienne des Kouachi, l’écrivain souligne que « le meurtrier n’a pas d’identité ou de nationalité. Il est caractérisé et identifié par son méfait. Ce n’est pas parce qu’ils sont algériens que je dois me sentir coupable. Il faut arrêter justement de faire le lien entre l’origine d’un meurtrier et son acte. Il faut se focaliser sur l’acte et rien de plus. »

« La réaction condamnant les musulmans est une erreur grossière, c’est un manque de culture, de sagesse et de lucidité, les musulmans n’ont rien avoir avec ce qui se passe dans le monde parce qu’ils sont les premières victimes de ce phénomène, et je désapprouve les musulmans qui se justifient et qui disent qu’ils n’ont rien à faire avec ça. Les meurtriers sont nés en France et ont grandi en France. Ils sont quelque part les enfants de la France et non les enfants de l’Islam. Cette confusion m’effraie, parce qu’on on ne sait pas faire la différence entre un méfait et une nation c’est qu’on est dans l’erreur la plus absurde et la plus dangereuse. »

« Il faut isoler ce phénomène, ne plus l’associer à une communauté qu’il prétend défendre ou à une religion qu’il prétend incarner, un Dieu n’a pas besoin d’être défendu par des mortels. On vit dans l’absurde. »

« Actuellement c’est l’affrontement des extrêmes, d’un coté en France la liberté d’expression est sacrée et de l’autre coté la religion est sacrée.Tous les deux ont raison de défendre leurs valeurs, mais tous les deux ont tord d’imposer leurs valeurs aux autres. Il faut donc respecter la foi, la culture et la mentalité des autres. »

Concernant le slogan « »je suis Charlie » Yasmina Khadra répond que « nous avons été les premières victimes du terrorisme, on a perdu le plus grand nombre de journalistes dans le monde, on était isolé. Je n’ai pas le droit d’être Charlie. Je suis l’Hebdo Libéré, je suis Tahar Djaout, je suis Youcef Sebti, je suis Smaïl Yefsah ».

Sur le cas de Dieudonné qui a été mis en examen en France pour apologie du terrorisme, Yasmina Khadra dit « regretter que le gouvernement français qui a été admirable dans la gestion des attentats a toutefois commis certaines erreurs. Dieudonné n’a pas fait l’apologie du terrorisme quand il a déclaré je me sens Charlie Coulibaly. Il voulait dire : je vis dans un pays de liberté mais je suis considéré comme un terroriste ».

L’écrivain parle ensuite de ses compatriotes en soulignant que « les Algériens n’ont pas une vie normale. Ils sont dans l’angoisse permanente, dans le stress. Ils se lèvent le matin avec un million de problèmes et le soir ils s’endorment avec un milliard de problèmes. Ils n’ont pas le sentiment d’améliorer les choses quotidiennement. Au contraire, ils ne s’arrêtent pas de s’enliser et de sombrer. Aucun peuple ne peut survivre à ça ».