Il y 15 ans, un avion Air Algérie était victime d’un crash

Il y 15 ans, un avion Air Algérie était victime d’un crash

Une Tragédie aérienne a frappé l’Algérie le 06mars 2003: le vol AH6289, reliant Tamenrasset à Alger avec une escale prévue à Ghardaia n’est pas arrivé à destination.

Il est 14H16 quand l’avion, un Boeing 737-200, décolle de l’aéroport de la ville de Tamnrasset, située à l’extrême sud du pays, à plus de 2.000 Km de la capitale Alger, quelques minutes après son décollage de la piste de l’aéroport, l’avion s’écrase. Un crash dramatique qui restera gravé à tout jamais dans la mémoire des Algériens. 96 des 97 passagers et les 6 membres d’équipage de l’appareil ont péri ce jour là. Au total, l’accident a fait 102 morts et un seul survivant. C’est la pire catastrophe aérienne que le pays ait connu.

Le Boeing 737-200 victime d’un crash le 06 mars 2003

Nul n’oublie et n’oubliera ce jour du 06mars 2003, plus particulièrement les équipes de secours. Parmi les personnes qui faisaient partie de l’équipe médicale, il y avait M. Farouk Zahi.

Qui est Farouk Zahi?

« M. Zahi vous dira qu’il a été formé entre 1966 et 1969 à l’Ecole des adjoints médicaux de santé publique sise à El Marsa (ex Jean Bart) encadrée, à l’époque, par une mission médicale militaire du Val de Grace. Après accomplissement de son service national, il rejoint, en 1972, son premier poste d’affectation dans la wilaya de Médèa (ex Titteri) qui s’étendait de la Chiffa aux confins de la wilaya de Ouargla  et de la wilaya de Tizi Ouzou à la wilaya de Tiaret. Nommé en qualité de directeur de wilaya, en 1982 à Djelfa, il prendra sa retraite à Tamanrasset en 2003. Dans l’intervalle, il assurera les mêmes fonctions dans 4 autres wilayas du pays profond. Auteur de trois « ouvrages -Bou Saada en quelques traits », « La santé publique, une profession de foi »-et enfin  » Escapades dans les terroirs » publiés tous par ENAG éditions, il écrit régulièrement dans Le Quotidien d’Oran dans sa rubrique du jeudi  » L’actualité autrement vue ».

Cette journée du jeudi 06 mars s’annonçait bien pour notre témoin Farouk Zahi, c’était la journée de l’inauguration  de la foire de l’Assihar de l’année 2003. Au menu des festivités, des soirées musicales animées par de grands noms de la chanson nationale, étaient prévues, avant que tous vire au drame.

Zahi nous raconte  » Je préparais au bureau un dossier pour un séminaire, qui devait se dérouler le 09 du mois à Alger. Je ne rentrai chez moi qu’aux environs de 13 heures, avec l’intention de faire une bonne sieste après le déjeuner.

A 15h et quelques minutes, ma fille âgée de 09 ans, me réveillait pour m’annonçait, que « Ammi Karim te dit : « Tayara tahhat ! »(L’avion est tombé). En tenue kaki déjà, j’enfilai des pantoufles et sautai dans mon véhicule stationné à l’intérieur de la cour de la polyclinique où je résidais. Sur la route les premiers hurlements de sirènes d’ambulance, annonçaient le drame.

Ironie du sort, c’était les 3 ambulances nouvellement acquises qui prenaient à leur bord, non pas des malades ou des blessés, mais des corps carbonisés.

Photo prise sur le site du crash

L’aérodrome n’est séparé de la ville que de 8 Kms, que je parcourrai en quelques minutes. Après le dernier virage, la dépression d’Aguenar en contrebas, offrait un spectacle hallucinant. Une colonne de fumée montait dans le ciel L’armature métallique nue à présent de la carlingue, donnait l’illusion qu’il s’agit d’un immense cétacé échoué là. Les pompiers venaient à peine d’éteindre le foyer. J’arrivai au moment de l’extraction des derniers corps. Le camion qui accompagne les avions dans leur première course, a poursuivi l’avion en dehors de son champ d’intervention. Malheureusement le brasier était trop important. Certains passagers venus par le même vol, n’auraient pas encore quitté le périmètre de l’aérodrome, que le drame eut lieu. Abdelkader Chaou, Zakia Mohamed et d’autres artistes qui venaient animer des soirées musicales, auraient assisté atterrés, à la catastrophe.

Les autorités civiles et militaires étaient sur les lieux, quelques minutes à peine après le crash. Elles sont toutes parties du lieu de déroulement de l’Assihar, dont c’était l’heure de l’inauguration. La presse fortement présente, rapportait en live l’événement.

A l’observation des lieux, l’avion a chuté dans le périmètre de l’aérodrome à l’extrémité nord de la clôture grillagée. Une partie sera emportée par l’appareil dans sa course sur le ventre de près de 300 mètres. Le train d’atterrissage s’est détaché à gauche de la route nationale n°1, le reste de la carcasse, traversant la route s’est immobilisé quelques mètres plus loin sur un amas rocheux. Seul l’aileron de la queue et la cabine de pilotage étaient plus ou moins intègres. Cette dernière paraissait immensément élevée. Le bilan s’élevait à 102 morts et un miraculé. Ce jeune militaire éjecté dès l’impact au sol, n’aurait pas attaché sa ceinture de sécurité au décollage.

Se posait à nous et dans cette situation de catastrophe, l’épineux problème de dépôt de corps. Les autorités militaires présentes, prenaient les choses en main et mettaient à notre disposition, leurs dépôts frigorifiques. Un frisson de fierté parcourait mon corps, l’émotion en était la cause. Notre armée nationale, sauvait une fois encore la situation.

Les clameurs se sont tues sur le lieu du drame. Tout le monde rentré en ville, s’affairera chacun en ce qui le concerne, aux suites induites par ce malheur.

En ce qui me concernait, je rentrai directement à l’hôpital où j’installai un « P C » dans le bureau du directeur. Le Secrétaire général et le Directeur de la réglementation de la wilaya me prêtaient main forte. Cette nuit sera longue et les jours prochains éprouvants.

L’équipe médicale conduite par les Dr Boudaoud stomatologiste, Chérikh psychiatre, Khiati chirurgienne, menait déjà un travail d’identification. Sept de nos collègues de travail, ont péri dans l’accident. Depuis ce moment, j’étais rivé au combiné du téléphone. Je ne pouvais confier la mission de renseigner le public à une autre personne qu’à moi-même. Il ne fallait surtout pas se tromper sur l’identité des victimes. Le Dr Zenati, mon collaborateur, assurait une permanence au niveau de la direction de la santé et répondait aux appels qui y parvenaient.

Une importante entreprise de wilaya, qui était chargée par le wali de confectionner les cercueils, achevait l’opération dès le lendemain soir. La radio locale communiquait en live avec les radios étrangères. Europe 1, transmettait à travers la radio « Ahhagar ».

A 19 h atterrissait l’avion transportant les Ministres de l’Intérieur et des Transports. Ils étaient accompagnés par une importante équipe de la police scientifique. La présence à l’hôpital des membres de celle-ci, en combinaison blanche immaculée, ajoutait au surréalisme de la situation. Une équipe de médecins et de psychologues, constituait spontanément une cellule d’assistance médico-psychologique aux proches des victimes.

Des résidents de la wilaya, les Benmessaoud, grande famille du Hoggar perdait 9 membres de son clan. Les jeunes disparus, qui faisaient partie d’une équipe de football, allaient disputer un match à Djelfa. Les médecins cherchaient désespérément à identifier les corps de leurs consoeurs A.H orthopédiste et Mme M.. pédiatre. Cette dernière allait à Alger pour passer son examen pour l’obtention du Diplôme d’études médicales spécialisées. Elle disparaissait avec son conjoint et leurs jumelles de 2 ans. L’orthopédiste nouvellement affectée, rendait de grands services à la population, qui a été, pendant longtemps, privée de cette spécialité. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, cette discipline est probablement, le premier des besoins exprimés par les usagers. On oublie souvent que la région de Tamanrasset, est une zone montagneuse escarpée et favorable aux accidents de parcours, camelins ou motorisés.

Madame M.D infirmière et fille de chahid, faisait partie de la délégation de la wilaya qui partait sur Alger, pour célébrer le 8 mars, journée internationale des droits des femmes. Un jeune chauffeur d’ambulance originaire de Metlili, se rendait chez ses parents qu’ils, ne reverra jamais. Un banal indice faisait identifier le corps du Dr A.H, il s’agissait d’un simple foulard gris. L’infirmier qui l’a vue pour la dernière fois à l’aérogare, a rapporté ce détail. Il perdait lui aussi sa femme et leur fille.

Les appels téléphoniques venaient d’Alger, de Constantine, de Ghardaïa, de Laghouat, de Metlili et d’Aflou. De cette dernière ville, une famille ne croyait pas que son fils, conscrit à In Amguel, ne faisait pas partie du voyage. Il nous a fallu beaucoup de persuasion pour lui expliquer, que le nom de leur fils, n’était pas sur la liste des passagers. Ce n’est que le lendemain que ce fils insouciant, informait les siens de sa survie. Il avait cédé son billet à un de ses collègues.

Il était minuit passé, le personnel de santé était harassé. Un silence pesant régnait à présent sur l’hôpital. Le lendemain sera amer, ceux qui étaient parmi nous, ne seront plus là. Tous les draps et couvertures disponibles, ont servi à couvrir les restes de corps carbonisés. Ce n’est que le lendemain en fin d’après midi, que la majorité des victimes était identifiée. Trois corps non encore identifiés, l’étaient le surlendemain.

Un groupe de touristes français perdait 6 sur 7 de ses membres. Le septième, miraculé, ratait son embarquement pour on ne sait quel motif.

Les corps des ressortissants français, étaient mis en dépôt au niveau de l’infirmerie régionale de l’AN.P. Le Consul général de France, était annoncé pour l’après midi. Il serait accompagné du Directeur général d’Air Algérie et d’un haut fonctionnaire des Affaires étrangères. Le diplomate venait raccompagner les corps de ses compatriotes.

Dès 7 heures, une foule nombreuse s’agglutinait autour des camions. On scellait chaque cercueil, dès identification du corps par les parents et remise des documents mortuaires. Cette opération était supervisée par le parquet, assistée de gendarmes.

Ce dernier crash serait le 7è accident d’avion, survenu dans les environs immédiat de l’aérodrome d’Aguenar. On se rappelle encore de l’accident d’avion, dont a été victime, une équipe de football Ghanéenne ».

Hommage à toutes les victimes de ce terrible crash.

Vidéo: le choc après l’annonce du crash le 06 mars 2003