Les relations germano-algériennes offrent un énorme potentiel qui n’a malheureusement pas encore été exploité à sa juste valeur.
Le ministre des Affaires étrangères de la République fédérale d’Allemagne, Frank-Walter Steinmeier, effectue, depuis hier, une visite de travail en Algérie. M. Steinmeier est accompagné d’une forte délégation d’hommes d’affaires.
Une rencontre économique, coprésidée par le ministre de l’Industrie et des Mines, Abdessalem Bouchouareb, et le ministre des Affaires étrangères allemand, est prévue aujourd’hui à la résidence d’État Djenane El-Mithaq à Alger. “Cette rencontre s’inscrit dans le cadre du confortement de la coopération entre l’Algérie et l’Allemagne à l’effet de multiplier les échanges et les relations économiques entre les deux pays”, indique le ministère de l’Industrie dans un communiqué.
Dans une “Note du Cerfa”, publiée en avril 2014 par l’Institut français des relations internationales (Ifri), l’ancien directeur général de la Chambre algéro-allemande de commerce et d’industrie (AHK Algérie), Christoph Partsch, estime que “les relations germano-algériennes offrent un énorme potentiel, qui n’a malheureusement pas encore été exploité à sa juste valeur”. M. Partsch indique que “les relations bilatérales entre l’Allemagne et l’Algérie sont officiellement qualifiées, par les deux parties, de bonnes et amicales. Pourtant, en Allemagne, les erreurs d’appréciation du Printemps arabe qui avaient entraîné un manque
d’intérêt pour le territoire algérien marquent encore la politique extérieure”. L’ancien directeur d’AHK Algérie, Christoph Partsch, passe en revue l’historique de relations algéro-allemandes, relevant qu’elles “étaient initialement extrêmement prometteuses sur le plan politique et économique”. Les efforts d’industrialisation de l’Algérie furent réalisés presque exclusivement au moyen de la construction mécanique ouest-allemande. “À l’heure actuelle, les machines allemandes fonctionnent encore et constituent la colonne vertébrale de ce qui reste des petites et moyennes entreprises (PME) algériennes”, a-t-il constaté.
“La crise pétrolière de 1986 mit un terme à ces bonnes relations économiques lorsque le baril de pétrole chuta de 30 à 10 dollars. Pour les entreprises allemandes, le marché algérien s’écroulait. L’ambassade allemande resta en place, mais elle réduisit ses activités et détruisit des éléments de ses dossiers dans la crainte d’un renversement violent. Ce faisant, elle perdit également une partie de ses connaissances sur l’Algérie. L’école allemande ferma ses portes”, rappelle Christoph Partsch.
Ce dernier revient sur “les tentatives de nouveau départ” et “des opportunités ratées sur le plan politique”. “Abdelaziz Bouteflika se rendit en Allemagne pour une visite officielle début avril 2001, une première pour un président algérien. En décembre 2010, soit neuf ans plus tard, il revint à Berlin pour une deuxième visite. La venue du président allemand Horst Köhler en novembre 2007 constitua la première visite d’État d’un président de la République fédérale d’Allemagne en Algérie. En juillet 2008, Angela Merkel arriva en Algérie. La chancelière et l’ambassadeur en poste à l’époque, Johannes Westerhoff, réussirent à lancer toute une série de projets avec des entreprises allemandes”, écrit l’ancien président d’AHK Algérie.
“En partie pour des raisons personnelles, en partie aussi parce qu’ils en reçurent l’instruction, les ambassadeurs allemands ne purent pas changer grand-chose à l’insignifiance de la politique extérieure de l’Allemagne en Algérie après 2009. Cela est aussi certainement dû au fait que l’ancien ministre des Affaires étrangères allemand, Guido Westerwelle, considérait le Printemps arabe comme prioritaire et qu’il convenait, selon lui, d’ignorer l’Algérie. Il réalisa toutefois deux visites express en Algérie en 2012 et 2013, mais elles furent perçues sur place plutôt comme une formalité que comme le signe d’une réelle reprise de dialogue en matière de politique extérieure”, ajoute M. Partsch, indiquant que “les acteurs économiques allemands n’ont pas été en mesure de compenser entièrement les entraves laissées par leurs homologues politiques”.
D’importants projets ont souffert de l’absence d’une politique extérieure économique soutenant durablement les intérêts des entreprises allemandes et l’attribution de marchés à ces entreprises.
M. Partsch indique que “l’Algérie surestime dans une large mesure son rôle de partenaire d’investissement de l’Allemagne. Seuls 2% des exportations allemandes concernent l’Afrique et c’est l’Afrique du Sud, en 27e position, qui est la première cliente de l’Allemagne sur le continent. L’Algérie ne suit que loin derrière”. Il constate que “les conditions d’investissement en Algérie comptent parmi les pires qui soient à l’échelle mondiale”. Les entreprises allemandes font preuve d’une grande réserve en matière d’investissements en Algérie.
Face à un marché généralement en forte croissance en Asie, les acteurs de l’économie allemande ne se sont pas souvent montrés disposés à accepter les exigences et les insuffisances du marché algérien. “Ce n’est que sur le marché de l’armement, où l’Algérie est située au neuvième rang mondial des acheteurs, qu’elle est devenue un partenaire sérieux pour les entreprises allemandes”, affirme M. Partsch. Pour ce dernier, “il en résulte deux domaines importants de coopération avec l’Algérie : l’énergie et la sécurité”.
M.R