L’Expression: Evoluant dans un marché à très rude concurrence, pouvez-vous nous dire où se situe aujourd’hui le Groupe Saidal?
Yacine Tounsi: Le groupe Saidal est leader sur le marché national, il reste le premier producteur du médicament générique en Algérie. Aujourd’hui, Saidal est en train d’évoluer et à partir de cette année 2017, il connaîtra un nouveau visage. Le groupe a de l’avenir, non seulement au plan local, mais au plan international. L’Etat a donné les moyens et c’est à nous de faire fructifier cet argent et avoir un retour sur investissement. Cependant, je tiens à souligner que nous avons passé une période difficile.
Il y a eu un départ de nombreux cadres absorbés par la concurrence qui offre de meilleurs salaires et il y a eu surtout les départs massifs à la retraite en 2016 ce qui a grandement impacté l’activité du fait qu’il s’agissait de travailleurs avec une expérience enviable. J’ai demandé à notre direction des ressources humaines de nous faire un bilan complet de cette situation, mais d’ores et déjà je peux vous dire que le chiffre est important. Cela étant, on n’est pas restés les bras croisés, nous sommes en train de stabiliser la situation et nous repartons sur de nouvelles bases cette année 2017. Le groupe emploie 3080 travailleurs répartis sur six sites de production, trois unités commerciales, un centre de recherches et le centre de bioéquivalence.
Un plan d’urgence pour les ressources humaines?
Dans un premier temps, on a mis en place un programme de recrutement, notamment pour les nouvelles unités qui vont démarrer. Ensuite, on opère au plan interne en essayant de revaloriser certains postes et d’intéresser les employés en leur donnant les conditions à même de les stabiliser et les fidéliser au niveau de l’entreprise. On est donc en train d’agir sur ces paramètres pour stabiliser l’effectif. On n’a pas encore l’état complet des départs.
Sur un autre plan, on a repris tout le travail d’organisation au sein des différentes structures du Groupe, qui permettra par conséquent de réajuster la nomenclature des postes. Le dossier est encore ouvert et on est en train de travailler très scrupuleusement dessus. Notre objectif est de stabiliser nos effectifs, former davantage notre ressource humaine et fidéliser nos cadres. On a mis en place un programme de formation très consistant sur les sites actuels et les nouvelles unités.
Parallèlement à ce travail de restructuration interne, le Groupe a-t-il un plan de développement?
Bien évidemment qu’on a un plan de développement. Ce plan est l’avenir même de Saidal. Ce plan de développement est en train d’absorber justement toutes ces petites perturbations que je venais d’évoquer plus haut. On peut parler de deux phases. La première est en train d’être achevée, elle comporte trois projets dont les travaux sont très avancés et seront réceptionnés cette année (les unités de Zemirli et Cherchell pour la forme sèche et l’ unité de Constantine pour la forme liquide), l’Unité commerciale de Blida ainsi que l’unité d’insuline flacon de Constantine. Rajoutez à cela le Centre de bioéquivalence des médicaments génériques, réceptionné en janvier 2016.
La deuxième phase de notre plan de développement comporte les projets anticancéreux, l’insuline en cartouches lancée en partenariat avec Novo Nordisk, la mise à niveau de l’unité des solutés massifs de Gué de Constantine et une nouvelle unité pour la fabrication d’antibiotiques de dernière génération ainsi que le projet du nouveau centre de recherche et de développement en cours de réalisation à la ville nouvelle de Sidi Abdellah.
Ce plan de développement, tous ces projets sont-ils conçus et établis selon la demande du marché national ou alors avez-vous réservé une place pour l’exportation?
Aujourd’hui, c’est une nécessité pour nous d’aller vers l’exportation. Effectivement, dans notre plan de développement, sur tous les projets mis en place on aura des capacités suffisantes pour couvrir le marché interne et forcément le surplus sera destiné à l’exportation.
Toute la gamme de Saidal est concernée par l’exportation y compris l’insuline et les médicaments anticancéreux. Nous visons le marché africain en priorité, mais pas seulement, nous n’avons aucun complexe d’aller vers d’autres marchés compte tenu du fait que le niveau de réalisation des nouvelles usines dotées d’équipements de dernière génération obéissent aux normes internationales de production de médicaments. Donc sur le plan technique nous n’avons aucun frein, reste le volet administratif lié aux exportations qui doit suivre. A l’heure où je vous parle, nous avons déjà un contrat d’exportation avec plusieurs pays africains, on a déjà commencé les enregistrements en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, la Mauritanie, le Sénégal…
Il ne s’agit pas seulement d’un problème de normes et de qualité, mais vos produits sont-ils compétitifs?
Déjà sur le marché local, nos produits sont pratiquement les moins chers et avec une garantie de qualité car nous sommes très regardants sur les sources d’approvisionnement des matières premières et l’ensemble de notre système qualité. Avec le centre de bioéquivalence, nos produits auront encore plus de crédibilité et un niveau de qualité sans faille.
C’est vous dire que nous sommes effectivement compétitifs en matière de prix, et c’est ainsi qu’on a pu décrocher nos marchés actuels en Afrique.
En plus des prix et la qualité de nos produits, nous avons l’avantage de la proximité, nous avons les moyens de transport qui vont se développer à travers la Transsaharienne. Ce sont autant d’éléments qui font que nous serons largement compétitifs en Afrique sur de nombreux produits que nous fabriquons actuellement…
Et avec autant d’avantages je vous dirai qu’on va y aller avec force. Mais il faut que le reste nous accompagne, les dispositifs et la réglementation.
Justement comment trouvez-vous les mécanismes de l’exportation, sont-ils fluides pour une entreprise publique comme Saidal?
Je pense qu’il faut un peu plus de fluidité dans les mécanismes d’exportation, aujourd’hui nous avons quand même des contraintes avec les banques, les services des douanes qu’il faudra lever pour qu’on puisse être plus efficace. C’est un ensemble qui ne concerne pas uniquement le groupe Saidal.
Voues êtes accompagné par le gouvernement? Le groupe est-il intégré dans la dynamique de sa stratégie industrielle?
Je dois dire les choses clairement; l’Etat a tout donné à Saidal, nous bénéficions aujourd’hui d’un crédit de financement de nos investissements à des conditions très avantageuses, la réglementation est en faveur de la production de médicaments et l’investissement dans ce secteur, l’interdiction des produits suffisamment fabriqués en Algérie, les tarifs de référence et la politique de remboursement très volontariste. La balle est dans notre camp aujourd’hui.
Sur le marché interne, comment se positionne votre Groupe?
Le marché global du médicament est constitué par la production locale et les importations. Ce marché représente aujourd’hui environ 3 milliards de dollars. L’Algérie importe les deux tiers de ces médicaments ce qui équivaut à environ, deux milliards de dollars. Le Groupe Saidal détient 3% en valeur et 9% en quantité. Vous me direz que cette part de marché en valeur n’est pas très importante, cela est dû aux prix de nos produits qui sont les moins chers par rapport à ceux pratiqués par la concurrence. La moyenne de nos prix est de 130 DA alors que chez la concurrence, elle dépasse largement les 200 DA. En revanche, en termes de production locale nous sommes le leader avec 16% de parts de marché.
Comment se fait-il qu’on n’arrive pas à freiner la facture des importations?
Il y a plusieurs facteurs dont la question des prix qu’on venait d’évoquer. Aujourd’hui 50% des besoins en médicaments sont couverts par la production locale et le reste est importé.. Mais la tendance va être inversée dans les prochaines années. Je m’explique: la production nationale se développe. Il y a actuellement 80 opérateurs sur le marché national et plus de 150 projets en réalisation. Ce qui signifie que la tendance va vers une large couverture du marché national. A ces projets il faut ajouter les textes de loi bien élaborés, propres à notre pays, à savoir le tarif de référence et l’interdiction des médicaments produits localement. Des dispositions très importantes pour le développement du marché local. Par contre, il y a des molécules et des produits qui demandent des technicités très avancées et qui ne sont pas fabriqués en Algérie, je site les anticancéreux, les vaccins et les produits biologiques qui restent très chers et qui pèsent lourdement sur la facture des importations. Cependant, nous sommes décidés d’aller vers la fabrication de ces produits, c’est ce que nous sommes en train de réaliser en joint-venture avec les Koweïtiens pour les produits anticancéreux et Novo Nordisk, le numéro un mondial de l’insuline. S’agissant des vaccins et les produits biologiques, on est cours de discussion avec plusieurs partenaires. C’est vous dire que nous sommes très optimistes quant aux perspectives de développement du Groupe Saidal et nous sommes très motivés pour arriver à faire bouger les lignes et renverser la tendance.