Le taux de refus le plus élevé en Afrique concerne l’ensemble des dossiers traités par les consulats européens partageant le système Schengen. Mais la demande est en constante augmentation depuis 2009.
La Conférence sur la politique des visas, organisée par la Commission européenne en collaboration avec le Centre européen de journalisme (EJC), a commencé hier à l’hôtel Silken-Berlaymont à Bruxelles. C’était l’occasion de rendre publiques des données chiffrées concernant une vingtaine de pays. L’Algérie est classée à la 7e position en termes de demandes du visa Schengen enregistrant une évolution considérable passant de 267 460 dossiers déposés auprès des différents consulats partageant le système Schengen en 2009 à 387 942 en 2012.
En revanche, en termes de taux de refus, l’Algérie connaît le taux le plus élevé avec 26,7% comparée aux autres pays d’Afrique du Nord. Pour 2013, le taux de refus a grimpé à 27% sur 445 517 demandes traitées. Interrogée par Liberté sur la question, Cecilia Malmström, la commissaire aux Affaires européennes, a expliqué que les “États européens partageant l’espace Schengen jugent que le risque pour l’immigration clandestine émanant de l’Algérie demeure trop élevé”.
Et d’ajouter que la position de l’UE sur ce dossier se fait de “façon consensuelle” puisque “chaque année les pays membres se réunissent et font l’état des lieux des pays demandeurs et un consensus s’établit autour de certaines situation. Pour l’Algérie et pour d’autres pays africains, plusieurs points comme l’immigration clandestine, la criminalité et le terrorisme sont abordés et à partir de là, les critères sont, soit renouvelés, soit modifiés, le poids de chaque État membre étant pris en considération”.
Le tableau des statistiques élaboré par la Commission européenne pour l’année 2012 est très explicite. Sur 373 823 demandes, seuls 11, 8% sont refusés pour le Maroc alors que pour la Tunisie le taux de refus est de 12% (125 594 demandes). L’Égypte, quant à elle, a enregistré un taux de refus de 10,7% sur 137 542 dossiers déposés auprès des consulats européens.
Le tableau révèle également que l’Afrique du Sud est le seul pays africain dont le taux de refus en termes d’octroi du visa Schengen est de 0,9%. En dehors du continent africain, l’Iran est l’un des pays dont les demandes connaissent le taux de refus le plus élevé avec 18,2% sur 168 783 dossiers déposés. Vient ensuite la Colombie avec 9,1% sur 114 466 demandes.
Pour les 6 pays considérés comme “grands demandeurs”, à savoir la Russie, (6 069 001), l’Ukraine (1 313 727), la Chine (1 242 507), le Belarus ( 698 404), la Turquie (668 835) et l’Inde (506 162), le taux de refus est très insignifiant passant de 0,9% pour la Russie à 6,1% pour l’Inde. Pour la commissaire aux Affaires européennes, Cecilia Malmström, la situation est à déplorer considérant qu’“un nombre important de demandeurs n’ait pu obtenir le fameux sésame pour entrer dans l’espace Schengen en raison de la complexité des procédures”. Les statistiques indiquent également que la France est le pays qui enregistre le plus grand nombre de demandes (2 321 534 ) dont 10% émanent d’Algérie, suivie de l’Espagne (1 836 868) et de l’Italie (1 706 536).
Les débats qui ont ponctué la conférence ont mis en lumière le véritable dilemme auquel fait face l’Europe : comment, d’une part, faciliter l’octroi du visa pour des raisons économiques puisque les visiteurs entre touristes et hommes d’affaires vont aider à promouvoir plusieurs secteurs en difficulté et, d’autre part, protéger ses frontières face à l’immigration clandestine et à la grande criminalité.
C’est cette difficile équation qui explique que les procédures peuvent différer d’un consulat à un autre même si les critères globaux sont discutés au sein de l’Union européenne. Conséquence, c’est “une politique des visas à géométrie variable” qui est appliquée de l’avis de certains responsables européens qui ont requis l’anonymat. Dans le même temps, les enjeux économiques poussent à plus de souplesse dans la délivrance du visa. Pour 2013, l’impact économique sur le tourisme a été bénéfique et les prévisions des experts consolident ce point de vue.
“Les facilitations vont permettre à quelque 14 millions de voyageurs de séjourner dans l’espace Schengen, avec des dépenses avoisinant les 25 milliards d’euros par an, ce qui signifie que dans une perspective de 5 ans, l’UE empochera quelque 130 milliards d’euros et créera plus d’un million d’emplois dans le secteur du tourisme”, soutiennent des cadres de l’UE.
Si le souhait de voir l’espace Schengen devenir une zone de libre-circulation pour les citoyens de par le monde, il n’en reste pas moins que les facilitations en discussion au sein de l’UE (voir notre édition d’hier) ne peuvent connaître dans l’immédiat une mise en œuvre accélérée et globale dès lors que d’autres aspects, en l’occurrence politiques, sont de nature à freiner toute nouvelle initiative. “Il est vrai que l’aspect économique est important, mais plus de visa peut aussi signifier importer d’autres problèmes vers l’Europe”, affirme un expert qui a également requis l’anonymat.
Et d’ajouter : “Un visa est bénéfique pour le tourisme et l’industrie mais peut entraîner aussi des soucis de sécurité et d’immigration. C’est pour cela que l’UE doit trouver le juste équilibre.” En clair, le visa, qui demeure un acte de souveraineté, est délivré en fonction de paramètres bien établis basés sur la régularité du demandeur, de la crédibilité des documents émis ainsi que de la situation générale qui prévaut dans le pays. De son côté, Michel Dejaegher, ancien consul général de France en Algérie, dénommé “Monsieur Visa”, puisqu’il a contribué à la création du système Schengen, en 1995, considère que la flexibilité du visa Schengen qui permet de se rendre dans toute la zone couverte par ce système en Europe devrait pousser à plus de souplesse dans la délivrance du fameux document. “J’ai essayé toutes les procédures alors que j’étais en fonction, l’organisation de rendez-vous permettait de mieux gérer le flux”, a souligné l’ancien consul général avant d’évoquer son expérience en Algérie : “Nous avons mis deux ans de négociations pour mettre en place un système qui a allégé le dossier de demande de visa ainsi que la liste des corporations dûment accréditées au niveau du consulat général et je pense que ce système fonctionne plutôt bien.”
Cependant, relève un expert qui a requis l’anonymat, “le risque lié à l’immigration clandestine dépend du profil du demandeur, mais c’est difficile de l’évaluer au moment du traitement du dossier. Ce qui fait que des erreurs sont imparables dans ce cadre”.
S. T.