Virée au marché des fruits et légumes de Rovigo, Le gros dans le détail…

Virée au marché des fruits et légumes de Rovigo, Le gros dans le détail…

Hormis la pomme de terre qui maintient toujours son prix relativement élevé, au marché de gros de Rovigo, tout le reste des légumes et fruits est affiché à des prix nettement abordables. Cependant, le citoyen ne bénéficie toujours pas de cette clémence car chez le détaillant la réalité est tout autre…

Jeudi 26 juillet 2012, à l’heure du s’hor. Dans le plus grand marché de gros de fruits et légumes en Algérie, connu sous le nom colonial Rovigo, (aujourd’hui commune de Bougara, à Blida), les prix pratiqués ne reflètent guère la réalité à laquelle font face les ménagères, notamment depuis le début de Ramadhan.

Abordable

Ici, hormis la pomme de terre qui s’impose encore comme la “reine du marché”, les prix de gros des légumes les plus prisés par les Algériens, tels que l’oignon, l’ail, la tomate, la carotte, les piments et les poivrons, la courgette, la salade, le concombre ou encore l’aubergine, ne peuvent être qualifiés que d’abordables par rapport à ceux pratiqués il y a peu de temps.

Tenez-vous bien, le premier choix des tomates, des courgettes et d’oignons, est cédé au maximum à 25 DA. Les prix de la salade, le concombre et la carotte oscillent entre 20 et 40 DA, selon la qualité de la marchandise. Les piments et les poivrons ne dépassent pas les 50 DA. Tandis que l’aubergine est cédée à seulement 10 DA ! Tous ces prix sont pratiqués aux heures de pointe quand des milliers de détaillants envahissent le marché à partir de 3 heures du matin.

Le flux des commerçants se poursuit généralement jusqu’à 10 heures. Cependant, le marché de Rovigo ne ferme jamais ses portes. Au milieu de la journée, les prix connaissent une baisse encore plus sensible. Parmi les tonnes de marchandises qui s’y “déversent” progressivement, certaines n’y trouvent même pas preneurs pour être parfois, proposées en… cadeaux pour les fidèles ! “Admirez bien la qualité de ce concombre ; c’est l’une des meilleures qualités, mais devant les grandes quantités disponibles au marché, je suis obligé de le céder au plus bas prix, voire même le jeter… pour autant veuillez charger ce que vous désirez”, nous invite généreusement un mandataire venu de Aïn Defla, qui passe sa troisième nuitée à Rovigo.

Quelle sera la réponse de ces innombrables pères de famille qui auraient oublié déjà depuis longtemps ce légume proposé souvent à plus de 50 DA, par les détaillants qui peuplent de plus en plus les quartiers de toutes les villes algériennes ? Qu’à cela ne tienne.

Le détaillant pointé du doigt

Le comble est que malgré les prix de gros abordables de plusieurs autres légumes indispensables, le panier de la ménagère reste encore otage des prix pratiqués par les commerçants de détail.

Dans ce marché national de gros s’étendant sur une superficie de plus de 5 ha, tout comme les légumes, les fruits n’ont pas la cote également. Les pommes locales de bonne qualité ne dépassent pas les 30 DA, alors que la pastèque, le cantaloup et le melon sont respectivement cédés à 25 DA, 30 ou 40 DA, et 50 DA.

Chez les mêmes grossistes, les prix du raisin, le cardinal, varient selon la qualité, entre 60 et 70 DA. Le fruit le plus demandé durant le mois de Ramadhan, à savoir la datte est, quant à lui, proposé à 100 DA pour la qualité moyenne, et à 230 DA pour la meilleure. Pourquoi alors le citoyen paye le double, voire le triple pour s’approvisionner chez le détaillant ; ce “petit” commerçant du quartier ?

À cette question, les grossistes qui ne sont pas moins affectés par cette réalité du fait que la pratique des prix élevés par les détaillants se répercute aussi négativement sur eux, n’hésitent pas à pointer du doigt les services de contrôle de l’État. “Si les détaillants fixent les prix à leur guise, c’est parce qu’il n’existe point de contrôle dans ce pays”, regrette un marchand grossiste, venu de la wilaya de Relizane. “Aujourd’hui, chacun des commerçants est libre de fixer le prix qu’il veut. La régulation du marché faisant cruellement défaut. Si contrôle il y avait, le citoyen pourrait se permettre le luxe de tous les produits. Vous voyez bien que les prix de gros sont très abordables”, renchérit son voisin, vendeur de maraîchers diversifiés.

Le même esprit de désolation anime le reste des mandataires ainsi que le gestionnaire de ce marché de gros. À la tête de l’entreprise de gestion du souk de Rovigo, durant les cinq dernières années, le locataire Mourad Hatoum se dit qu’(il) “n’a jamais compris comment, ni qui fait flamber les prix à l’extérieur”. “Vous voyez bien que les prix sont abordables ici, mais la réalité est tout autre chez le détaillant. Ma seule explication, c’est qu’il n’y a aucun contrôle des prix”, dénonce-t-il.

“C’est bien dommage de constater que, de nos jours, un détaillant gagne plus que le fellah qui produit, et beaucoup plus qu’un grossiste, premier maillon de la chaîne de distribution des marchandises”, déplore pour sa part, B. Seddiki, mandataire qui fréquente Rovigo depuis 1978.

La pomme de terre, reine du marché

À la question de savoir pourquoi seule la pomme de terre, ce tubercule le plus consommé par les Algériens, garde toujours son statut de “reine du marché”, ce vieux routier de Mascara explique le prix encore élevé de la pomme de terre par plusieurs paramètres. C’est dû d’abord, dit-il, au manque, notamment en ce mois de Ramadhan, de main-d’œuvre d’arrachage de la pomme de terre dans les fermes. Aussi, ajoute-t-il, les fellahs n’ont pas les moyens de s’offrir les machines conçues pour cette même opération.

La machine d’arrachage de pomme de terre coûte environ 150 millions de centimes.

En revanche, beaucoup de marchands pensent que c’est le système de régulation des produits agricoles à large consommation, (Syrpalac), dispositif mis en place pour pallier la faiblesse de l’offre sur le marché, qui “encourage les producteurs et autres magnats de la pomme de terre à stocker d’énormes quantités dans les chambres froides pour maintenir son prix toujours élevé”. L’appel est désormais lancé aux autorités compétentes…

Repères :

10 000, c’est le nombre de marchands qui fréquentent quotidiennement le marché de Rovigo.

Le marché s’étend sur une superficie de 5 hectares.

140 agents assurent la sécurité du marché.

19 milliards de centimes, tel est le prix annuel de la location du marché.

Les travaux de réfection du marché ont coûté 19 milliards de centimes.