Hier au stade du 5-Juillet, Vitor Baia ne donnait pas l’impression d’avoir arrêté sa carrière depuis plusieurs années déjà car à part des cheveux gris qui ont commencé à envahir ses tempes, il n’a pas perdu de sa superbe. Toujours aussi élégant avec ses tenues très in, celui qui rend encore folles les jeunes filles du monde entier a répondu à nos questions en s’aidant parfois de mots français.
Alors que vous n’avez jamais joué en France, on vous a vu communiquer avec le personnel de l’hôtel en français. Où avez-vous appris cette langue ?
A l’école, mais ça fait déjà très longtemps. J’ai pu toutefois conserver la base avec des expressions qui me permettent de me débrouiller un peu.
Quelle impression vous a laissée la ville d’Alger après deux jours passés avec nous ?
Une ville très agréable avec des gens chaleureux. De l’hôtel où on est (NDLR : El Aurassi), on a la chance d’admirer toute la baie d’Alger que je trouve magnifique. C’est la première fois que j’ai l’occasion de visiter cette belle ville et j’espère que ce ne sera pas la dernière. Un grand salut pour les Algérois !
Vous avez suivi le Clasico à Alger. Que pouvez-vous nous en dire ?
J’ai joué des Clasicos et j’en ai vus des centaines, mais celui-là est très spécial parce que je l’ai suivi pour la première fois avec mes amis algériens grâce à votre copain qui a eu l’amabilité de nous inviter à son restaurant. C’était une ambiance chaude, très algérienne. Concernant le match, ce fut très intense, mais cette fois-ci, le Real Madrid a été supérieur et a mérité de gagner.
On était surpris de vous voir supporter le Real alors que vous avez joué au Barça…
J’ai beaucoup d’affection pour le Barça et pour ses supporters. Mais comme j’ai des amis à Barcelone, j’ai aussi des amis à Madrid comme Mourinho, Pepe et Ricardo Carvalho et qu’il faut se partager un peu les titres, j’ai pensé qu’après plusieurs années de succès du Barça, c’est le moment pour le Real de gagner. En plus, si vous voulez parler football, hier (NDLR : entretien réalisé dimanche), le Real méritait de gagner.
Mais dites-nous sincèrement : êtes-vous culé ou madridista ?
Je suis un culé qui a beaucoup d’amis au Real.
Parlons un peu de l’objectif de votre venue en Algérie, à savoir jouer un match pour aider les enfants d’Afrique. Que pensez-vous de l’initiative de Madjer ?
Toutes les initiatives qui ont pour but d’aider les démunis sont des initiatives nobles. Et si je peux aider en tant qu’ancien joueur en utilisant ma notoriété, je le fais avec plaisir. Moi-même, je préside avec ma femme une fondation que j’ai baptisée Vitor Baia 99 et qui s’occupe aussi des enfants. Le football est un moyen extraordinaire pour générer le spectacle et l’argent. Ce serait bête de ne pas en profiter pour aider l’autre tant qu’on a encore la possibilité de jouer et d’utiliser notre image d’ancien joueur de haut niveau. Je félicite donc Madjer d’avoir organisé ce match et c’est un plaisir pour moi d’être associé à une cause aussi noble. J’espère que ce match pourra générer beaucoup d’argent et ensuite avoir la certitude que cet argent ira aux plus nécessiteux.
Votre fondation s’appelle Vitor Baia 99 parce que vous avez longtemps porté ce numéro à Porto. C’est quoi le secret du 99 ?
Après une grave blessure contractée à Barcelone, je suis retourné à Porto en janvier 99 durant le mercato d’hiver. Comme le numéro 1 était déjà pris que comme j’allais commencer une nouvelle vie de footballeur, j’ai choisi le 99 par rapport à l’année de mon retour à la maison. Un numéro qui m’a porté beaucoup puisque j’ai gagné tous mes titres majeurs dont la Champions League et l’Europa League en portant ce numéro. Saison après saison et voyant que ce numéro me portait bonheur, je l’ai gardé jusqu’à la fin de ma carrière. Depuis, ce numéro fait partie de ma vie.
Tous ces titres majeurs, vous les avez gagnés avec Mourinho comme entraîneur. Est-il vrai qu’il est provocateur voire impoli comme il paraît de l’extérieur ?
Ce que beaucoup de gens appellent de la provocation et tout simplement une manière de communiquer et de faire passer des messages. Mourinho est l’entraîneur le plus complet que je n’ai jamais vu. Il donne de l’importance à tous les détails dont la manière de parler avec les journalistes. C’est un stratège qui veut tout maîtriser avec toujours le souci de protéger au maximum ses joueurs. C’est en même un ami des joueurs, mais il leur exige le maximum. Tactiquement, il est exceptionnel, il sait tout sur le jeu de l’adversaire, il ne se lasse jamais de voir et revoir des matchs pour étudier le jeu des autres.
Vous l’avez félicité après la victoire du Camp Nou ?
Sincèrement non parce que je sais qu’après un match pareil, il a besoin d’aller encore parler aux journalistes. Il va ensuite fêter ça avec ses joueurs pour ensuite rentrer tard le soir à Madrid. Je vais le faire tout à l’heure soit en lui envoyant un sms, soit en l’appelant pour le féliciter de vive voix.
Avec vous, Figo, Nuno Gomez, Rui Costa et les autres, le Portugal a eu une génération exceptionnelle de joueurs qui avait gagné plusieurs titres chez les jeunes. On sélection A, vous n’avez rien gagné, excepté des qualifications aux grandes compétitions internationales. Pourquoi ?
Parce que tout simplement Mourinho est apparu très retard. Si Mourinho était arrivé plus tôt, il aurait fait des miracles avec de tels joueurs. Et puis, il y avait beaucoup de problèmes organisationnels au Portugal qui n’ont pas permis à cette génération de s’exprimer pleinement.
Ce match gala coïncide avec une flambée de violence dans les stades algériens. Peut-il aider à calmer un peu les choses ?
Bien sûr, mais un seul match ne peut pas tout régler. Il y a un ensemble des décisions à prendre à court et à long terme pour résoudre ce problème. L’éducation en fait partie. Le football est un moyen extraordinaire de prendre du bon temps, de s’amuser, de connaître des gens. C’est ce message qu’on doit transmettre à nos enfants. La violence n’a jamais réglé les problèmes et pas seulement dans le football, mais dans tous les domaines. Mais si ce match peut aider à donner une meilleure image du football, je serai personnellement heureux.
Quelle image a laissée Madjer à Porto ?
Tout a été sur Madjer à Porto, mais moi je vais me contenter d’un sondage qui a été fait récemment à Porto. On a demandé aux supporters quel était le meilleur joueur de l’histoire du club et Madjer l’a emporté haut la main. Il a marqué le but le plus beau et le plus important de l’histoire de Porto, il fait partie à jamais de l’histoire de notre football, mais cela ne l’empêche pas d’être une personne formidable.
Comment vous expliquez qu’il n’y ait pas beaucoup d’Algériens au Portugal ?
C’est peut-être une question culturelle. Les Algériens partent naturellement en France où ils se sentent mieux, mais ils doivent venir chez nous car le football portugais leur va mieux. La preuve, tous les Algériens qui ont joué au Portugal ont réussi.
Cette saison, il y en a qui joue à Guimaraes, le connaissez-nous ?
Bien sûr, c’est le gaucher technicien qui va très vite.
Il s’appelle Soudani, qu’en pensez-vous ?
C’est un très bon joueur, comme je viens de vous le dire, mais il a besoin d’une année d’adaptation. Ce n’est pas facile de changer carrément de culture et de vie. Il commence à s’imposer déjà puisque il joue plus souvent ces dernières années. S’il continue sur ce rythme, la saison prochaine, il fera de très belles choses. Vous savez Guimaraes, c’est un peu spécial, la pression qu’il y a là-bas est très forte parce que les gens de Guimaraes sont tous des fous du football et de leur équipe. Ils ne pardonnent rien aux joueurs. Demandez à Soudani ce que son coéquipier marocain a enduré avec les supporters après être sorti s’amuser la nuit deux jours avant un match. Soudani doit faire très attention.