Si Alger m’était conté, Alger la blanche, El Aassima, El Mahroussa ! Autant de qualificatifs élogieux pour designer notre capitale. Pourtant, à beau chercher après cette fameuse blancheur, l’on ne trouve que pollution, poussière, saleté et détritus.
A trop tenter de puiser dans son patrimoine, ce dernier, méconnu, s’est épuisé vite comme neige au soleil.
Les quelques vestiges encore résistants à l’image de la Casbah s’écroulent pour semer leurs débris au gré des vents comme dans une complainte extériorisant leur immense détresse.
Les belles avenues Haussmanniennes se ternissent.
Leurs immeubles s’effritent et tombent en ruine par manque d’entretien mais surtout par manque d’amour pleurant leurs
terrasses squattées et détournées en « F4 ». Aux façades sales et maussades s’accrochent piteusement des balcons en ruine et où s’affichent des lambeaux de toile de bâche en guise de rideaux. El Aassima n’a, en fait, rien d’une capitale, elle semble avoir usurpé son statut. C’est une ville qui a perdu de son attirance, de sa magie d’antan, celle qui a inspiré les artistes. Son centre, devenu hideux à force d’être surexploité, ressemble à une grande kermesse ou viennent se vautrer de nonchalants badauds désœuvrés et en mal d’être, échoués là ou vers la place Audin comme par miracle. Aux étrangers, touristes et autres visiteurs, Alger offre un cadre tellement hostile qu’il ne fait pas bon d’y revenir. Tout semble exulter le rejet. La cherté inexpliquée de la vie algéroise étonne plus d’un. La qualité des services, piètres et désagréables, renvoie à l’époque des pénuries. Le sens de la modération se perd allègrement. Ici tout est excès et exagération.
Il ne fait pas bon de s’y hasarder au risque d’être frappé par les marques de fausse opulence affichés contrastant avec la misère humaine qui emplie les rues de la ville envahies par une nuée de mendiants plus voraces et féroces les uns autant que les autres. Les quelques « hameaux » de luxe passant pour des quartiers huppés à l’instar de Delly Brahim, Hydra et de Sidi Yahia, véritables ilots de « m’as-tu visme » ou le kilo de pastèque est vendu à 150 dinars car portant une étiquette à code barre, rien que ça, drainent une foule « d’anciens pauvres » qui ont réussi à sortir de la mêlée grâce aux bienfaits de la mamelle et que semble encourager Ahmed Ouyahia en s’évertuant à crier « vive l’oligarchie algérienne » ! Pendant ce temps, la ville est fermée dès le crépuscule voire dès la fermeture des bureaux pour ne rouvrir que tard le lendemain. Si au cours de la semaine la vie s’étire paresseusement, la journée du vendredi, elle, donne un air de No man’s land à la cité de Sidi Abderrahmane. La période des fêtes la fameuse El mahroussa semble remettre les clés de sa ville à une quelconque force occulte pour ressembler à une ville fantôme. Cela peut durer toute une semaine. Le temps que reviennent ceux qu’on traite à tort de « Boubled », les ouvriers, les apprentis boulangers, garçons de café et de restaurant et autres petits du monde rural qui fait en définitive, palpiter le cœur d’Alger.
La capitale se meurt! A l’image d’ailleurs des autres villes algériennes. Elle ne parvient plus à assumer son rôle de métropole, celui d’accueillir quotidiennement près de deux millions de visiteurs et répondre aux besoins d’autant d’habitants.
Elle étouffe, s’asphyxie et s’étrangle sous les coups de la fausse aisance matérielle que lui procurent des programmes gouvernementaux financés par la rente en guise de placebo. Une aisance qui suscite envie et sentiment d’injustice. Mais jusqu’à quand cela va-t-il durer ? Cette pseudo prospérité risque de connaitre une fin sans même avoir réussi à réveiller les esprits et inculquer le sentiment de vaillance ou apprendre aux gens la notion avant même la valeur du travail et le compter sur soi. D’ici là les poules auront eu des dents car pourquoi se tuer à la tâche puisque nous avons la chance d’habiter dans une capitale et qu’il suffit à peine de brandir ce « statut » pour voir s’ouvrir grandes les portes…de l’illusion d’une réussite sociale .
Par Azzedine Belferag