Dans ses premières conclusions relatives à la thématique de la violence contre les femmes, Rashida Manjoo, rapporteuse spéciale des Nations unies, a souligné l’invisibilité du phénomène en l’absence de plaintes et de signalements, et que la loi du silence ne protège pas ces victimes.
En Algérie dans le cadre d’une enquête d’évaluation de la situation des violences à l’égard des femmes, la rapporteuse onusienne Rashida Manjoo a présenté, dans un point de presse tenu au siège de l’APS, sa première lecture basée sur les informations recueillies durant sa mission de neuf jours, tandis que le rapport finalisé de l’enquête sera exposé en juin 2011 au Conseil des droits de l’homme des Nations unies.
Après avoir eu des entretiens avec des femmes victimes de la société civile et des représentants de différentes organisations et institutions en rapport avec la thématique, la rapporteuse spéciale des Nations unies note, dans une évaluation globale, une évolution en matière de lutte contre la violence envers les femmes. Mais en dépit de cela, des progrès restent à faire.
Elle ajoutera que «l’Algérie prend son engagement international très au sérieux, il y a un travail en cours». Mme Manjoo soulignera que son enquête tient compte du contexte historique, socioculturel de la société algérienne, c’est pourquoi elle n’a pas jugé utile d’établir une quelconque comparaison avec d’autres pays.
La conférencière a mis l’accent sur «l’invisibilité de la violence contre les femmes» sur le plan judiciaire. Les femmes préfèrent passer par d’autres voies que celle de la loi pour réagir aux violence qu’elles subissent dans leur famille ou dans le cadre du travail. C’est la résignation des victimes qui complique la lutte contre le phénomène de la violence et qui confine les femmes dans un silence dicté par des tabous propres à notre société.
Toutefois, souligne la rapporteuse spéciale des Nations unies, le débat devrait s’intensifier entre la société civile et l’Etat pour que les autorités publiques prennent en charge effectivement les victimes de la violence. Outre la résignation des victimes qui ne déposent pas de plaintes contre leurs agresseurs, l’experte Manjoo déplore l’absence de statistiques sur la violence contre les femmes.
Elle plaidera dans ce contexte pour la vérification des chiffres au même titre que l’ouverture de débat et la communication sur la violence à l’égard des femmes. Sans citer les cas de victimes avec lesquelles elle s’est entretenue durant sa mission, Mme Manjoo a estimé que la violence domestique constitue la forme la plus récurrente en Algérie.
A cela s’ajoute la violence dans les lieux publics, au travail, et le harcèlement sexuel en tant que facette de la violence à l’égard des femmes. S’exprimant sur la question des femmes agressées à Hassi Massoud, Mme Manjoo a indiqué qu’elle n’a pas rencontré ces victimes lors de son déplacement à Hassi Massoud. «J’ai reçu des déclarations contradictoires, et je n’ai pas fini le travail à ce sujet». Pour conclure,
Mme Rashida Manjoo a appelé l’Algérie «à débattre des contraintes culturelles pour choisir sa voie. L’Etat peut apporter des remèdes au silence culturel, c’est une de ses obligations en tant qu’Etat».
Par Yasmine Ayadi