Insultes, obscénités et surtout bagarres parfois sanglantes sont devenues monnaie courante dans et autour de nos stades. Dans leur folie dévastatrice, les uns et les autres ont fini par totalement oublier les fondements même du sport et sa raison d’être : créer et encourager un esprit sain de compétition et apprendre à cohabiter dans le respect et la tolérance.
Le match bat son plein et l’on s’achemine vers la fin de la rencontre. L’équipe locale est menée au score. Son entraîneur à bout de nerfs sur la main courante fustige l’arbitre. Dès le coup de sifflet final, il traverse le terrain en courant pour «s’expliquer» avec le directeur de jeu au milieu de ses joueurs.
Il retourne vers les tribunes et fait un bras d’honneur aux milliers de spectateurs. La galerie s’enflamme et les chaises volent. C’est l’une des scènes à laquelle nous ont habitués les acteurs du football national. Triste image de notre football.
C’est un footballeur qui a contribué énormément à la formation de jeunes footballeurs en herbe qui nous explique ce phénomène qui commence dans les vestiaires avant de s’étendre à la rue. «Dans mon club, comme presque partout ailleurs, ce n’est pas l’entraîneur qui s’adresse aux joueurs, mais c’est le président. Ce dernier, parfois inculte en matière de football, recherche la victoire à tout prix.
Il use d’un langage qui fait de l’adversaire un ennemi qu’il faut abattre», dit-il. Notre interlocuteur raconte une anecdote qui laisse pantois. «Le président de mon club à la veille d’une rencontre capitale disputée chez l’adversaire, avait mobilisé un groupe de jeunes délinquants pour envahir la pelouse dès le début de la rencontre.
Il nous dit : «Comme ça l’arbitre va mettre un terme à la confrontation en notre faveur.» «Ce jour-là, la ville qui a abrité cette rencontre s’est transformée en un véritable Kosovo», témoigne-t-il. Ce que ne comprend toujours pas notre interlocuteur, ce sont les déclarations à la presse de celui qui est la tête pensante de ce carnage qui a fait plusieurs blessés, un peu plus d’une dizaine d’arrestations et des dégâts matériels importants au niveau de l’enceinte sportive et dans la ville. «L’aberration est que notre président parlait à la presse de guet-apens, de menaces de mort par les dirigeants et les supporters locaux. Du n’importe quoi pour justifier son impuissance à éviter sportivement le purgatoire à notre équipe», dit-il encore.
Un témoignage parmi tant d’autres qui donne un aperçu sur la gestion de notre football, lequel est tombé dans les méandres de la médiocrité depuis les années quatre-vingt-dix. Les responsables fédéraux de l’instance sportive, face à nos championnats qui claudiquent, allant cahin-caha à travers des journées qui s’achèvent toujours par des échauffourées, se contentent de sanctionner les clubs par des huis clos, des amendes et des suspensions de terrain avant que la violence ne reprenne le dessus le week-end suivant.
R. K.