Nombreuses sont les femmes victimes de violence qui souffrent silencieusement. Elles ne dénoncent pas au nom des mœurs de notre société. Pourtant, en matière de lutte tout reste à faire…
Les difficultés de couple sont nombreuses et diffèrent d’une société à une autre en fonction des rapports sociaux des conjoints. La violence contre les femmes en est une, et ses victimes, en Algérie, sont majoritaires à la subir avec un mutisme qui s’installe dans le temps malgré une émancipation socio-économique incontestable de la femme algérienne. Mais cette dernière est, comme toute femmes du monde, exposée à plusieurs sortes de violence dans son milieu familiale, la rue, et sur son lieu de travail. De toutes ces catégories de violence, c’est la violence conjugale qui accapare l’attention des juristes, de la presse et des sociologues. Car, oui, ce sont les femmes mariées qui sont le plus touchées. Il s’agit là d’un phénomène très présent mais peu vérifiable pour notamment, des considérations socioculturelles propres à notre société. Hier comme aujourd’hui, il demeure encore tabou qu’une femme dénonce son mari. Pas seulement, beaucoup de femmes s’adaptent à la violence et vivent avec comme «un mal nécessaire de la vie conjugale» estiment certaines victimes. Pour d’autres, les valeurs de notre religion préconisent la patience et la tolérance avec le conjoint. Pourtant, nos mœurs stipulent aussi la bienveillance et le respect de la femme. Hélas, l’heure de dire non à la violence contre les femmes n’ pas encore sonné malgré toutes les avancées réalisées. Et pour cause,
«ce ne sont pas seulement les membres de la famille qui dissuadent les victimes qui veulent déposer plainte mais même la police. On raconte à ces femmes violentées qu’il s’agit bien du père de leurs enfants et c’est ainsi que les femmes battues souffrent, souvent en silence, par peur d’être séparées de leurs enfants», a indiqué la sociologue Dalila Djerbal, l’invitée, hier, de la rédaction de la chaîne III de la radio nationale. Mme Djerbal, qui appelle la violence contre les femmes de «tragédie secrète» n’a pas hésité à tirer la sonnette d’alarme quant à l’ampleur que prend le phénomène tout en mettant le doigt sur ses répercussions dangereuses sur la vie familiale. «La violence tue, rend malade, stresse, provoque le cancer et mène à la dépression et au suicide. Nous ne savons pas combien de femmes meurent chaque année en raison de ces violences. Il n’y a pas de chiffres concentrés au niveau d’une institution. Il n’y pas que la violence physique. Il y a le harcèlement, la violence sexuelle, la pression économique…», a-t-elle indiqué. Membre également du réseau Wassila, Mme Djerbal est revenue sur la non-fiabilité des informations au niveau des institutions. «On travaille avec des juristes et des médecins, nous disposons d’une base de données à partir des chiffres publiés par la presse ou communiqués par les services de sécurité. Mais, c’est toujours sur trois ou six mois, jamais sur une année complète. La première chose à faire au niveau des institutions est d’avoir des informations fiables». Elle appellera en outre les professionnels de la santé dans la prévention de la violence, lesquels médecins et infirmiers, doivent signaler les cas de violence contre les femmes à l’administration et à la justice, a-t-elle ajouté. Par ailleurs, la sociologue déclare que l’article 240 du code pénal demeure insuffisant, il ne permet pas à une victime de violence de déposer plainte. «Nous avons besoin d’une loi-cadre. Il y a des expériences à suivre… Toutes les violences contre les femmes doivent être portées dans une loi qui qualifie les violences de la part des proches comme une situation aggravante et donc avec doublement des peines».
Par Yasmine Ayadi