Le site officiel de la diplomatie française a lancé une nouvelle rubrique intitulée «Destinations, chroniques d’une diplomatie de terrain», qui contient des reportages, des vidéos et des photos sur une partie des activités des missions diplomatiques françaises à l’étranger.
Les premiers «webdocumentaire» sont relatifs à l’Algérie, le Pérou et la Géorgie, alors que les prochains seront consacrés aux territoires palestiniens, à la Slovaquie et à l’Inde. Le Quai d’Orsay investit ainsi les ressources de la toile pour communiquer, et l’ensemble est assez bien réussi.
Le choix de l’Algérie dans le package de départ peut s’expliquer aisément au regard de la profondeur historique et de la densité des liens entre les deux pays, même si par extension on s’attendrait à voir figurer d’autres pays du Maghreb ou le Canada par exemple, en lieu et place du Pérou et de la Géorgie. Le choix obéit probablement à d’autres critères, sachant que l’actuel président péruvien était réfugié en France, alors que la Géorgie est présentée comme un des grands succès diplomatiques du président Sarkozy.
Ceci sur la forme. Pour ce qui est du volet Algérie, le documentaire commence de manière choquante. Un drapeau algérien déchiré a été choisi pour ouvrir le documentaire. Il s’impose au regard de manière agressive, et revient d’une manière lancinante, y compris dans une des interviews où il sert de fond de décor.
Certes, la négligence envers cet emblème et l’outrage qui lui est fait relève de la seule responsabilité de l’institution algérienne concernée, et il en est de même de toutes celles qui traitent avec légèreté la solennité pour ne pas dire la sacralité de l’emblème national, ceci pour dire que le mal est d’abord en nous-mêmes.
Cela étant entendu, il n’en reste pas moins que le choix précis de ce drapeau, à l’exclusion de milliers d’autres qui ont fière allure, intrigue. La vidéo a été enregistrée au niveau du port d’Alger où se concentrent des institutions comme l’APN, le Sénat et le siège de la wilaya où l’emblème est drapé de la solennité qui lui sied. Le choix français est donc loin d’être innocent, et ne répond ni aux usages diplomatiques ni à la morale. Il va au-delà de l’irrévérence et constitue une atteinte aux sentiments des Algériens.
Est-ce la un besoin irrépressible de traduire le malaise né du débat sur la nationalité en France, de la liesse de milliers de franco-algériens lors de la dernière coupe du monde ? Est-ce une manière cavalière et fort peu diplomatique de se venger des drapeaux algériens mis aux frontons des mairies françaises ?
Quelle que soit sa nature, ce choix constitue en fait un fil conducteur, car le message n’est même pas subliminal, comme le prouvent les autres reportages où, derrière un semblant de bonhomie, se cachent des images faussement innocentes «d’anciens combattants» en attente de la main secourable des autorités françaises, ou la joie d’une demandeuse de visa après l’acquisition du «sésame» salutaire. Il en va de même du sujet mystérieux des biens immobiliers français en Algérie, dont le documentaire avance les obstacles juridiques.
Il est presque clair que ce documentaire dégouline d’arrière-pensées. Et la preuve vient de Géorgie. En effet, sur la fiche pays consacrée à cet Etat d’Europe, il est écrit textuellement «la représentation franco-algérienne en chiffres», en lieu et place franco-géorgienne !
L. T