En Algérie, les vols de câbles en cuivre se sont multipliés ces dernières années, provoquant des perturbations croissantes dans plusieurs quartiers du pays.Ce phénomène, désormais préoccupant pour les autorités comme pour les citoyens, entraîne des coupures de services et des coûts importants, tout en soulevant de sérieuses questions de sécurité publique et de protection des infrastructures.
Les groupes de voleurs ciblent principalement les zones résidentielles et les infrastructures isolées, souvent durant la nuit, ce qui complique la détection des vols et le déploiement rapide des équipes d’intervention. Dans de nombreuses wilayas, des jeunes et des adolescents seraient impliqués dans ces actes criminels, privant parfois des quartiers entiers de services vitaux pendant plusieurs semaines.
Pour les autorités locales, les réparations nécessitent des matériaux et une main-d’œuvre spécialisés, alourdissant la facture pour les opérateurs publics et privés. Les forces de sécurité et les collectivités font face à un défi permanent pour identifier les auteurs, neutraliser les réseaux de revente et sécuriser les installations.
Entre répression renforcée et mobilisation citoyenne
Face à l’ampleur de cette criminalité, plusieurs mesures ont été mises en œuvre. Les collectivités et les services de sécurité ont multiplié les patrouilles nocturnes, installé des caméras de surveillance et intensifié les opérations de contrôle dans les zones sensibles. Les autorités judiciaires, pour leur part, ont durci les sanctions contre les auteurs de ces vols et contre toute activité liée à la commercialisation des matériaux volés.
Les pouvoirs publics encouragent également les citoyens à signaler tout comportement suspect, rappelant que les pertes ne se limitent pas aux budgets publics. La répétition des coupures affecte directement l’activité économique, perturbe les services et renchérit les coûts supportés par les usagers.
Constantine : 69 affaires traitées depuis le début de l’année
À Constantine, la police a enregistré depuis le début de l’année 69 affaires liées au vol de câbles en cuivre. Selon les chiffres communiqués par la Direction de la sûreté de wilaya, 84 personnes impliquées dans ces réseaux ont été arrêtées.
Les opérations de la police se sont intensifiées dans les quartiers ciblés ainsi que dans les zones isolées où les voleurs arrachent les câbles pour les revendre illégalement. Grâce à la vidéosurveillance et aux interventions rapides, plusieurs auteurs ont été arrêtés en flagrant délit.
Les services de sécurité soulignent que ces résultats sont en grande partie liés à la coopération des citoyens, notamment via les signalements effectués par l’intermédiaire des numéros verts. Ces efforts s’inscrivent dans une stratégie plus large visant à lutter contre toutes les formes de criminalité portant atteinte à l’économie nationale.
Des sanctions pouvant aller jusqu’à la réclusion à perpétuité
Selon le juriste et militant des droits humains Zine El Abidine Hathhout, le vol de câbles électriques ou téléphoniques constitue un crime grave qui porte atteinte à la sécurité économique et aux services vitaux. Le législateur algérien a considérablement renforcé les dispositions du Code pénal, avec des peines qui peuvent atteindre la réclusion à perpétuité dans certaines circonstances aggravantes comme les catastrophes naturelles, les explosions ou les actes de rébellion.
La revente illégale de ces câbles sur les marchés informels, souvent à des prix dérisoires par rapport à leur valeur réelle, alimente un trafic lucratif. Les voleurs récupèrent le cuivre pour le revendre ou le recycler, profitant de la demande mondiale élevée pour ce métal. Ce commerce clandestin entraîne des coupures prolongées pour les citoyens et des dépenses exorbitantes pour les opérateurs publics, notamment dans les secteurs de l’électricité et des télécommunications.
Selon l’expert, l’article 350 du Code pénal prévoit des peines allant de deux à dix ans de prison pour tout vol visant du matériel appartenant à l’État ou aux collectivités, y compris les câbles et équipements électriques. Les mêmes sanctions s’appliquent aux personnes qui achètent, transportent ou revendent ces matériaux volés. La tentative de vol est punie de la même manière que le vol consommé.
Si les faits sont commis la nuit, par plusieurs personnes, avec effraction ou violence, ou à l’aide d’un véhicule motorisé, les peines sont alourdies et peuvent aller de dix à vingt ans de prison, selon l’article 353.
Le juriste rappelle également que l’État a mis en place divers mécanismes pour faciliter le signalement de ces actes, notamment les numéros 3303 (Sonelgaz), 1055 (Gendarmerie) et 1548 (Police), tout en appelant à un sursaut civique pour protéger les biens publics.
Un coût économique faramineux
Pour l’économiste Samir Ben Saad, la gravité du phénomène ne se résume pas au prix du cuivre volé, mais s’étend aux frais de remise en état. Dans certains immeubles, le coût de la réinstallation des câbles peut atteindre un million de dinars pour une résidence de dix logements, sans compter les retards dans les chantiers et les travaux supplémentaires non prévus.
Les pertes ne touchent pas seulement les bâtiments résidentiels. Algérie Télécom subit également des dommages considérables, entre l’indemnisation des abonnés en cas de coupures prolongées et les engagements financiers envers ses fournisseurs. Les câbles arrachés sont souvent remplacés par des équipements coûtant beaucoup plus cher que les matériaux volés, ce qui aggrave le déficit des opérateurs.
Ben Saad recommande un contrôle plus strict des acteurs opérant dans le recyclage des métaux, via des équipes mixtes réunissant l’industrie, le commerce et les forces de sécurité, afin d’identifier les circuits d’approvisionnement douteux. Il appelle également à renforcer la sensibilisation dans les mosquées, rappelant que le vol de biens publics constitue une atteinte directe à l’intérêt collectif.
