Yacine hammamouche,SG du syndicat du PNC :«Je suis optimiste»

Yacine hammamouche,SG du syndicat du PNC :«Je suis optimiste»

Après quatre jours d’une grève jugée «illégale» par la direction d’Air Algérie, le collectif du personnel navigant commercial a réussi à arracher le dialogue sur les revendications exprimées. Le débrayage a provoqué une véritable crise mettant en danger la compagnie critiquée de toutes parts, surtout en cette période de haute saison où les places se négocient au prix fort (le déplacement Alger-Paris est facturé à près de 500 euros).

Le personnel navigant commercial est considéré par la direction de la compagnie comme responsable de cette «situation de pagaille» en dénonçant le recours à cette action durant la période d’été. Yacine Hammamouche, SG du syndicat des PNC, qui a subi «cette pression» se dit «déterminé à continuer le combat syndical et que les menaces du nouveau PDG n’entameront pas sa résolution à défendre les intérêts des travailleurs».



Dans cet entretien, il a bien voulu s’exprimer sur les négociations et la grève qui a fait couler beaucoup d’encre et est devenue le sujet de prédilection des médias étrangers. Pour le syndicat du PNC, le seul responsable de la grève demeure «la direction générale qui a voulu jouer un rôle malsain».

Le Temps d’Algérie : Les négociations commenceront demain (aujourd’hui ndlr) entre vous et la direction générale d’Air Algérie sous la médiation du SG de l’UGTA. Où seront organisés ces pourparlers ? Etes-vous rassuré quant à l’issue favorable de ces négociations ?

Yacine Hammamouche : En toute sincérité, nous attendions les réactions du SG de l’UGTA qui est notre médiateur. Pour le moment, nous n’avons pas encore des détails sur le lieu des négociations et la composition des délégations qui seront présentes.

Mais nous restons confiants et rassurés quant à la conduite de ces négociations. Nous avons eu l’engagement du gouvernement de prendre en charge nos revendications dans le cadre de la concertation. C’est un point important pour nous, car la direction a refusé catégoriquement de nous écouter et de nous recevoir. Le nouveau PDG n’a pas voulu nous rencontrer et écouter nos doléances.

Il nous a traité de tous les noms et la suite tout le monde la connaît . Je signe et persiste que la responsabilité de la grève et de ses conséquences relèvent du PDG. Quant à votre question sur la crédibilité des négociations, pour le moment, nous ne pouvons rien dire. Mais nous restons confiants et prêts à assumer nos responsabilités. Nous l’avons d’ailleurs exprimé à M. Abdelmadjid Sidi Saïd.

Pour vous, le nouveau PDG d’Air Algérie demeure responsable de la situation de la compagnie. Comment le considérez-vous comme responsable, alors que votre mouvement n’a pas respecté la réglementation des conflits du travail en procédant au dépôt d’un préavis de grève ?

Je le dis et je le répète : le nouveau PDG est responsable de la situation dans laquelle se débat actuellement la compagnie.

Au début, il s’est montré disponible à discuter et négocier avec nous sur les principales revendications, à savoir le statut du personnel, les revalorisations salariales et les conditions de travail. Il nous a proposé un échéancier pour les augmentations des salaires et d’autres revendications. D’ailleurs, nous étions même d’accord sur l’échéancier de 6 mois qu’il a proposé pour la concrétisation des revendications. C’est vous dire qu’au début nous avions commencé à bien travailler sur ces questions.

Mais le PDG a décidé de tout suspendre et de ne pas répondre à nos revendications. Il avait même dit que les augmentations ne peuvent profiter uniquement à une partie des salariés de la compagnie et qu’il était prêt à augmenter les salaires des 9000 travailleurs d’Air Algérie.

Pour nous, la décision ne relève pas de considérations financières qui seraient, selon certains gestionnaires, fragiles ou catastrophiques. Nous avons donc constaté qu’il y avait beaucoup de mensonges et une volonté de ne pas répondre aux préoccupations du personnel, d’où la décision d’engager la grève.

Nous étions prêts à suspendre cette décision à condition de rencontrer le PDG et de lui demander réellement ses intentions envers notre plate-forme de revendications. Seulement, il a décidé de ne pas parler avec nous.

Ce qui nous a mené à la regrettable action de grève. Pour répondre à nos autorités et aux citoyens, nous n’avons pas pris en otage les passagers. Bien au contraire, nous réclamons nos droits pour servir nos clients et être à la hauteur de notre tâche. Nous sommes conscients de notre mouvement et prêt à donner une autre place à Air Algérie dans le domaine du transport aérien. Mais les gestionnaires de la compagnie ne doivent pas nous mépriser et nous présenter à l’opinion publique comme étant les fautifs.

Lors des négociations, quels sont les points que vous comptez défendre ? Le ministre des Transports a estimé que l’augmentation de 106% des salaires du personnel est inconcevable et irréalisable.

Il a le droit de le dire. Mais nous avons aussi le droit de dire ce qu’on veut. Quant à la revendication d’augmenter les salaires à 106 %, je me demande personnellement d’où vient ce chiffre. Le syndicat n’a jamais demandé une augmentation de 106 %.

C’est complètement absurde et inadmissible. Pour casser notre mouvement, certains ont sorti des atrocités dans le but de nous déstabiliser. Je réfute toutes ces rumeurs et je souligne que nos revendications sont uniquement la revalorisation de nos salaires dont le taux sera déterminé avec la direction, le statut du personnel et les conditions de travail.

Quel est le sort des grévistes sanctionnés et licenciés ?

C’est l’un des points qui sera abordé dans le cadre des négociations. Nous tenons à leur réintégration rapide et à la suspension de toute poursuite.

Peut-on connaître leur nombre ?

Ils sont 150 personnes à recevoir des sanctions administratives et des décisions de licenciement. Je précise que la manière est illégale. La direction a usé de procédés condamnables et contraires à la législation du travail.

Pensez-vous que la compagnie sera en mesure de répondre à vos revendications surtout après la grève qui a duré quatre jours et le coût financier dû aux avions étrangers affrétés pour assurer le transport des passagers bloqués ?

Sur ce plan, la question de la grève ne doit pas être une raison pour fuir la demande des augmentations de salaires. Juste après la décision de la reprise prise jeudi soir, le personnel s’est mobilisé pour le transport des passagers. Nous avons accepté de travailler dans des conditions inhumaines juste pour permettre à nos clients d’effectuer leur voyage dans les meilleures conditions. Nous avons décidé de rattraper le retard accusé à cause de l’entêtement de la direction générale à ouvrir le dialogue.

Quant à la situation financière de l’entreprise, nous ne sommes pas gestionnaires. Ce qui compte pour nous c’est la rétribution juste et équitable du travail fourni. Pour recruter et acheter des avions, l’argent n’est pas un problème.

Mais quand des salariés évoquent leurs situations familiales, la direction refuse et sort des arguments qui ne tiennent pas la route. Maintenant, si on veut réellement aller de l’avant et améliorer la situation de la compagnie, nous avons, nous aussi, beaucoup de critiques à faire sur sa gestion et sa politique. Je préfère ne pas me prononcer sur ce point, car pour l’instant l’urgence est de défendre les intérêts des travailleurs, même s’il se trouve que la gestion de l’entreprise est au cœur de notre malaise.

Comment peut-on situer les salaires d’Air Algérie par rapport à d’autres compagnies concurrentes qui desservent l’Algérie ?

Ils sont nettement supérieurs, à telle enseigne que le personnel d’Air Algérie fait la fierté des compagnies étrangères. Nous sommes sous payés par rapport à des nouvelles compagnies comme Aigle Azur qui pourtant n’a pas les moyens d’Air Algérie.

C’est vraiment malheureux et indigne d’être derrière des compagnies tunisiennes et marocaines, alors que notre pays est un continent. Un employé débutant perçoit un salaire net de 700 euros chez les pays voisins, alors que chez nous des anciens sur le point de partir en retraite sont encore payés à moins de 400 euros.

La direction a voulu engager une enquête pour évaluer les conditions de travail dans les différentes compagnies installées en Algérie. Mais l’idée a été vite abandonnée parce que la direction générale savait que son personnel était sous payé et travaillait dans des conditions lamentables.

Estimez-vous que la compagnie publique Air Algérie peut se sortir de cette situation alors que son image a été sérieusement ternie à l’échelle nationale et internationale ?

Il n’y a pas de doute et c’est pour cette raison que nous sommes là à batailler et à risquer notre avenir. Il faut seulement de la volonté et du respect. Les manœuvres derrière le dos et les complots doivent être bannis à jamais dans la gestion de notre compagnie. Il faut assumer toutes les situations bonnes ou mauvaises. Nous avons démontré à plusieurs reprises notre dévouement et disponibilité à travailler pour l’intérêt de la compagnie. Je réitère aujourd’hui à nos dirigeants gestionnaires qu’ils peuvent compter sur le personnel pour relever les défis de la qualité et de la ponctualité. Ensemble, nous gagnerons cette bataille. C’est notre devoir.

En cas d’échec des pourparlers, est-ce que vous avez prévu une AG pour décider des suites à donner à votre mouvement ?

Pour l’instant, nous n’en sommes pas à ce stade. Mais il est facile de convoquer une réunion et nous avons les moyens de le faire sans compter sur notre direction. Pour le moment, je reste optimiste quant à l’issue des négociations.

F. B.