La Calabre a été le théâtre de manifestations violentes d’ouvriers étrangers et de représailles encore plus brutales de la population.
A Rosarno, dans la province de Reggio de Calabre au sud de l’Italie, des affrontements violents ont eu lieu dans la nuit de vendredi à samedi opposant des habitants de la petite ville à des ouvriers agricoles étrangers.
Ils seraient chaque année quelque 4.000 à affluer dans cette ville de 16.000 habitants, pour la plupart immigrés clandestins et employés de façon illégale, pendant deux mois, pour la récolte des agrumes cultivés dans la région.
Selon la CGIL, le premier syndicat italien et le Haut Commissariat aux Réfugiés de l’ONU, ils y travaillent « pour des salaires de misère », dans des « conditions de vie inhumaines ».
Jeudi soir, des centaines de ces ouvriers ont manifesté dans les rues de Rosamo, dénonçant les tirs de fusil à air comprimé dont certains d’entre eux avaient été victimes.
Les ouvriers mettant le feu à des voitures et brisant les vitrines des magasins, la manifestation a dégénéré en affrontements avec les forces de l’ordre.
Hier vendredi, l’affaire a viré à la vendetta raciste quand des habitants de la ville, en ordre dispersé, se sont livrés à une véritable « chasse aux immigrés ».
Deux ouvriers agricoles ont ainsi été gravement blessés par des coups de barres de fer, deux autres ont été atteints aux jambes par des tirs de fusil de chasse, cinq autres enfin ont été délibérément fauchés par des voitures.
En deux jours, le déluge de violence a fait 38 blessés, dont 20 travailleurs immigrés et 18 agents de police.
Depuis, le gouvernement italien a renforcé les effectifs policiers de plus de 200 personnes, indique le Corriere della Sera. D’après le quotidien italien, les forces de l’ordre quadrillent Rosamo avec un double objectif : « renforcer le contrôle du territoire et préparer la possible évacuation des immigrés ».
Tandis que dans la nuit, environ 300 étrangers ont été acheminés à 170 km de là, au centre d’accueil d’urgence de Crotone, 150 autres devraient les rejoindre aujourd’hui et des centaines devraient être transférés à Brindisi et Bari, dans la région des Pouilles.
Un calme relatif a été rétabli dans la ville : les habitants de Rosamo ont levé le siège de la mairie ainsi que les barricades qu’ils avaient érigées dans la ville. Ce matin, les commerces ont rouvert.
Parmi les premières réactions à ces évènements, on notera les déclarations au journal La Stampa du prêtre don Luigi Ciotti, le fondateur de l’association antimafia Libera, qui dénonce l’empreinte de l’organisation criminelle.
Pour lui, « la mafia, qui contrôle le territoire, exploite les immigrés avec cynisme et une détermination impitoyable. Les cerveaux criminels savent que les immigrés clandestins ne peuvent même pas tenter la rébellion, car ils sont privés de documents d’identité et donc de la protection de l’Etat ».
Sur un autre ton, dans les colonnes du quotidien de droite Il Giornale appartenant à la famille Berlusconi, l’éditorialiste clame que « cette fois-ci ce sont les noirs qui ont raison » et d’expliquer que les clandestins ne devraient pas être admis en Italie, mais « une fois qu’ils y sont, on ne peut pas les exploiter de manière honteuse et leur tirer dessus pendant qu’ils font les travaux que (les) chômeurs dédaignent. »