Ali Zeidan ou l’impuissance du gouvernement libyen à mettre un terme aux exactions des milices qui règnent par la terreur sur le pays
Des Tripolitains observaient hier une grève générale, sur fond d’appel à la désobéissance civile, pour dénoncer les violences meurtrières des deux derniers jours qui risquent de plonger le pays dans la guerre civile.
Une manifestation à Tripoli vendredi contre une milice a dégénéré en affrontements armés ayant fait 40 morts, les plus meurtriers dans la capitale depuis la chute du régime de Mouamar El Gueddafi en octobre 2011. Hier, la situation était calme dans la banlieue-est de la capitale, théâtre d’affrontements samedi, quand des groupes armés de Tripoli ont empêché des miliciens de la ville de Misrata (200 km à l’est de Tripoli) d’entrer dans la capitale. Des négociations étaient en cours pour convaincre ces miliciens, actuellement stationnés à une soixantaine de kilomètres à l’est de Tripoli, de «rentrer chez eux», selon des responsables locaux. Les violences avaient éclaté vendredi quand une milice originaire de Misrata, installée dans le quartier de Gharghour dans le sud de Tripoli, avait tiré sur des manifestants pacifiques venus réclamer son départ de la capitale.
En représailles, des hommes armés ont attaqué le QG de cette milice, au prix d’affrontements qui ont fait au moins 43 morts et plus de 450 blessés, selon le ministère de la Santé. D’autres milices de Misrata ont ensuite tenté samedi de venir à sa rescousse. Ces affrontements font craindre une guerre civile dans un pays où de nombreuses milices se sont constituées sur une base régionale, comme celle de Misrata, ou sur des bases idéologiques comme c’est le cas pour les salafistes d’Ansar al-Chari’â. Le Conseil local de Tripoli (mairie) avait annoncé samedi soir une grève générale de trois jours dans la capitale libyenne «en signe de deuil» et de solidarité avec les familles des victimes de vendredi. Avant cela, des habitants de la capitale, exaspérés par les exactions des milices, avaient appelé samedi à la désobéissance civile, érigeant des barricades sur d’importantes artères et brûlant des pneus.
Dans la vieille ville et au centre de Tripoli, ainsi que dans les banlieues de Fachloum, Tajoura (est) et de Janzour (ouest), les magasins ont laissé leurs rideaux baissés hier, à l’exception de quelques commerces alimentaires et cafés, selon l’AFP. Les banques ont fermé leurs portes, ainsi que la plupart des écoles et des universités, bien que le ministère de l’Enseignement eut averti samedi que les cours devaient reprendre normalement après le week-end (vendredi et samedi).
«Malheureusement, plusieurs écoles ont fermé aujourd’hui», a indiqué à un porte-parole du ministère de l’Enseignement, sans pouvoir préciser la proportion des grévistes. «Les événements de ces derniers jours (…) illustrent l’étendue des actes irresponsables des milices (…) et l’incapacité du gouvernement à les contrôler», a estimé Hanan Salah, représentante de Human Right Watch en Libye.
Déplorant l’impunité des milices en raison des dysfonctionnements du système judiciaire libyen depuis l’insurrection de 2011, Mme Salah a estimé que «la priorité pour les autorités est maintenant d’avoir une emprise sur ces groupes rebelles, les désarmer (…) et leur demander des comptes pour les crimes commis». «Sinon, il y a un risque réel d’une escalade de la violence», a-t-elle encore dit Les Etats-Unis se sont dits samedi «profondément inquiets» de ces affrontements, exhortant «toutes les parties à la retenue». Le gouvernement a appelé à un cessez-le-feu entre les milices, qu’il peine à contrôler, faute de police et d’armée professionnelles. Dans son communiqué, le Conseil local de Tripoli a appelé les habitants de la capitale «au calme et à la retenue», les invitant à donner une chance à des médiations en cours en vue de mettre fin aux violences. Sadat al-Badri, président du Conseil local, avait appelé dès vendredi à la désobéissance civile jusqu’au départ des milices armées de la capitale.
Les Tripolitains protestent régulièrement contre la présence de factions armées. Venues d’autres localités, elles avaient participé à la libération de Tripoli en août 2011, mais, profitant du vide sécuritaire, n’ont pas quitté la capitale.