La problématique de la violence dans les stades algériens reste plus que jamais posée, les instances concernées peinant, de toute évidence, à imaginer des solutions efficaces à une question qui commence à susciter le ras-le-bol des vrais amoureux du jeu à onze.
Kamel A., la cinquantaine alerte, est un fan de l’AS Khroub. D’un air dépité il parcoure, sur un quotidien spécialisé, les comptes-rendus d’incidents ayant récemment émaillé les rencontres CS Constantine-ASM Oran et RC Kouba-NA Hussein-Dey, du championnat de Ligue 2.
«Il semble bien loin le spectacle de joueurs de football se congratulant à la fin d’un match, échangeant leur maillot et saluant l’arbitre sous les acclamations du public», regrette-t-il. Ce qui est moins rare, ajoute-t-il avec un air de désenchantement, est de voir, dès le coup de sifflet final d’une rencontre, une escouade d’éléments du service d’ordre accourir vers l’arbitre pour le protéger d’une sortie difficile vers les vestiaires, surtout si l’équipe locale n’a pas réalisé le résultat escompté.
Dirigeants, supporters, entraîneurs, joueurs, plus personne n’est à l’abri, déplore-t-il encore, notant que chaque rencontre (ou presque) apporte son lot de victimes de comportements violents dans les stades, peu importe la division où l’on évolue. Ce sont toujours les mêmes scènes qui tendent à se répéter : arbitre houspillé, voire tabassé, joueurs qui en viennent aux mains, jets de projectiles, envahissements de terrain. Même le service d’ordre n’est pas épargné.
Il est dommage de constater qu’en Algérie, les stades sont devenus pratiquement infréquentables, des endroits à hauts risques. Il est vraiment loin ce temps où nos stades accueillaient les amoureux de la balle ronde, venus apprécie les exploits et les beaux gestes techniques.
Il y a avait certes beaucoup de rivalité, surtout lors des derbies, les taquineries entre supporters étaient légion, mais cela dépassait rarement le cadre sportif, indique encore Kamel.
Pour Abdelhamid Dehamchi, président de la Ligue régionale Est de football, lui-même ancien arbitre, pour éradiquer ce phénomène, il faudrait peut-être penser à mettre en place, au niveau de chaque club de football, un comité de supporters dirigé par une personne de bonne moralité, «Peut-être, considère-t-il, que cela éviterait que les supporters demeurent livrés à eux-mêmes, sans aucun encadrement.» Il considère que cela constitue un «début de solution, même si, soutient-il, les principaux instigateurs sont souvent les dirigeants de club qui cherchent à tout prix le résultat et se laissent aller à des déclarations qui ne peuvent qu’accentuer la pression et échauffer les esprits. Il serait sans doute judicieux de commencer à travailler de ce côté-là».
Le président du conseil d’administration du CS Constantine, Yacine Fersadou, pour qui le problème est d’ordre socio-sportif, estime pour sa part qu’il est nécessaire de créer un esprit de fête dans les enceintes sportives.
Pour Fersadou, il faut donner de l’importance à tout ce qui entoure une rencontre de football afin que le supporter soit vraiment mis dans des conditions idéales pour suivre le match, avec une bonne qualité de service pour lui éviter au maximum le stress. Pour son collègue du MO Constantine, Kamel Bellara, «il faut impérativement bannir le chauvinisme primaire. Cela passe, selon lui, par inculcation de l’esprit sportif, d’abord en direction des joueurs, et ce, dès leur jeune âge».
Ce dirigeant relève que lorsqu’un footballeur ne respecte pas l’arbitre, s’en prend à lui, il est automatiquement suivi par le jeune supporter pour qui l’homme en noir est la source de tous les maux de son équipe préférée, d’où, ajoute-t-il, le rôle éminemment important du joueur sur le terrain. «Vous verrez que lorsque le joueur admettra que le football est avant tout un jeu et un moyen de rapprochement, quand il apprendra à accepter la défaite, on aura fait un grand pas vers le bannissement des comportements violents», ajoute M. Bellara. Des supporters approchés ne sont pas loin de partager tous ces avis.
Karim Omamar, jeune fan du CSC, cloue au pilori le comportement de certains dirigeants qui appellent à la vendetta, et celui des joueurs sur le terrain dont l’attitude déteint sur celle des supporters dans les gradins.
Il est relayé par son ami Mourad Aissani, fervent, lui, du Mouloudia de Constantine, qui estime que parmi les éléments déclencheurs de violence figure la pression exercée sur les joueurs, parfois menacés de ne pas toucher leur paie, les poussant à un comportement parfois indigne sur le terrain.
Les consignes données par de soi-disant éducateurs dans les vestiaires, ajoutées au comportement à la limite de la délinquance de certains dirigeants, le tout exacerbé par le ton quelquefois provoquant d’une certaine presse dite spécialisée qui ne pense qu’à vendre du papier, ne font qu’augmenter la pression et titiller le chauvinisme latent de jeunes désœuvrés qui gagneraient beaucoup à être orientés, estime Brahim H. (59 ans) qui avoue avoir définitivement rompu avec les travées des stades depuis 1982.
Il considère pourtant que la violence dans les arènes sportives n’est pas une fatalité. Il est nécessaire, selon lui, que les instances concernées se creusent encore plus la tête pour trouver quelque chose, pourquoi pas, de plus radical que la mesure condamnant des clubs à jouer des matches à huis clos.
Une sanction, ajoute Brahim, qui a montré ses limites, comme le démontrent les incidents de vendredi dernier au stade Hamlaoui de Constantine, avec à la clef la blessure d’un gardien de but et d’un élément de la Protection civile, et cela en l’absence du public.