Tlemcen garde encore ses atours de capitale de la culture islamique, mais perd un peu son statut de celle de la contrebande en tous genres et zone de transit de la drogue. Trafic de drogue, contrebande et immigration clandestine ont sensiblement diminué depuis le début de l’année.
La saison estivale a commencé sous de bons auspices. Port-Say, pour les anciens, Marsa-Ben-Mhidi pour les nouveaux et Abdelaziz Belkhadem qui en a fait sa destination estivale préférée ces dernières années, est prise d’assaut par les estivants sous l’œil vigilant des gendarmes et des gardes-frontières.
En face, Saïdia, la marocaine, bien visible avec les drapeaux, mais séparée de Port-Say pour des raisons “épidermiques” qui finissent souvent politiquement mal. Pour éviter toute friction et la réédition de l’affaire des scouts, l’an dernier, lorsque les louveteaux ont osé, pour prendre des photos, descendre dans le ruisseau ligne de démarcation entre l’Algérie et le Maroc avant de se faire prendre par les mekhaznis. La wilaya a décidé de poser un grillage pour délimiter le périmètre national à ne pas dépasser.
Le chantier visible de la séparation s’étend de la zone maritime frontalière jusqu’à l’embouchure de la rivière et le début de la frontière terrestre. Il ne s’agit pas d’un dispositif restrictif, précise-t-on, mais juste de prévenir les éventuels problèmes entre les estivants qui ne ratent pas une photo dans ce petit delta et les voisins d’en face. Les GGF avec pour mission de conseil le long du grillage en construction, veillent à rassurer les amateurs de la pellicule.
Port-Say et Saïdia se toisent
Cela dit, ce grillage n’a rien à voir avec la fantaisiste grille que met en place le Maroc qui prétend, pour plaire à ses financiers européens, lutter contre l’immigration clandestine et accessoirement contre le trafic de drogue. Mais les endroits choisis par le royaume pour placer ses installations sont bien loin des “couloirs” de passage des convois de drogue ou des migrants africains.
Sur la plage, une grande tente occupe, seule, un espace sans voisinage. Elle est la seule de cette dimension. C’est la tente de Belkhadem… accès interdit. Il est là, affirme un gendarme affecté à la sécurité de ce côté de la plage.
Entre Tlemcen et Marsa-Ben-Mhidi, le trajet paraît long, hormis le tronçon autoroutier qui va à Maghnia. La route est insuffisante pour contenir le flux incessant des voitures. Les localités de Boukanoune, Sidi-Boudjenane ou Sidi-Boussaïd sont devenues de grandes agglomérations avec une circulation intense. Calme total la journée et forte odeur de carburant le soir. Les hallaba (contrebandiers de carburant) continuent d’opérer malgré les nouvelles dispositions, le dispositif des GGF et les profondes tranchées creusées le long de la frontière.
Les quantités ont sensiblement diminué mais le trafic persiste, les auteurs s’ingéniant à contourner les obstacles. Mais ils ne peuvent plus utiliser les véhicules ou les bêtes pour acheminer la marchandise. Ils sont alors revenus au jerrican et au dos de l’homme pour le transport sur la bande frontalière avec le risque de tomber dans le fossé. Les gardes-frontières ont saisi, de janvier à juillet, près de 500 000 litres de carburant dans 507 affaires liées à la lutte contre la contrebande.
Cannabis – gasoil
D’en face, vient le produit exclusif : le cannabis dont le Maroc est le premier producteur mondial. D’ailleurs ses opérateurs sont passés à l’industrialisation des quantités. Ils utilisent les mêmes techniques que les contrebandiers. De petites quantités dissimulées dans des sacs à dos sont jetées dans les fossés que les vis-à-vis récupèrent. Sauf qu’ils doivent se mettre à plusieurs pour pouvoir éloigner et mettre à l’abri des regards la marchandise.
Ils ont introduit une autre facette dans ce “business” comme le prouvent les chiffres de la Gendarmerie nationale qui font ressortir pour la première moitié de l’année 2014 le démantèlement de 20 réseaux composés d’individus de différentes nationalités spécialisés dans ce trafic. Soixante-neuf personnes ont été arrêtées et 65 demeurent en fuite. La pêche a été très importante avec plus de 33 tonnes de kif traité, 161 grammes de cocaïne et 1 008 comprimés de psychotropes.
De quoi doper et anesthésier bien du monde. Il y a aussi et malgré les multiples contraintes, l’immigration clandestine qui attire encore quelques aventuriers, en quête d’un air européen, qui tentent le transit par Tlemcen avant de rejoindre les deux enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Depuis le début de l’année, la gendarmerie de Tlemcen a procédé à l’arrestation de 482 clandestins dont 126 ont été renvoyés dans leurs pays.
Sachet noir disparu
Retour dans la canicule tlemcénienne avec son ocre brouillard qui lui donne un air de faux Dublin. Une autre vie anime les hauteurs de Port-Say avec leurs petits villages accrochés aux flancs de cette montagne boisée de pins qui surplombe la mer. Au sommet, des familles ont investi le bois traversé par la route en travaux d’extension avec en prime un nouvel accessoire décoratif. Des millions de sachets bleus en plastique décorent cette nature que les pique-niqueurs en famille ignorent allégrement.
En quittant les lieux, des familles laissent derrière elles les vestiges de leur passage sous forme de petits tas en champignons bleus qui les redessinent dans des tons surnaturels. Le même décor accompagne le visiteur jusque plus bas, l’autre versant de Port-Say, à la plage de Bider. Mais pas de trace du sachet noir promis à la disparition. Disparu mais remplacé par son frère bleu.
Quelques tentes, des parasols et plusieurs familles profitent de cet endroit calme.
Elles viennent de partout, de toutes les régions du pays, dit un officier de gendarmerie commandant de l’unité de surveillance de cette région. Quelque 4 000 estivants fréquentent quotidiennement cette plage, dit-il en précisant que certains sont autorisés à camper. Mais les séjours des campeurs ne sont pas longs. Ses agents sont visibles partout. Les motorisés qui sillonnent la route, régulent la circulation en parallèle avec les barrages fixes placés tous les cinq kilomètres, les éléments de la brigade renforcée avec la mobilisation d’éléments qui sécurisent la plage et les estivants.
Aucun incident notable n’a été enregistré depuis l’ouverture de la saison, a indiqué l’officier. Mais la présence inhabituelle et le nombre de jet-skis ont de quoi inquiéter. D’autant que ces amateurs de sport extrême oublient souvent les limites de leur territoire et s’approchent des nageurs.
Côté jardin, tout n’est pas si plaisant. Les prix ont grimpé de manière vertigineuse. Les locations font un bond très dissuasif avec des pics qui rivalisent avec les 5 étoiles. Les produits alimentaires viennent derrière avec leurs ailes qui n’épargnent aucune bourse. Mais cela est une autre histoire.
D. B.