“En 24 heures, 1.300 personnes ont été tuées à Tripoli », a indiqué Moussa Ibrahim, lors d’une conférence de presse. Sur le terrain et après quelques heures d’une relative accalmie, de violents combats opposaient hier matin à Tripoli rebelles et forces loyales au colonel Maammar El-Guedaffi qui serait retranché dans sa résidence de Bab Al-Aziziya.
Progressant sur plusieurs axes, les rebelles ont réussi dimanche, après une série de victoires, à investir la capitale libyenne et à en occuper plusieurs quartiers, contraignant les troupes gouvernementales au repli. Le colonel El-Guedaffi, qui a affirmé dimanche dans un nouveau message sonore diffusé par la télévision libyenne, qu’il ne se rendrait « jamais », se trouverait toujours dans sa résidence, selon un diplomate cité hier par les médias. « Il est toujours à Tripoli et serait actuellement dans sa résidence de Bab Al-Aziziya », a affirmé ce diplomate sous couvert de l’anonymat. Le dirigeant libyen a réitéré dimanche qu’il ne se rendrait pas et qu’il n’abandonnerait pas Tripoli. « Nous ne nous rendrons pas. Nous n’abandonnerons pas Tripoli aux occupants et à leurs agents. Je suis avec vous dans cette bataille », a dit le colonel El-Guedaffi.
« Nous ne nous rendrons jamais et nous sortirons victorieux », a-t-il ajouté. Selon des journalistes, des combats se déroulaient également dans le sud de la capitale et depuis 6 h (4 h GMT), des bruits d’affrontements à l’arme légère et à l’arme lourde étaient entendus en provenance de cette zone. Avant l’aube, des tirs de pistolets-mitrailleurs étaient également entendus tout près de l’hôtel Rixos, où est logée la presse internationale et dont les alentours sont gardés par des fidèles du colonel El-Guedaffi.
Selon des témoins cités par les médias, des affrontements entre rebelles et forces loyalistes se déroulaient aussi dans plusieurs quartiers du centre-ville, notamment du côté du port. Sur le plan diplomatique, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) devait tenir une réunion d’urgence hier consacrée à la situation en Libye, a annoncé le porte-parole de la commission de l’UA, Noureddine Mezni. « Le principal objectif est d’engager des discussions avec toutes les parties en Libye, engager un dialogue pour trouver des solutions pacifiques à cette situation », a-t-il ajouté cité par des médias.
La Ligue arabe exprime son soutien aux rebelles libyens
Le secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil al-Arabi, a exprimé hier le soutien de l’organisation panarabe aux rebelles libyens
M. Arabi a affiché dans un communiqué sa « totale solidarité avec les efforts en cours menés par le Conseil national de transition (CNT) », organe politique de la rébellion. Il lui a « souhaité de réussir à mener à bien une nouvelle ère et à préserver l’intégrité régionale de la Libye ainsi que sa souveraineté et son indépendance ».
Obama : “Le régime libyen a atteint le point de non-retour”
Le régime du colonel Maammar el Guedaffi a atteint « le point de non-retour » et il doit partir pour éviter un bain de sang, a déclaré dimanche le président américain Barack Obama. Dans un communiqué M. Obama a également appelé les rebelles libyens, qui sont entrés dans Tripoli dimanche, à respecter les droits de l’homme, préserver les institutions de l’Etat et marcher vers la démocratie.
La CPI et les rebelles discutent du “transfèrement de Seif al-Islam”
La Cour pénale internationale (CPI) et les rebelles libyens menaient hier des discussions au sujet du transfèrement aux Pays-Bas de Seif al-Islam, un des fils du dirigeant Maammar El-Guedaffi, arrêté dimanche à Tripoli par les rebelles, a annoncé le porte-parole de CPI, Fadi El-Abdallah. « La Cour dans son ensemble est impliquée », a déclaré M. Abdallah. Interrogé par des médias sur la confirmation que la CPI et les rebelles menaient des discussions sur le transfèrement de Seif al-Islam, le porte-parole a répondu : « Oui ».
Les pièges de Bab Al Aziziya
Le soutien international qui s’exprime à l’égard du CNT, réussira-t-il à faire de celui-ci le seul interlocuteur politique sur la scène libyenne.
Finalement, les premiers verrous de Bab El Aziziya ont sauté sous les coups de boutoir de la rébellion venue de l’Est et le déluge de feu tombé du ciel par la grâce de l’aviation de l’Otan. Après presque 6 mois (15 février début de la rébellion), d’intenses pilonnage et des tonnes de bombes larguées, le glas a sonné pour le Guide libyen de quitter un règne sans partage qui a duré 42 ans.
L’ère El Guedaffi prend, donc, fin dans un bain de sang collectif jamais connu jusqu’à présent. On parle même de plus de 1.300 personnes tuées en 24 h. Cependant, prendre le symbole du pouvoir ne veut pas dire en jouir forcément immédiatement. Le chemin de la paix reste encore long. Les milliers d’hommes qui ont voué leurs âmes au leader encore retranché dans son bunker, constituent l’avant-dernier rempart vers la paix civile car, il en existe un dernier… et de taille : la configuration sociale de la Libye. L’influence tribale est telle qu’il ne saurait y avoir un pouvoir stable sans le consensus entre les tribus les plus influentes.
Et là, le rêve de paix, de justice et de démocratie, longtemps caressé par ce peuple, risque de n’être qu’un mirage. D’ailleurs, la crainte du moment chez les Occidentaux est de voir le pays sombrer encore une fois dans le chaos faisant planer le spectre de la partition entre l’Est et l’Ouest.
Les premiers, en évoquant la légitimité révolutionnaire, s’empresseront d’imposer un schéma de dialogue qui risque fort bien de ne pas être du goût des tenants des traditions ancestrales et donc des maîtres de l’organisation traditionnelles sur laquelle repose le fonctionnement de la société tout entière.
La transition qui s’installera une fois que le sort de Maammar El Guedaffi et de ses enfants sera scellé, véhiculera sans doute beaucoup d’incertitudes exprimées d’ailleurs par certaines capitales occidentales. Le soutien international qui s’exprime à l’égard du CNT, réussira-t-il à faire de celui-ci le seul interlocuteur politique sur la scène libyenne. Rien n’est sûr. Bab Al Aziziya contient aussi d’autres verrous qu’il va falloir ouvrir sans forcer la serrure. Pour cela il va falloir étaler tout le génie que contient l’art de la politique.
M. T.