Visite de Ziari à Paris : Un nouveau discours algérien

Visite de Ziari à Paris : Un nouveau discours algérien

La visite en France du président de l’Assemblée populaire nationale a pris fin jeudi par l’adoption et la signature par les présidents des deux assemblées, du règlement intérieur de la grande commission interparlementaire France-Algérie, créée par le protocole cadre signé à Alger le 21 janvier 2007.

Selon le communiqué final, cette commission, «coprésidée par les deux présidents, se réunira en principe tous les ans, alternativement dans les deux pays». La prochaine rencontre se fera à Alger avant la fin de l’année en cours.

Du contenu de cette visite, de sa portée, du statut des personnes que la délégation a eu à rencontrer, des rumeurs de report de la visite d’Etat que doit effectuer le président Bouteflika, il en a été question au cours du point de presse final que le président de l’APN a tenu avec les correspondants des médias algériens en France.

M. Ziari a aussi répondu à nos interrogations sur le fait que lors de sa visite, il n’a rencontré aucun membre de l’Exécutif français et nous a aussi répondu sur la composition de la délégation qui l’accompagnait et qui ne contenait aucun député de l’opposition, ni du RCD, ni du PT.

D’un côté comme de l’autre, et dans un point de presse commun, les présidents des deux Assemblées ont insisté sur l’objet de cette visite de Ziari qui consistait en «la mise en œuvre du règlement intérieur de la grande commission parlementaire franco-algérienne.

Si les relations interparlementaires sont déjà très riches, très denses, devait commenter Bernard Accoyer, nous avons convenu de les approfondir».

Lorsque la question a été posée de savoir sur quels thèmes cette commission aller travailler, les deux présidents n’ont pas caché qu’ils n’étaient pas encore définitivement arrêtés, qu’ils devront être proposés par les parlementaires d’ici la prochaine réunion de la commission à Alger et qu’ils seront soumis à l’approbation des exécutifs des deux pays.

Mais quelques axes, précisent-ils, ont déjà reçu l’approbation des deux parties parlementaires pour figurer comme thème de travail de cette commission : les questions qui touchent à la sécurité énergétique ; la question alimentaire qui «est au cœur de tous les problèmes de développement et le «défi à relever pour l’Union pour la Méditerranée».

UPM : «Nous ne voulons pas d’une UPM plombée dès le départ par des problèmes politiques ou des conflits non résolus»

A propos justement de l’UPM, le président de l’APN nous indiquera au cours de la conférence de presse tenue avec les journalistes algériens que «les députés rencontrés au cours de cette visite ont manifesté un intérêt très vif pour cette question et voulaient savoir quelle était la position des représentants du peuple algérien sur l’UPM.

Nous avons répondu que nous souhaitions que ce cadre ne connaisse pas l’échec du Processus de Barcelone ; que nous voulions que cette Union ne soit pas plombée dès le départ par des problèmes politiques ou des conflits qui n’ont pas été résolus et qu’elle se fasse autour de projets de codéveloppement sur lesquels nous nous mettrons d’accord et qu’elle soit, enfin, un cadre d’efficacité.»

Outre l’UPM, avez-vous évoqué les questions de mémoire? Et a-t-il été question de la repentance qui continue de constituer un obstacle ? Et là, la réponse du président de l’APN a été pour le moins vive, tranchée et supportée par un discours politique pour le moins nouveau : «La question de la repentance n’était pas à l’ordre du jour et je ne sais pas où avez-vous trouvé que c’était un obstacle.»

«La repentance n’a jamais, depuis l’indépendance, constitué un obstacle aux relations algéro-françaises»

«Depuis 1962, l’Algérie n’en a jamais fait officiellement un préalable ni une conditionnalité à cette question et vous le savez bien.

Il est évident que lorsque nous sommes dans une situation de provocation comme cela a été fait lorsque l’Assemblée française avait voté cette fameuse loi – et je l’ai bien expliqué à mes interlocuteurs – il y a eu effectivement des réactions à cette provocation, mais, depuis, il y a eu retour sur cette loi.» Et de rappeler que le président lui-même avait dit qu’il avait peut-être des propositions à faire sur ce plan. «Nous laissons au président le soin de le faire.»

Et pour tous ceux qui ne le savent pas ou l’auraient oublié, cette précision de M. Ziari : «N’oubliez pas que le président est un moudjahid, il était parmi les dirigeants pendant la guerre de Libération.

Dans ce domaine, lui, plus que nul autre, est fondé à faire des propositions aux Français.» «Je pense que s’il y avait plus de liens, plus de dialogue, plus de concertation comme l’offre cette commission parlementaire, peut-être qu’il n’y aurait pas eu cette loi car cette nouvelle structure permet cette concertation, chacun y défendant bien entendu ses intérêts et les intérêts de ses concitoyens.»

Et le président de l’APN de donner le ton nouveau du discours sur les relations algéro-françaises : «Nous avons surtout parlé de construire l’avenir.

Il y a suffisamment de gens qui parlent du passé alors que nous avons pensé qu’il fallait aller de l’avant. L’Algérie est un pays de jeunes. Ces derniers, nombreux, sont préoccupés par les problèmes d’emploi, de logement, d’éducation qui concernent la grande majorité des Algériens.

Ce sont là les perspectives dans lesquelles nous allons coopérer ; c’est une visite qui s’inscrit dans le cadre du raffermissement des rapports algéro-français et nous continuons, nous parlementaires à raffermir ces rapports par les moyens dont nous disposons.»

«Il n’y a jamais eu de date fixée à la visite en France du président Bouteflika»

Et lorsqu’un journaliste a évoqué les éventuelles divergences qui seraient à l’origine du report de la visite en France du président Bouteflika, le président de l’APN a tenu, comme il a eu à le dire, «à clarifier les choses : il n’y a eu aucun report. Il n’y avait pas de visite programmée officiellement pour cette période.

Il y a eu idée d’une visite et après il va y avoir entente – au plan des relations diplomatiques – entre les deux parties pour fixer la date de cette visite en fonction des disponiblités de part et d’autre. Ma présence ici démontre, d’ailleurs, que les bruits sur un report qui n’a jamais eu lieu ne sont pas fondés».

Composition de la délégation : «Je n’ai pas invité le RCD, et le PT a décliné l’invitation»

Et à propos des parlementaires, nous avons demandé au président de l’APN pourquoi la délégation qui l’accompagnait ne comportait pas de députés de l’opposition, dans son intégralité sa réponse a été : «Nous avons dans la délégation, l’ensemble des partis de l’Alliance présidentielle ; une dame députée du groupe indépendant, le président du groupe d’amitié Algérie-France et une composition de députés venant de plusieurs régions du pays.

Je n’ai pas sollicité le parti d’opposition RCD car le RCD, depuis plusieurs mois, avait décidé de boycotter les travaux de l’Assemblée et de ne pas y participer. Quant au Parti des travailleurs, j’ai sollicité deux députés à tour de rôle, bien sûr, mais ils n’ont pas jugé nécessaire de répondre à mes sollicitations pour faire partie de cette délégation.»

«Je ne devais pas voir l’Exécutif : ma visite est strictement parlementaire»

Sur le fait, enfin, qu’il n’ait rencontré aucun membre de l’Exécutif français au cours de son séjour parisien, M. Ziari a confirmé qu’effectivement, il n’a pas rencontré de membres de l’Exécutif et explique : «Il n’y a pas de confusion des pouvoirs. J’ai été en contact avec tous les officiels concernés par une visite d’un responsable de l’Assemblée nationale.

J’ai donc vu mon homologue français, tous les responsables de groupes politiques à l’intérieur de l’Assemblée nationale française, le président du Sénat avec tous les vice-présidents de cette institution.

Monsieur Fillon qui était présent à la séance de l’Assemblée nationale est passé me saluer et nous avons échangé quelques mots. J’ai estimé qu’il n’appartenait pas à un président de l’Assemblée nationale de se déplacer dans un ministère. »

Et comme pour répondre au périscoop du Soir d’Algérie de la veille et qui annonçait que selon une source diplomatique, Kouchner aurait demandé à le rencontrer et la partie algérienne n’aurait pas répondu, le président de l’APN ajoute :

«Même si j’avais vu M. Kouchner, je l’aurai vu à titre tout à fait personnel, parce que ce que vous ne savez pas, c’est que nous nous connaissons bien personnellement et que nous étions tous les deux à l’hôpital Cochin dans les années 1971 et 1972 et que nous nous voyions régulièrement à cette période.

Mais cela n’a rien à voir avec la visite officielle. Celle-ci était destinée au Parlement et en particulier à l’Assemblée nationale. »

Composition de la délégation accompagnant M. Ziari :

M. Mohamed Ghoualmi, Affaires étrangères, ancien ambassadeur d’Algérie en France ; Abdelali Hassani Cherif, député MSP M’sila ; Belkacem Belabès, député FLN, président du groupe d’amitié Algérie-France ; Benthabet, député FLN de Mostaganem, président de la commission des affaires étrangères ; Mme Saoudi Dalila, députée indépendante de Bouira ; Edaber Ahmed, député RND de Tamanrasset.