Jeudi, 21h50 au siège du ministère de la Solidarité nationale et de la Famille. Les journalistes s’apprêtent à monter dans les bus. Le mercure affiche 10°. Certains commencent déjà à tousser.
Destination Diar Rahma. A Birkhadem, des psychologues du Samu social attendent les journalistes pour le accompagner. La plupart des commerces sont fermés en cette nuit hivernale. Les hôtels aussi. Peu importe. Les sans-abris ne les fréquentent pas.
Un repas chaud pour résister à une nuit glaciale
« Soyez les bienvenus » nous lança, à l’entrée, le serveur du resto de Diar Rahma. Le jeune serveur a acquis de l’expérience au point de servir seul une trentaine de couverts, en quelques minutes. « Faites attention ! L’année passée une SDF m’a assommé avec une bouteille », avertit un journaliste. Les psychologues du Samu social arrivent. Ils ne s’assoient pas pour manger mais pour tout mettre au point. Le chargé de communication auprès du ministère, El Hachemi Nouri ainsi que le directeur du centre, Azazane Benouda, en profitent pour donner aux journalistes quelques chiffres concernant les sans-abris. « Êtes vous prêts pour l’aventure ? » lance un journaliste… 23h, les bus se dirigent vers Alger- Centre.
Des histoires qui se suivent…
Quelques minutes après le départ un des autobu tombe en panne. Il est sitôt remplacé. Le 1er arrêt est à Didouche-Mourad. Un sexagénaire dort sur des cartons. Il connait les psychologues, mais est effrayé par les journalistes. Après une brève discussion, le convoi poursuit son chemin. Le vieux a accepté une tisane chaude mais refuse de se rendre à Birkhadem. Les bus quelques mètres plus loin sont arrêtés par des jeunes du quartier. « Il faut que vous la preniez avec vous » nous disent-ils en nous montrant une SDF. « Je ne viens pas » dit-elle aux psychologues. « La fois passée on a pris bien soin de toi. Pourquoi tu ne viens pas ? » « Mes parents n’ont pas pris soin de moi. Comment pouvez-vous le faire vous ? » Lance-t-elle, elle traverse la rue en pleurant. « Laissez-moi tranquille » crie-t-elle. Elle est aussitôt suivie par les psychologues. « J’étais marié à un Syrien. D’ailleurs mes enfants vivent là-bas » explique-t-elle. « Elle ne va pas venir car elle a peur », note une psychologue. Le véhicule ne tarde pas à s’arrêter encore une fois pour faire monter plusieurs sans-abris. « Où est Farid ? » demanda l’un d’eux en grimpant à l’intérieur du bus. « Salut toi ! Mais tu as pris du poids Fouzi ! » lui dit une psychologue. Fouzi est un bon vivant mais il n’aime pas qu’on lui demande de raconter sa vie. Il prend place dans le bus et attend tranquillement. Quelques minutes après il accepte de parler de sa vie. « J’ai été contraint de quitter mon foyer à Batna pour des problèmes familiaux », a-t-il dit. Un autre demande café après avoir allumé une cigarette, il nous parle à cœur ouvert. « J’ai été abandonnée par ma mère à 6 mois parce que j’étais malade. J’avais des difficultés avec mon épouse alors j’ai décidé de la quitter pour que mes gosses vivent en paix. Je ne veux pas leur polluer la vie avec mon passé », dit-il poussant un long soupir. « Mais où est Farid ? », demande encore une fois Fouzi. « Ils ont ramené Kamel ! » annonce-t-il. « Tu es beau aujourd’hui (smina) », lui dit Kamel. « Bien sûr, aujourd’hui il y a des journalistes ! » lui répond en souriant Fouzi. « Kamel, qu’est ce qu’il t’est arrivé ?» Le bus reprend son chemin et d’autres sans-abri montent au fur et à mesure. Chlef, Ouargla, Mila, Oran et autres sont leurs villes natales. « Il y a des couvertures ? » demanda l’un d’eux. « Oui bien sûr » le rassure -t-on. « Je n’ai pas vus mes filles depuis 16 mois », dira un Oranais.
Sans-abris, un sort ou un choix ?
La tension monte à Abane-Ramdane. Heureusement qu’une patrouille de la Police est arrivée pour nous accompagner. Dès que les psychologues du Samu social s’approchèrent des sans-abris. Ces derniers prenaient la fuite. Ils ne veulent même pas prendre une boisson chaude. « Ils ont peut-être de la drogue sur eux et ont peur de se faire embarquer par la Police », suppose un psychologue. « Yema, ne vas pas avec eux », lança un sans-abri à sa mère qui hésite voulant vraisemblablement offrir un toit chaud à sa petite fillette. Pour la convaincre, son fils s’est mis à lacérer son corps à coups de lame à raser. décide un jeune du Samu. A la Place des martyrs, rares sont ceux qui acceptent d’accompagner les psychologues. « Allez-vous on. Laissez -nous dormir » lançaient-ils agressivement. Même topo e près du Commissariat central où plusieurs ont préféré rester « chez-eux ».
Reportage réalisé
par Ahmed Bouaraba