Revigoré par la fin de la cavale de Ben Laden, Barack Obama a proposé un cadre et des principes directeurs pour accompagner et soutenir le printemps arabe. S’agit-il d’une nouvelle doctrine américaine pour les pays arabo musulmans, après le fameux discours du Caire en 2009 ?
La force des états-Unis est incontestablement dans leur pragmatisme. La première puissance se félicite du printemps arabe en marche, elle a pris acte de l’accélération des évènements dans le monde arabe depuis la révolution tunisienne de janvier, estimant qu’elle a bouleversé, d’ores et déjà, les équilibres sur lesquels reposaient, depuis des décennies, les stratégies politiques de ces régimes. Et Washington va jusqu’à prendre également rendez-vous avec l’état palestinien qui verra certainement le jour dans quatre mois, la majorité aux Nations unies ayant promis de donner sa reconnaissance à son autoproclamation par l’Autorité palestinienne. Le cadre, c’est celui d’une “histoire en marche”.
Le constat d’Obama est certes banal, mais c’est surtout un signal pour les régimes qui se crispent violemment contre leur propre population, notamment leur jeunesse avide de libertés. “Rien ne pourra empêcher le changement. Le statu quo n’est plus possible. Pour personne. Ni à Damas ni au Yémen. Ni pour les Israéliens ni pour les Palestiniens”, a déclaré le président américain dans un discours, jeudi à Washington. Obama a exhorté ses pairs du Machrek-Maghreb à prendre le train en marche, leur rappelant que leurs équilibres d’hier ne reviendront pas. “La répression ne fonctionnera plus”, a-t-il martelé. Avertissement clair à la Syrie et au Yémen en particulier, mais aussi à tous les autres régimes qui s’entêtent à se penser encore comme l’exception dans le vent de libertés qui souffle de Rabat à Bagdad.
Le constat vaut naturellement pour les autorités de transition en Tunisie et en Égypte, s’il leur venait à l’esprit de chercher à dévier le cours de leur révolution. L’Amérique — avec elle l’ensemble du G8, qui lui emboîtera le pas cette semaine à son sommet français de Deauville — promet des aides économiques en priorité pour ces deux pays très affectés par la chute attendue de leur tourisme, leur principale source de revenus. Ainsi que d’autres pays qui procéderont à des changements de cap. Dans ce domaine économique, Obama a fait une comparaison criante.
“l’autodétermination des peuples et l’essor du commerce”
Sans le pétrole, les exportations de l’Afrique du Nord et du Proche-Orient (400 millions d’habitants) sont équivalentes à celles de la seule Suisse ! Après plus d’un demi-siècle de souveraineté. Il ne faut pas se faire d’illusions, il n’y aura pas de plan Marshall pour le monde arabe, comme l’espèrent certains. Une Amérique très endettée, au bord de la banqueroute, et une Europe sur la même pente, ne sont actuellement pas en mesure d’investir aussi massivement. Obama, qui ne pratique pas beaucoup la langue de bois, l’a laissé entendre, en insistant sur “l’autodétermination des peuples et l’essor du commerce”, au détriment de l’assistance.
S’il reconnaît que Washington a un rôle à jouer, il l’a plusieurs fois répété : “Les peuples ont leur destin entre leurs mains.” Le président américain n’a pas cessé tout au long de son discours programmatique d’assurer que Washington ne cherchera pas à imposer ses valeurs, les initiatives de changement devant venir de chaque peuple. Mais, par son nouveau programme d’aide destiné “aux pays démocratiques” issus du printemps arabe, à commencer par la Tunisie et l’égypte, les états-Unis vont promouvoir la liberté d’entreprise et d’entreprendre. Obama va ainsi proposer à ses partenaires du G8 d’alléger la dette égyptienne d’un milliard de dollars et de mettre en place un programme pour promouvoir l’investissement privé dans la région.
Les avertissements d’Obama
Il n’a pas dressé un “axe du mal” comme George W. Bush mais a, cependant, averti plusieurs pays et dirigeants. Bachar El-Assad, en Syrie, doit “réformer ou s’écarter”. L’Iran, le Yémen et Bahreïn “ne peuvent prétendre avoir un dialogue démocratique s’ils emprisonnent les opposants”. Concernant la Libye, Obama s’en est dit persuadé : “Le mouvement est inéluctable, Kadhafi finira par partir ou par être chassé.”
Donc, un nouveau cap pour la politique étrangère américaine dans la région arabe. Le discours, symboliquement prononcé depuis le département d’état, redéfinit la politique étrangère américaine en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Si Bush prétendait, armes au poing, exporter la démocratie, Obama entend accompagner son éclosion. Soutenir les jeunes, les femmes, la rue, les démocrates et leur quête d’autodétermination. C’est une Amérique moins arrogante. C’est déjà ça, et ce n’est pas rien.