La violence à l’égard des femmes est l’une des violations des droits de l’homme les plus répandues dans le monde, mais elle reste l’un des crimes les moins poursuivis et les moins réprimés.
Loin d’être une caractéristique des milieux défavorables, la violence contre les femmes est un fléau qui affecte toutes les couches sociales sans distinction, riches ou pauvres, intellectuelles ou pas. Ce sont des mères, des épouses, des sœurs, des filles qui subissent, à répétition, des sévices sous toutes leurs formes. Et le premier agresseur de ces femmes, ce n’est pas le voyou du quartier, c’est avant tout le père, le frère et à plus forte proportion, le mari. Pourquoi ? Eh bien c’est au nom de la sacro sainte suprématie patriarcale selon laquelle l’homme est supérieur à la femme, et qu’il peut donc exercer sa violence contre cet être «inférieur». En Algérie, en dépit d’un réveil de la conscience collective qui ne s’est fait que récemment, ce fait social reste malgré tout un tabou. Pire. Il est même toléré voire justifié dans la majorité des mentalités algériennes. Selon les spécialistes, 60% des violences dont les femmes sont victimes se déroulent dans un espace familial ou privé. A ce jour, officiellement, elles sont quelque mille Algériennes à avoir été, durant cette année 2011, victimes de violence sous toutes ses formes. Sauf que ce chiffre ne reflète en un aucun cas la réalité du vécu des femmes violentées physiquement, psychologiquement et verbalement. Car la majorité d’entre elles n’osent pas en parler, encore moins porter plainte contre leur agresseur justement à cause de cette mentalité mais surtout par peur de représailles et par faute d’une prise en charge réelle et d’une protection. A cela s’ajoute le fait que le code pénal ne prévoit pas de sanction contre les auteurs de cette violence particulièrement. En effet, si ce phénomène trouve autant d’aisance à se développer, c’est quelque part grâce à ce vide juridique relatif à la protection de ces femmes en grande détresse. De ce fait, outre la violence physique subie quotidiennement par des milliers de femmes algériennes, le harcèlement moral et sexuel au travail est un phénomène qui s’ancre de plus avec l’arrivée massive de la gent féminine sur le marché de l’emploi, tant public que privé, où les pratiques arbitraires des employeurs et/ou autres supérieurs hiérarchiques se font dans l’impunité et à l’abri de toute poursuite à cause du silence de la loi. Pourtant, il a bel et bien était introduit dans les dispositions du code pénal l’article 341 bis qui sanctionne le harcèlement sexuel. Certes, il s’agit là d’une disposition favorable, considérée comme une grande avancée en la matière, seulement nombreux sont ceux qui estiment qu’elle présente une définition très restrictive de ce délit. Quant à la violence morale, qui est reconnue dans les législations du travail de nombreux pays comme étant un délit passible de sévères sanctions pénales, elle continue à être ignorée dans la législation algérienne du travail. Autre violence qui reste impunie : celle conjugale. A ce sujet, dans une intervention lors de la journée parlementaire dédiée au thème «la problématique sociologique de la violence à l’égard des femmes» qui s’est tenue jeudi dernier à l’APN, Mme Mimouni Motassam Khadra, psychologue et chercheur en anthropologie sociale au Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (CRASC) d’Oran, a affirmé que la violence entre les époux constituait le type de violence le plus répandu, faisant état d’une enquête réalisée récemment par le CRASC sur 2 000 ménages à Oran. D’ailleurs, elle dira à ce propos que seulement 15% des femmes violentées osent porter plainte. Face à l’ampleur de ce fait social en croissance alarmante, de nombreux intervenants lors de cette journée parlementaire, qui, il faut dire, entre dans le cadre de nombreux efforts consentis et d’importants progrès accomplis ces dernières années en faveur de l’émancipation de la femme, ont plaidé pour l’instauration de dispositions légales et pénales «strictes», suivies d’une application «rigoureuse» pour la protection de la femme victime de violences. Ces mêmes «lois rigoureuses» dont reste tributaire «le changement des mentalités» sont nécessaires à une émancipation réelle des femmes, avait dit Mme Dalila Djerbal, sociologue et responsable au sein du réseau Wassila. En effet, seule la mise en œuvre des lois et leur application pourraient soutenir ces femmes violentées. N’est-ce pas justement dans ce sens que Rashida Mandjoo, rapporteuse spéciale des Nations unies sur la violence contre les femmes, en visite en Algérie en novembre 2010, avait appelé les autorités algériennes à parfaire la législation pour combattre les violences faites aux femmes, déplorant que les recommandations faites en 2007 par son prédécesseur Mme Yakin Erturk, soient restées sans suite. Néanmoins, lutter contre ce phénomène ce n’est pas uniquement attendre le 25 novembre de chaque année, Journée mondiale de l’élimination de la violence à l’égard de la femme, pour dénoncer ce phénomène, et ce n’est pas seulement une affaire de lois, même si c’est le critère fondamental, c’est d’abord une affaire d’éducation au sein de la famille en premier lieu, où dès la petite enfance un travail parental doit se faire vis-à -vis du rapport frère et sœur, puis en second lieu à l’école à travers des programmes qui devront inculquer le respect de la femme ; ensuite, l’implication réelle et concrète des associations civiles dans leur mission de lutte contre les violences faites aux femmes.
Lynda Naili Bourebrab