La diva de la chanson arabe, Warda El-Djazaïria, décédée à l’âge de 72 ans jeudi au Caire d’un arrêt cardiaque, a été accompagnée hier à sa dernière demeure au carré des Martyrs du cimetière d’El-Alia à Alger, après des obsèques dignes de l’icône qu’elle fut.
Une foule nombreuse et diversifiée comprenant la famille de la défunte, ses fans, des artistes algériens et arabes, ainsi que des ministres, conduits par le Premier ministre Ahmed Ouyahia, ont tenu à être présents pour cet ultime hommage à la sublime cantatrice. Dès l’annonce de son décès, une grande vague d’émotion s’était déjà emparée des milieux artistiques, politiques et médiatiques, en Algérie comme à l’étranger. Les réactions, qu’elles furent d’officiels, d’artistes ou de journalistes, se sont multipliées pour saluer celle qu’ils considèrent unanimement comme la «Princesse du Tarab Al-Arabi». Des moyens importants ont été mis en œuvre pour rapatrier la dépouille de la chanteuse, et pour permettre aux artistes souhaitant lui rendre un ultime hommage de l’accueillir vendredi à l’aéroport. L’avion spécial affecté pour rapatrier la dépouille de la chanteuse du Caire à Alger était attendu par une foule nombreuse et inconsolable. Plusieurs ministres et anciens responsables étaient présents, alors que des autobus ont été mis à la disposition des artistes par le ministère de la Culture afin que ceux-ci puissent être là et honorer la mémoire de la diva. Des artistes, toutes générations confondues, se sont empressés de saluer l’œuvre et l’héritage de Warda, «un symbole national» pour certains qui voyait en la défunte «un modèle». «La mort a pris notre plus belle rose. Je suis très triste», a déclaré la chanteuse Fella Ababsa, alors que les plus jeunes ont évoqué les souvenirs d’enfance liés au chant mélodieux de Warda. «Sa voix a bercé notre enfance et ses chants patriotiques nous ont donné foi en notre grand pays», a confié le jeune poète et slammer Khaled Mouaki. Warda El-Djazaïria disparaît alors que l’Algérie s’apprête à fêter ses cinquante années d’indépendance. Le Président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, l’a d’ailleurs rappelé dans les condoléances qu’il a adressées à la famille de la défunte. «Warda a été rappelée à Dieu alors qu’elle s’apprêtait à célébrer aux côtés de ses concitoyens et concitoyennes le cinquantenaire de l’indépendance et à y apporter sa contribution par ses créations sublimes, comme elle a eu à le faire durant la guerre de libération», écrivait le Chef de l’Etat. En Égypte, pays d’adoption de la chanteuse, des artistes ont exprimé leur grande affliction à l’annonce de la nouvelle. Le Syndicat des musiciens égyptiens, ainsi que les membres de la famille de Warda et de nombreux artistes organiseront d’ailleurs vendredi, prochain à la mosquée El-Hamidia Echadhilia, une cérémonie en hommage à la défunte. Les journaux algériens ont, pour leur part, consacré en grande majorité leur une de samedi à la disparition de la diva.
Palais de la culture
Émouvante cérémonie de recueillement
Une foule importante s’est retrouvée, hier, dès les premières heures de la matinée, au palais de la Culture Moufdi- Zakaria, pour rendre un dernier hommage à la cantatrice Warda El-Djazaïria, celle qui a tant marqué par son art sublime et son talent, des générations de mélomanes. La dépouille mortelle de la chanteuse fut exposée au centre de la salle pour permettre à ses admirateurs, à son grand public de se recueillir à sa mémoire, avant son inhumation au cimetière d’El-Alia. Il y avait des jeunes, des personnes âgées, des hommes et surtout des femmes, tous voulaient rendre un dernier hommage à leur chanteuse préférée. Le cercueil était entouré de femmes, de membres de la Protection civile, tandis que les admirateurs de la diva amenaient des bouquets de fleurs en guise d’hommage posthume. Plusieurs personnalité de la scène politique étaient, notamment, présentes, Khalida Toumi, ministre de la Culture, le ministre de la Communication Nacer Mehal, le ministre des Affaires étrangères Mourad Medelci, le ministre des Ressources en eau Abdelmalek Sellal, l’ambassadeur d’Algérie en Roumanie Hamraoui Habib Chaouki, le secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé de la Communauté nationale à l’étranger Halim Benattallah, le patron de l’UGTA Abdelmadjid Sidi-Saïd, ainsi que le chargé des affaires de l’ambassade d’Egypte. Les présents venaient présenter des condoléance à son fils Riad, deux conseillers du roi Mohammed VI du Maroc, représentant le souverain marocain, figuraient également parmi une délégation étrangère comprenant l’ambassadeur de l’Etat de Palestine à Alger et des diplomates de pays arabes accrédités à Alger, qui se sont associés à la cérémonie pour rendre un dernier hommage à l’icône de la chanson arabe. Entre autres, plusieurs noms du monde des arts, tous milieux et tous âges confondus, étaient présents à la cérémonie, à l’instar de la comédienne Farida Saboundji qui nous déclare qu’elle était vraiment émue et surprise de la disparition non pas d’une amie, mais d’une sœur. «C’est une grande douleur que j’éprouve depuis que j’ai reçu la nouvelle de sa mort. Je suis peinée au point de perdre toute forme d’expression, parce que ce n’est pas une amie que je perds, mais une sœur.» D’autres artistes étaient aussi présents comme Aida Kechoud qui nous parle du dernier travail qu’elle a réalisé en compagnie de la défunte Warda, un clip pour l’Algérie. Des chanteurs comme Sid Ali Driss et le jeune Mohamed El Kord, dont Warda a toujours été le modèle, Fella Ababssa et sa sœur Naïma, Salim Helil, Nardjess… et bien d’autres artistes qui ont tenu à être présents en cette triste circonstance.
Le chanteur émirati Houssein El-Jasmi, qui avait un projet en commun avec Warda El-Djazaïria, comptait aussi parmi les présents à ces deniers adieux. Présent à cette cérémonie, M. Mustapha Cherif, ancien ambassadeur d’Algérie au Caire, a dit que le décès de Warda était «la plus grande perte pour l’art et de la culture algériens en cinquante ans. Je garde d’elle les plus beaux souvenirs sur le plan humain et artistique. C’est une grande dame que le monde arabe ne peut pas avoir de comparable».
Toutes les personnalités présentes ne manquaient pas d’écrire un mot et de signer sur le registre des condoléances. Par la suite, et à la fin de la cérémonie de recueillement, la ministre de la Culture a présenté une allocution où elle témoigna des qualités de la chanteuse et de tout ce qu’elle a donné pour son pays. À son tour, le chargé des affaires de l’ambassade d’Egypte à Alger a lui aussi tenu à rendre un dernier hommage à la star arabe en présentant publiquement ses condoléances aux peuples algérien et égyptien après cette perte considérable. A la fin de la cérémonie de recueillement, la dépouille mortelle de Warda El-Djazaïria, recouverte de l’emblème national, a été accompagnée sous les youyous des femmes, vers le cimetière d’El-Alia pour y être inhumée.
Kafia Ait Alllouache
une voix inoubliable et un répertoire de talent
Message d’amour pour l’Algérie
La triste nouvelle est tombée tel un couperet pour plonger tout le peuple algérien dans la consternation et évidemment les millions de fans de cette chanteuse à l’authenticité avérée. La mort de la diva a été vivement ressentie par le commun des mortels pour évoquer un parcours artistique des plus riches, raviver des souvenirs et relever surtout l’attachement de cette grande dame à ses racines ou tout bonnement à son pays, l’Algérie eternelle. Warda El-Djazaïria a marqué de son empreinte assurément l’histoire de la musique arabe pour demeurer une référence pour les spécialistes et chercheurs et une source d’inspiration pour les futures générations d’artistes.
Si la voix s’est éteinte temporairement, elle résonnera encore longtemps pour rappeler la grandeur et le talent de la chanteuse qui, en dépit de l’éloignement, ne fut guère sevrée des mamelles de cette Algérie présente constamment dans son esprit et dans son cœur. Les moins jeunes se souviennent perpétuellement de son retour sur la scène après des années d’éclipse au gré d’une fête nationale en 1972 déjà avec un tube original exprimant tout l’amour pour son pays et son admiration pour la révolution de son peuple. Le refrain Min baîd, repris en chœur dans le temps, relève toute la tendance de l’engagement de l’artiste qui ne s’est guère laissée influencer par les mouvements du temps et les moments de gloire pour réitérer perpétuellement son identification et ses repères.
Elle s’apprêtait d’ailleurs à contribuer par l’animation de soirées et la préparation d’une nouvelle chanson à attribuer de la dimension à ce cinquantième anniversaire de l’indépendanc, sauf que le destin en a décidé autrement pour priver ses fans et un peuple entier perturber l’ambiance et gâcher dans une certaine mesure la fête. Un peuple qui ne peut oublier assurément la générosité, l’humanité et le nationalisme de Warda, la fleur fanée en saison pourtant de printemps. Contrairement à ses habitudes, elle s’est retirée brusquement pour trahir son vœu certainement le plus cher, ses attentes et ses espérances. Au-delà du talent, de la passion et de la teneur des messages d’amour et de solidarité, de paix et d’union qu’elle n’a eu cesse de transmettre à travers cette voix chaude et affectueuse, le peuple algérien particulièrement gardera l’image d’une femme constamment à l’écoute des pulsations de son pays pour qu’elle intervienne par intermittence et à intervalles réguliers, et interpelle la conscience collective de manière à préserver les fondements de cette Algérie et à veiller sur la sauvegarde des valeurs de la nation. Tout simplement, une chanteuse pas comme les autres qui a fait de l’art de la musique, un moyen aussi de manifestation des sentiments d’affection et d’amour pour l’Algérie.
A. BELLAHA
M. Nacer Mehal salue
“l’engagement patriotique” de Warda
Le ministre de la Communication M. Nacer Mehal a adressé vendredi après-midi un message de condoléances à la famille de Warda El-Djazaïria, ainsi qu’au monde de l’art et de la culture, suite au décès jeudi au Caire de la chanteuse algérienne. Tenant à rendre l’hommage qui sied à la princesse du «Tarab el aarabi» et à s’associer au deuil de sa famille, M. Mehal a exprimé sa douleur que «le monde de la culture algérien et de la culture arabe perde en Warda El-Djazaïria une voix d’or et également une artiste au sens propre du terme». Warda El-Djazaïria, écrit le ministre de la Communication, «a incarné pour plusieurs générations le don de soi, en mettant son immense talent au service de son pays». Il a également salué l’«engagement patriotique» de la diva à travers ses chansons et par sa présence lors des célébrations des grandes dates de l’histoire de la nation. «Aujourd’hui au panthéon, elle (Warda El- Djazaïria, ndlr) laisse le souvenir d’un attachement profond à un drapeau et à un hymne qui ont imprégné les images et le son de ses prestations multiples sur toutes les scènes du monde», écrit encore le ministre.
Arrivée vendredi de la dépouille mortelle
Lourde atmosphère à l’aéroport Houari-Boumediene
Atmosphère lourde vendredi à l’aéroport Houari-Boumediene. Des personnalités, des membres de la famille artistiques et des admirateurs de Warda El-Djazaïria étaient déjà présents avant l’arrivée à Alger de la dépouille mortelle de la cantatrice. Khalida Toumi, ministre de la Culture, le ministre des Affaires étrangers, M. Mourad Medelci, le ministre de la Communication, M. Nacer Mehal, le directeur général de la Protection civile, M. Mustapha Lahbiri, le chargé des affaires de l’ambassade d’Egypte en Algérie, ainsi qu’une pléiade d’artiste étaient venus saluer la mémoire de la grande cantatrice Warda El-Djazaïria.
Triste événement pour le monde de la culture et de l’art. Warda El-Djazaïria a quitté ce monde en laissant derrière elle un grand vide. La scène artistique a perdu un de ses illustres représentants, et Warda comptait parmi ses serviteurs les plus célèbres et les plus talentueux. La mort a choisi de ravir à l’affection des mélomanes, du peuple algérien et à la nation arabe une voix exceptionnelle, une artiste qui a marqué de son talent tant de générations et un public cosmopolite et attentionné. La chanson arabe, avec la splendide diva que fut Warda El-Djazaïria, a acquis ses lettres de noblesse, où elle s’était imposée par un style et une prestance rarement égalée. Warda El-Djazaïria est décédée le jeudi 17 mai vers 19 heures en Égypte, chez elle, à l’âge de 72 ans, suite à une crise cardiaque.
Sa dépouille mortelle a été rapatriée chez elle dans sa patrie algérienne qu’elle a servie avec amour et loyauté depuis toujours et jusqu’à cet instant fatidique de son décès.
Hier, dans l’enceinte de l’aéroport d’Alger Houari-Boumediene, il y avait une grande émotion, de la tristesse, mais aussi la fierté de recevoir pour la dernière fois, une digne fille de l’Algérie. Tout le monde était bouleversé pas sa disparition brutale. Le cercueil de la défunte était enveloppé par le drapeau national. C’est vendredi à 21h30 qu’a atterri à l’aéroport d’Alger l’avion militaire spécial, dépêché sur instruction du Président Abdelaziz Bouteflika, en provenance de la capitale égyptienne. Le corps de la chanteuse disparue a été porté au bas de l’avion par un détachement de la Protection civile. Dans un climat de recueillement et de forte émotion, tous les présents, dont certains étaient en pleurs, ont observé une minute de silence, avant de réciter la Fatiha à la mémoire de celle qui, par son art magnifique, enchantait son public. Elle n’a jamais manqué un rendez-vous national important de l’Algérie indépendante. Elle qui chantait son pays avec talent et conviction. Warda El-Djazaïria restera désormais toujours dans nos cœurs.
Kafia Ait Allouache
Artistes algériens :
“La chanson arabe plongée dans le deuil”
Le décès de Warda El-Djazaïria représente pour l’autre grande dame de la chanson algérienne Seloua la disparition d’un monument de la chanson arabe que l’incontestable diva laisse, dit-elle, « orpheline ». Présente à l’aéroport Houari-Boumediene pour accueillir la dépouille mortelle de Warda, décédée jeudi à 72 ans, parmi une foule d’artistes algériens, Seloua qui fait partie de la même génération que la défunte se dit «attristée» et «peinée» de voir la princesse du «Tarab» disparaître aussi tôt. «Je suis triste comme tout le monde. Nous avons perdu assurément une grande chanteuse qui a honoré l’Algérie à travers le monde entier. Je suis très peinée. La chanson arabe est aujourd’hui véritablement en deuil», a-t-elle dit à l’APS d’une voix étranglée par l’émotion. De leur côté, les artistes venus attendre la dépouille de Warda et saluer la mémoire de la cantatrice étaient unanimes à dire qu’elle a laissé un «grand vide» dans le monde artistique déjà moins pétri de talents qu’à une certaine époque, et que ses chansons restent d’authentiques et immortels chefs d’œuvre.
L’interprète de la musique andalouse, Zakia Kara Terki, a indiqué pour sa part : «Warda est une grande dame qui a laissé un grand vide dans le monde de la chanson arabe. C’est une perte pour l’Algérie. Ella nous a légué un océan de chansons éternelles. Nous ne l’oublierons jamais.» Nassima Chems, une jeune chanteuse de la variété algérienne qui s’honore d’avoir figuré parmi les choristes de Warda en 1995 pour l’interprétation de Biladi Ouhibouki, composée par l’Algérien Mohamed Boulifa, n’hésite pas à qualifier la cantatrice disparue de «légende» de la chanson arabe. De son côté, Salim Hallil, interprète de la chanson maghrébine, a déclaré que la défunte a marqué son époque «grâce à sa belle et puissante voix, sa grâce et son élégance». L’interprète Fouad Ouamane a pour sa part salué le talent et l’amour que vouait Warda pour l’Algérie, sa patrie. Pour lui, la diva algérienne restera une «école» pour des générations entières de chanteurs. «Ses chansons m’ont bercé depuis l’enfance. Aucune chanteuse ne pourra remplacer ou nous faire oublier Warda», a-t-il dit.
Hommage de Joseph Ged À Warda El-Djazaïria
“Mazalti Maâna” (Tu es toujours avec nous)
«De Warda El-Djazaïria, je garde le souvenir d’une grande dame. D’une Algérienne authentique qui portait son pays dans son cœur. Cette Algérie avec laquelle elle partagea les peines et les joies et célébra les victoires. Nedjma a eu l’immense honneur de collaborer avec Warda, allah Yarhamha, à deux reprises. Une première fois dans le cadre de notre campagne “L’impossible Machi H’na”. Le choix de Warda s’imposait de lui-même, car elle était le modèle par excellence de la réussite algérienne.
Jusqu’au dernier moment, Warda a répondu présent pour l’Algérie en cette année du Cinquantenaire de l’indépendance en chantant Mazal Wakfin, un autre message d’espoir et d’optimisme pour son pays et ses compatriotes qu’elle chérissait tant», écrit le directeur général de Nedjma dans son message de condoléances.