Offrant dès la première vue des caractéristiques architecturales ingénieuses, le vieux ksar d’Ouargla se dresse encore comme le témoin d’une histoire et d’une culture anciennes, et l’un des plus beaux ksour sahariens édifié depuis plus de 6 siècles.
Il fait partie d’une chaîne de ksour disséminés à travers le grand Sud du pays et de pays limitrophes, à l’instar de ceux de Tamentit dans le Touat (Adrar), Béni-Abbes (Béchar), et ceux de Ghadamès (Libye), présentant des similitudes archéologiques encore visibles, en dépit de multiples aléas et facteurs de dégradation et de disparition.
Occupant une trentaine d’hectares et entouré palmeraies, dont une partie occupe le lit de Oued-Mya, ce ksar présente une grande ingéniosité dans sa conception, bien qu’ancestrale, inspirés par divers facteurs naturels et socioculturels.
Il est entouré d’un rempart de 12 mètres de haut et s’ouvre sur l’extérieur à travers sept portes, encore existantes, à savoir Bab Azzi, Bab-Soltane, Bab-Ahmid, Bab El-Boustane, Bab-Rabaâ et Bab-Er-Rabie, où convergent les nombreuses venelles issues de ses trois principaux quartiers : Béni-Brahim, Béni-Sissine et Béni-Ouaguine.
Le ksar encore habité de nos jours par une population parlant, outre l’Arabe, la variante amazighe Ouarglie,Taguergrant, renferme également 18 lieux de culte, dont la grande mosquée Malékite et la mosquée El-Azzaba connue sous le nom de Lalla-Azza, en plus de 12 zaouïas servant de lieux d’organisation de fêtes et autres actions sociales.
Le ksar d’Ouargla classé patrimoine national et secteur sauvegardé
Classé le 5 mars 1996 comme patrimoine national, le ksar d’Ouargla a été aussi inscrit en 2008 comme secteur sauvegardé, eu égard à sa valeur historique et culturelle, reflétant l’authenticité de sa population, a-t-on indiqué à la direction de la Culture de la wilaya d’Ouargla.
Les autorités locales ont entamé depuis, en coordination avec les associations actives, une série d’opérations d’aménagement et d’examen des moyens et mécanismes de préservation de ce legs par l’implication également d’architectes, l’organisation de conférences et rencontres sur les voies et moyens de sa restauration et de la sauvegarde de ses bâtisses.
Il est relevé, dans ce cadre, le lancement d’actions d’aménagement et de restauration du site, dont la dernière en date (2012) dotée d’une enveloppe de 2 millions DA et destinée au nettoiement et ramassage des décombres et détritus résultant d’effondrements de bâtisses.
Selon la direction de la Culture, d’autres financements totalisant 6,2 millions DA ont été consentis entre 2007 et 2009 pour la réalisation d’autres actions de restauration de la placette publique, des portes et de la façade extérieure du ksar, en utilisant des matériaux locaux, en plus de la réhabilitation de la place des martyrs.
Des opérations de rénovation des réseaux d’assainissement des eaux usées, de l’alimentation en eau potable et d’extension de l’éclairage public, ont également été réalisées par les services de la commune et de la wilaya d’Ouargla.
Les interventions personnelles improvisées, une menace pour le ksar
Le vieux Ksar reste, en dépit des multiples actions de préservation, qui demeurent ‘‘insuffisantes’‘, confronté à un type de menace, autre que les aléas du temps et de la nature, à savoir l’intervention effrénée et non étudiée de l’homme sur ses composantes, ont estimé les responsables de la sauvegarde du patrimoine à la direction de la culture.
Il a été relevé un phénomène de dégradation de son corps à travers des transformations apportées par certains et touchant différentes structures du ksar, entraînant une destruction structurelle et frontale du site, ajoutée à un rétrécissement continu de sa superficie initiale.
Regroupant une population de plus de 10.000 âmes occupant quelque 2.300 bâtisses, le ksar d’Ouargla a subi une série d’interventions personnelles de réparation des toitures, de ravalement des façades, en plus du colmatage des fissurations, altérant ainsi partiellement le cachet architectural initial du ksar et rendant ce dernier vulnérable aux divers facteurs de démolition.
Certains habitants se débrouillent seuls, et à leur manière, sans respecter les normes traditionnelles, dans la restauration partielle de leurs bâtisses, en recourant même à l’utilisation du béton ou encore par des rénovations totales (à 100%), après démolition complète, pour l’adapter aux constructions modernes, et ce en oubliant, voire sans se soucier, du fait que ce genre d’agissements se fait au détriment de leur richesse historique et porte atteinte à un patrimoine séculaire, a-t-on expliqué.
Des archéologues estiment que les moyens appropriés susceptibles de protéger ce secteur sauvegardé, notamment les ksour d’Ouargla et Témacine, demeurent tributaires de l’élaboration rapide d’un Plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur des secteurs sauvegardés, a indiqué à l’APS Siagh Chafia, chargée du patrimoine à la direction de la Culture de la wilaya d’Ouargla.
Selon Mme. Siagh, cette opération, qui devait être lancée en 2014, a accusé un grand retard, en dépit de la promulgation du texte réglementaire le 28 mars 2011, en raison de la faiblesse de l’autorisation du programme qui lui a été allouée et qui nécessite une réévaluation.
L’opération prévoit l’élaboration d’une stratégie globale pour la préservation et la restauration de ces biens cultuels de l’ancienne ville d’Ouargla, témoignant de la longue histoire de la région, de l’authenticité des us et coutumes de sa population, et leur intégration au titre des actions de développement socioculturelles, économiques et touristiques de la région, a-t-elle ajouté.
Elle permettra aussi de lutter contre les interventions personnelles et d’autres parties, en vue de contribuer à la protection de la valeur culturelle de ce patrimoine matériel, poursuit-elle.
Lutter contre la dégradation de ce legs par l’implication du citoyen
Les actions de sauvegarde de ces sites, témoins du passage de plusieurs civilisations dans la région, ne devraient pas laisser indifférents la population locale, ont estimé les responsables du secteur de la culture, tout en insistant sur la sensibilisation quant à la nécessaire implication du citoyen dans la sauvegarde et la valorisation des ksour et sites patrimoniaux.
M. Abdelwahab Sahraoui, membre de l’association du vieux Ksar pour la culture et la réforme, une des associations actives dans le domaine de la préservation des sites archéologiques, a abondé dans le sens de la sensibilisation du citoyen, en rappelant qu’un article de la convention signée dernièrement avec l’union européenne, portant restauration et réhabilitation du ksar d’Ouargla, stipule l’intensification des campagnes de sensibilisation pour mettre en valeur et restaurer ce ksar avec des matériaux de construction locaux.
Numériser le patrimoine matériel et le léguer aux futures générations
M. Sahraoui a suggéré, à ce titre, la numérisation du patrimoine matériel à travers le Grand Sud, dont les ksour sahariens et la création d’une Banque de données, comme moyens de préservation du patrimoine en vue de le léguer aux futures générations, avant d’appeler à hisser ce patrimoine du niveau local à l’échelle internationale, à travers la création de sites électroniques valorisant le patrimoine culturel de chaque région du Sud du pays.