Comme cela était prévu, le massacre de Houla, la semaine dernière, a servi de prétexte aux détracteurs du président syrien Bachar Al-Assad pour déclencher une dynamique qui aboutirait, à terme, à son renversement. A l’intérieur, la prétendue Armée syrienne libre (ASL) a fixé un ultimatum ayant expiré hier pour que l’armée régulière «cesse toutes les hostilités» (les opérations antiterroristes, ndlr) sinon, ce serait l’escalade.
L’opposition armée a même enjoint Kofi Annan de déclarer «mort» son plan de paix. A l’extérieur, Paris veut infléchir la position de Moscou à l’occasion de la visite en France du président Poutine, tandis que l’ambassadrice américaine à l’ONU évoque la possibilité de contourner l’instance internationale pour intervenir en Syrie.La parade a été trouvée : l’instabilité en Syrie pourrait avoir un effet catastrophique pour toute la région. L’argument vaut ce qu’il vaut, mais il a le mérite de résumer l’arrière-pensée du département d’Etat américain. D’où la volonté de Washington de transcender le Conseil de sécurité en cas de blocage pour intervenir unilatéralement ou avec ses alliés atlantistes et arabes afin de stabiliser la situation, selon la terminologie des détracteurs de Damas, en réalité, une agression à l’instar de celle perpétrée contre l’ancienne Jamahiriya libyenne.
Comment donc expliquer l’avertissement d’Hillary Clinton et ses sous-entendus sur l’Iran et le Hezbollah libanais ? «Une guerre civile dans un pays qui serait déchiré par des divisions communautaires risquerait de se transformer en une guerre par procuration dans la région parce que, souvenez-vous, l’Iran est profondément ancré en Syrie», a déclaré la secrétaire d’Etat en déplacement au Danemark. Le compte à rebours pour l’agression contre la Syrie a-t-il commencé ? Pour les Américains, il serait important de ménager les Russes, ou du moins les amener à infléchir leur position vers plus de neutralité par rapport au gouvernement de Damas.
«Les Russes ne cessent de nous dire qu’ils souhaitent tout faire en leur pouvoir pour éviter une guerre civile parce qu’ils croient que la violence serait catastrophique», a expliqué Hillary Clinton dans la capitale danoise. «Je pense qu’ils soutiennent dans les faits le régime au moment même où il faudrait œuvrer pour une transition politique», a-t-elle ajouté.
A New York, les apôtres de la guerre s’agitent. Pour la représentante permanente des Etats-Unis à l’ONU, Susan Rice, le Conseil de sécurité doit agir sans attendre pour convaincre le gouvernement de Damas de mettre fin à la répression du mouvement insurrectionnel. Sinon, a-t-elle averti, certains pays pourraient décider d’intervenir sans l’aval des Nations unies. «En cas d’escalade de la violence», a poursuivi Susan Rice, «le conflit va s’étendre et s’intensifier (…), des pays de la région y seront impliqués et les violences prendront de plus en plus la forme d’un affrontement interreligieux». «Nous aurons alors une crise majeure, pas seulement en Syrie mais dans toute la région», a-t-elle poursuivi. Intervenir pour apaiser les tensions, tel est l’argument massue de Washington. Il a le mérite de mobiliser les Européens et les Arabes du Golfe hostiles à l’alliance entre Damas et Téhéran, soucieux de soustraire la Syrie à l’influence iranienne.
Et justement, Téhéran vient d’apporter de l’eau au moulin des ennemis d’Al-Assad, en confirment l’envoi en Syrie d’une aide importante. «Si la République islamique n’avait pas été présente en Syrie, le massacre de la population aurait été beaucoup plus catastrophique», a déclaré le général Ismaïl Ghani, le commandant en second de la Force Al-Qods, le bras armé des Gardiens de la Révolution, ajoutant de façon sibylline : «La présence de la République islamique, de manière physique ou non, a empêché de grands massacres de civils.»
Et comme pour minimiser les déclarations de son second, le chef des forces armées iraniennes, le général Hassan Firouzabadi, a assuré que l’aide iranienne était «uniquement logistique et morale».
Sur le front intérieur, la prétendue ASL, largement équipée par la Turquie, l’Arabie saoudite et le Qatar, veut en découdre le plus rapidement possible avec le gouvernement syrien. Mercredi, un autre responsable de l’ASL installé en territoire syrien a laissé 48 heures au régime de Bachar al Assad pour se plier aux exigences du plan Annan, faute de quoi les combats reprendront sans aucune restriction. «Il n’y a pas d’ultimatum mais nous voulons que Kofi Annan publie une déclaration annonçant l’échec de son plan, de sorte que nous soyions libres de mener nos opérations militaires contre le régime», a dit le colonel Riyad Al-Asaad à la chaîne de télévision Aljazeera.
Concernant le massacre de Houla, qui a donné l’occasion aux ennemis de Damas d’enfoncer le clou, les autorités syriennes ont rejeté en bloc les accusations sur leur possible implication dans le carnage. Les résultats préliminaires de l’enquête officielle syrienne ont mis en cause des «groupes armés» qui «ont tué des familles pacifiques» à Houla ayant «refusé de se soulever contre l’Etat». A Damas de consolider ses alliances avec Moscou, Pékin et Téhéran afin d’éviter le sort de l’Irak de Saddam Hussein, et plus récemment celui de la Libye de Mouammar
Kadhafi. M. K.