Le couple Algérie-France va-t-il vivre un nouvel épisode de son impitoyable saga marquée par les démons du passé? Se livrera-t-il, à la faveur de cette dernière chance,
à une nouvelle séance d’exorcisme? Jamais chef d’Etat étranger n’aura eu l’insigne honneur, en cinquante ans d’indépendance, d’être accueilli sur cette terre d’Algérie avec un faste et une ferveur aussi exceptionnels. Le Président François Hollande recevra ce jour tous les honneurs mérités de la République algérienne. Nous l’accueillerons en ami, et nous l’espérons aussi en allié, au regard du passé commun qui lie nos deux pays partageant les mêmes ambitions dans le même voisinage et espace méditerranéen.
Constat: cinquante ans après, le couple Algérie-France reste encore à reconstruire. La raison?
Français et Algériens continuons à entretenir un rapport névrotique avec notre passé colonial. Trop longtemps, on a, des deux côtés de la Méditerranée, carburé à la haine pure. Les démons du passé n’ont pas fini d’assiéger nos rêves de nous construire un destin commun pourtant devenu évident au regard des multiples défis de l’heure.
On parle, aussi, à l’occasion de cette visite-événement, de Réconciliation. Comment éviter l’écueil du débat sur la mémoire? Pour les Algériens, il ne faudrait plus polluer l’avenir de nos relations avec les scories du passé tant les chantiers qui nous attendent sont nombreux et stratégiques à la fois pour le bien-être de nos peuples. Nous sommes convaincus que cette relation complexe de couple secoué par des spasmes éruptifs à cause d’un lourd passé mal assumé, doit connaître son épilogue. Nos deux nations doivent-elles se réinventer pour s’aimer? Oui, car le temps est venu d’en finir avec le déni du réel et de jeter nos rancunes respectives à la rivière. Longtemps, on a croisé le fer sur les deux rives de la Méditerranée quand, entre gros dérapages et vieilles saillies, on prenait même plaisir à se regarder en chiens de faïence.
Nous sommes convaincus que l’heure est venue de remettre la machine en ordre de marche après cinquante ans de désamour et de mésentente, si l’on veut aider ce couple à en finir avec un vrai purgatoire. Penser autrement relèverait de la déconnexion des réalités.
Une dizaine de contrats seront signés par les deux délégations. Ils englobent des chantiers dans les secteurs de l’industrie automobile, de l’agroalimentaire, des services, de la technologie, des transports, de l’engineering, etc. Aujourd’hui, nous passons à la phase du volontarisme politique. Nous jouons gagnant-gagnant. L’Algérie, premier pays francophone dans le monde, offre un marché alléchant avec ses 40 millions de consommateurs. Un pays solvable. A moins d’une heure de vol de Marseille.
Le coup de génie, s’il y en aura dans ces retrouvailles algéro-françaises, ce serait d’abord d’oser enterrer les souvenirs douloureux d’un long parcours chaotique. D’aller de l’avant et de ne plus avoir à l’esprit que de nouvelles conquêtes à réaliser au profit des Algériens et des Français.
En cinquante ans, l’Algérie indépendante a reçu successivement les visites des présidents Giscard d’Estaing, Mitterrand, Chirac et Sarkozy sans que les choses viennent à bouger réellement. Nous ne voulons pas insulter l’avenir malgré toutes les déconvenues du passé, et du passif, car avec la venue du Président Hollande chez nous, nous avons le droit et le devoir de croire que le vrai chapitre dans l’histoire de nos deux pays réconciliés a cette fois-ci une vraie chance d’être écrit. Avec Sarkozy, on a compris que l’amitié et la loyauté sont à géométrie variable. Avec François Hollande, nous avons affaire à un homme qui force le respect. Toute la différence pourrait résider dans la confiance pleinement rétablie enfin entre nos deux pays en bannissant l’idée d’un marché de dupes qui a malheureusement longtemps été la règle dans nos rapports tumultueux avec la France.
Si à nos portes se bousculent, légions, les investisseurs chinois, turcs, anglais, américains, espagnols, italiens et indiens, nous reconnaissons que le coeur de l’Algérie bat toujours pour la France.
En politique, faut-il encore s’en souvenir, on gagne toujours ensemble, mais on perd toujours seul.