La violence pratiquée contre les femmes est un fléau social qui existe depuis la nuit des temps et n’est certes pas propre à l’Algérie. Mais en Algérie, il est aggravé par un vide juridique décrié depuis des années par des associations féminines et des organisations des droits de l’Homme et de la famille. Un phénomène également cautionné par la société, voire même la famille, qui tolère et justifie la violence contre les femmes.
Invitée à la Radio nationale, Chaîne III à l’occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, Mme Souad Bendjaballah, ministre de la Solidarité nationale et de la Famille, questionnée sur l’éventualité d’amendement du code de la famille, tel que demandé par les associations féminines pour l’introduction d’une loi-cadre plus répressive afin de réduire le phénomène de la violence contre les femmes, a rétorqué qu’«un texte par essence est amendable», dont le code de la famille. Et de poursuivre que «le Conseil national de la famille, opérationnel depuis 2009, a engagé des réflexions sur des sujets portant directement atteinte à la cohésion sociale».
La première concerne la création d’un fonds destiné aux femmes qui ne percevaient pas leurs pensions alimentaires. La 2e est engagée sur la question de la garde du domicile conjugal en cas de divorce. Le mariage précoce contracté en dehors de l’âge légal est le troisième volet examiné au niveau dudit conseil qui, étant un cadre de concertation, «reste ouvert à toute proposition».
La violence pratiquée contre les femmes est un fléau social qui existe depuis la nuit des temps et n’est certes pas propre à l’Algérie. Mais en Algérie, il est aggravé par un vide juridique décrié depuis des années par des associations féminines et des organisations des droits de l’Homme et de la famille. Un phénomène également cautionné par la société, voire même la famille, qui tolère et justifie la violence contre les femmes.
Des dizaines de femmes, rouées de coups, défigurées, se présentent quotidiennement au service de Médecine légale au niveau des différents hôpitaux, avec de graves lésions. Un véritable drame social et médical.
En Algérie, des statistiques de 2012, fournies par les services de police et de gendarmerie, indiquent que 8 500 femmes ont subi des violences, du moins celles qui ont décidé d’aller vers le commissariat ou le tribunal, 260 parmi elles ont perdu la vie. Un chiffre très loin de refléter la réalité puisque beaucoup de femmes sont contraintes au silence, non qu’elles ne connaissent pas leurs droits, mais bien souvent par peur de récidive, de rejet familial…
Les associations féminines veulent «exhumer» la loi-cadre sanctionnant les violences à l’encontre des femmes
Aujourd’hui, face à ce fléau sociétal qui touche toutes les catégories sociales, les associations féminines, corps médical notamment, appellent les femmes en situation de détresse à sortir de leur mutisme, à libérer la parole pour lutter contre les violences. Pour leur part, les associations féminines, à l’instar du collectif «Stop à la violence ! Les droits aux femmes maintenant», du réseau Wassila et de l’Association pour l’émancipation de la femme (AEF) sont revenues à la charge cette année pour appeler une fois de plus, à l’occasion d’une randonnée pédestre au parc zoologique de Ben Aknoun (Alger), à «relancer la collecte des signatures afin de réactiver le projet, mais aussi d’impliquer toute la société», a fait savoir Mme Soumia Salhi, syndicaliste et présidente de AEF, au sujet de la proposition de loi «signée en janvier 2012 par 40 députés au niveau de l’Assemblée (APN) et qui avait été entérinée par le bureau de cette institution législative sans, toutefois, être soumise à la plénière».
En effet, elles ont appelé à l’enrichissement de l’arsenal juridique, notamment par l’élaboration d’une loi-cadre dissuasive, plus répressive pour réduire le phénomène de la violence contre les femmes. Et pour cause, «la législation actuelle n’est pas suffisante pour contrer le phénomène. Les statistiques sont là pour le prouver et pour cela, nous nous mobilisons pour exhumer la proposition de loi, afin de lutter contre les violences faites aux femmes», a estimé Mme Soumia Salhi. Mme Chitour Fadhéla, médecin au sein du réseau Wassila, a insisté, de son côté, sur la nécessité de mobiliser la société civile afin que les auteurs de ces violences «ne bénéficient plus de l’impunité» et pour que la violence conjugale devienne un «délit puni par la loi». La présidente du réseau Wassila, Mme Dalila Lamarene, a estimé, pour sa part, que la violence faite aux femmes exige une «législation particulière englobant tous les aspects».
Pourtant, la promulgation d’une loi-cadre dédiée à la violence faite aux femmes ne fait pas l’unanimité, estimant que «créer une loi propre aux femmes est en soi une discrimination» à l’égard des femmes. Dans ce contexte, Me Benbraham, intervenant sur la Radio nationale, considère que «les textes qui répriment la violence existent mais ne sont appliqués qu’en partie». Pour l’avocate, au lieu d’une loi-cadre il faudrait aller plutôt vers un texte juridique «interdisant l’exercice du droit civique aux personnes reconnues violentes en dépit d’une apparence calme».
Certes, le code pénal algérien, pour peu qu’il y ait plainte déposée, prévoit des sanctions à l’encontre de tout individu à l’origine de coups et blessures. Il consacre plusieurs articles aux «crimes et délits contre la famille et les bonnes mœurs». A ce sujet, il faut reconnaître la prise de conscience des Algériennes qui de moins en moins supportent cette violence qu’elle qu’en soit la forme, commencent à briser le tabou. En effet, elles sont nombreuses à avoir le courage d’aller dénoncer leur agresseur ou d’entamer des procédures pénales contre leur mari lorsqu’il s’agit de violence conjugale.
Par Lynda Naili Bourebrab