Village Iguersafen: Retrouvailles avec l’Histoire

Village Iguersafen: Retrouvailles avec l’Histoire

Vendredi dernier, le village Iguersafen était en fête. En effet, il a reçu des moudjahidine, des enfants de chouhadas et un groupe de Français amis de l’Algérie pendant que des chants patriotiques étaient entonnés par la chorale féminine à la gloire de nos chouhadas et de notre Révolution.

Les invités, mêlés à la foule ont arpenté les ruelles du village sous les youyous des femmes habillées de robes aux couleurs bigarrées. Pendant tout le parcours, les groupes d’hommes et de femmes saluaient aimablement les invités à leur passage. Justement parmi eux, figure un groupe de Français, amis de l’Algérie, qui ont tenu à visiter ce village glorieux qui a subi les assauts de l’armée française en le rasant et en exécutant plusieurs habitants, dont six femmes. Les invités ont tenu à rendre hommage au courage de ses habitants, qui ont affronté les affres de l’armée coloniale, par une visite au cimetière des chouhadas qui comporte 99 tombes, dont neuf d’inconnus.

Parmi ces martyrs, 14 d’entre eux, qui faisaient partie des convois d’acheminement d’armes, sont tombés le long de la frontière algéro-tunisienne. A la fin de la guerre de libération, le village Iguersafen renaît de ses cendres. Cinquante ans après, ce sont des maisons magnifiques qui embellissent le décor auquel s’ajoute celui de la forêt de l’Akfadou qui apparaît comme sa protectrice.

Les ruelles qui le partagent sont animées et donnent l’image d’une propreté exemplaire, puisque des groupes de volontaires sont en charge du nettoyage et du désherbage, sous le regard bienveillant du comité de village auquel il faut rendre hommage pour leur sérieux et leur dynamisme. Nous avons apprécié le fait que le flambeau des martyrs soit repris par cette jeunesse pour une nouvelle oeuvre qui est celle de la prospérité du village en prenant en charge tous ses problèmes, comme le raccordement de toutes les maisons à l’eau potable gratuite, le ramassage et le tri des ordures ménagères, la création d’un atelier pour les femmes, l’ouverture d’un musée de la Révolution tout près du cimetière des chouhadas, également remarquable par son entretien.

Les ruelles sont numérotées à l’image des grandes villes, des places publiques sont aménagées pour recevoir séparément des hommes et des femmes; des fontaines agrémentent le décor et semblent inviter les passants à étancher leur soif de cette eau qui vient directement de l’Akfadou.

En un mot, ce village exprime la même impression que ceux accrochés sur les pentes des Alpes ou du Jura français avec ses toits en tuile faits pour résister au poids de la neige, puisque ces lieux sont en contrebas du massif de l’Akfadou, avec une altitude de 960 mètres. Après une visite du village, tous les invités sont invités à se recueillir au cimetière des chouhadas, à la mémoire des martyrs. Puis ce fut la visite de l’atelier féminin où sont exposées de magnifiques robes kabyles, des gâteaux et d’autres babioles qui sont l’oeuvre des mains expertes des habitantes.

Les invités mêlés aux habitants sont conviés à se restaurer. Deux sortes de couscous, délicieux d’ailleurs, qui font la fierté de la région, furent servis entre lait caillé, petit-lait, figues sèches, huile d’olive et deux sortes de galette servies pour le grand bonheur surtout des amis français qui ont apprécié ce mélange exotique.

Après ce délicieux repas, les convives furent dirigés vers la salle de conférences où deux thèmes seront abordés par l’un et l’autre des conférenciers. D’abord, ce fut le professeur Saïd Doumane qui traitera d’une manière objective et scientifique la culture amazighe en rappelant à l’assistance les deux précurseurs contemporains, à savoir Kateb Yacine et Mouloud Mammeri, en insistant sur la situation qu’elle vit actuellement sans omettre les avancées certes insuffisantes, mais avec l’espoir de son prochain essor.

Djoudi Attoumi parlera de l’écriture de l’Histoire par la présentation de ses huit ouvrages dédiés à la guerre de Libération nationale. Il abordera ensuite l’Histoire de ce village martyre qu’est Iguersafen, avant de mettre en valeur le parcours glorieux du colonel Amirouche auquel il avoua avoir consacré trois tomes. C’est dire que l’ancien chef de la Wilaya III historique était à la fois un stratège, un visionneur, un rassembleur, un meneur d’hommes et un chef de guerre intraitable.

Puis le public a été invité à un débat sur les deux thèmes tout aussi importants l’un que l’autre aux yeux des participants qui n’ont pas tari de questions. Une collation fut offerte aux participants qui se sont mêlés à la foule, ce qui donna l’image d’une ambiance conviviale et fraternelle. Les ruelles du village furent de nouveau envahies, en attendant la projection du film «Retour en Algérie» initié par l’Association des Anciens appelés de la guerre d’Algérie contre la guerre que composait le groupe de Français, ainsi que de leurs familles.

Les habitants et les organisateurs sont encore une fois à féliciter pour la parfaite organisation de cet événement et la gestion du village qui, il faut le signaler, lui a valu le titre de «village le plus propre de la wilaya de Tizi Ouzou».

Le comité du village gère un budget conséquent alimenté par les cotisations de ses habitants et en particulier ceux qui ont émigré à l’étranger qu’il faut remercier.