Le village Thagoust de Bouzina à Batna, un modèle de l’architecture amazigh menacé

Le village Thagoust de Bouzina à Batna, un modèle de l’architecture amazigh menacé

Abandonné par ses habitants et détérioré au fil des ans, le village Thagoust El Hamra à Bouzina (Batna) résiste aux agressions du temps et continue de présenter un modèle de l’architecture amazighe qui lutte pour se maintenir.

Distant de 8 km de la commune de Bouzina et de 80 km de la ville de Batna, Thagoust tire d’abord sa spécificité de la couleur rouge ocre de sa terre d’où ses toponymes Thakliât Thazougaghet et Thagoust Thazougaghet signifiant la citadelle rouge et Thagoust rouge.

Enseignant de tamazight à la retraite et originaire de Bouzina, Tahar Sayche confie que l’appellation Thagoust dérive du terme Thigouas qui signifie en chaoui « ceinture » par référence aux vergers luxuriants qui entourent les habitations compactes du village.

Thagoust est l’une des plus grandes agglomérations de la région et sa construction remonte, d’après les récits populaires traditionnels, à plus de 10 siècles, soit trois siècles avant l’apparition du village Thagoust Lbaydha (Thagoust blanche), aujourd’hui totalement disparu.

Citadelle de l’extérieur, labyrinthe de l’intérieur

Le visiteur aux ruines de ce village amazigh constate d’emblée que cet ensemble urbanistique, vu de l’extérieur, prend l’aspect d’une citadelle tandis que son organisation intérieure l’assimile à un labyrinthe.

Pour le guide du journaliste de l’APS à travers les dédales de cette dechra, Ahmed Zaïdi, enseignant d’électrotechnique à la retraite, il est impossible pour l’étranger de se repérer de pris abord à l’intérieur de Thagoust du fait de l’exiguïté de ses ruelles tortueuses et ses constructions compactes.

La forme de citadelle s’explique, relève-t-il, par l’exigence de défense à une période d’intenses luttes intertribales.

Les constructions en pierre de la dechra s’élèvent jusqu’à trois niveaux et des troncs d’arbres sont utilisés pour séparer les rangés de pierres donnant aux habitations un aspect antisismique résistant aux tremblements, relève la même source.

L’organisation spatiale de Thagoust Thazougaghet était sous-tendue par une structure sociale rigoureuse. Ainsi, au milieu du village se trouvait Thabrahet qui fut une sorte de place publique où les habitants s’échangeaient les nouvelles et Hdjar Thadjmaath servait de lieu de réunion du comité des anciens qui tranchaient sur les différends interpersonnels et sur les questions intéressant la communauté villageoise.

L’irrigation des parcelles de terre agricoles était organisée à tour de rôle (Nouba) en fonction de la superficie des lopins, indique Zaïdi qui note que le village disposait de moulins fonctionnant à la force de l’eau et des horloges en pierre pour mesurer le temps grâce au soleil.

Le système d’aération des maisons recourait à de petites ouvertures placées en haut des murs permettant la circulation optimale de l’air, note encore la même source.

La citadelle compte également une zaouïa et une mosquée réalisée dans la partie basse (Endi, en chaoui) du village ainsi que les mausolées de Si Mohamed El Ayach et du saint Salah Seddik Rihani, appelé Dada Sadek par les habitants de la dechra.

Oued Thagoust a transformé le site en un petit Belezma

Oued Thagoust qui coule de la région Ithine jusqu’à El Mehmel, a transformé la région en un paradis où poussent à profusion différentes cultures y compris les céréales amenant le colonisateur français à surnommer la région de petit Belezma par référence à Ksar Belezma, célèbre pour sa production céréalière, ajoute M. Zaïdi.

En dépit de son site montagneux, la dechra comptait de multiples vergers dont les récoltes de pommes, de poires, d’abricots, de cerises et figues étaient troquées jusque dans les Zibans voisins contre des dattes, assure Zaïdi.

Conscients de la grande valeur de ce patrimoine architectural, des jeunes de la région œuvrent à valoriser ce patrimoine.

Mars dernier, ils y avaient organisé la fête de Thafousset (le printemps) attirant un grand nombre de visiteurs.

Durant la Guerre de libération, l’armée d’occupation coloniale avait transformé le village en une sorte de camp de concentration dont toutes les issues étaient fermées à l’exception d’une seule pour contrôler les mouvements des habitants, a précisé  Ahmed Zaïdi.

La beauté du site et la singularité de l’architecture de Thagoust sont des atouts à même d’en faire une destination touristique dont la promotion revient aux agences de voyage, a estimé le directeur du tourisme et de l’artisanat, Riadh Dahmani, qui a assuré, lors d’une première visite guidée à la Dechra, que des efforts sont déployés pour redécouvrir et valoriser les vieux villages à architecture traditionnelle.