L’émigration médicale: une fuite des cerveaux problématique pour l’Algérie

L’émigration médicale: une fuite des cerveaux problématique pour l’Algérie

Le Conseil de l’ordre des médecins français vient de donner des chiffres qui font du bruit en Algérie. Selon ces informations, la France compte plusieurs milliers de médecins qui ont passé leur diplôme dans ce pays du Maghreb. Ces chiffres posent des questions sur le système de santé algérien et cette émigration de personnes ultra-formées ne va pas sans poser de problèmes pour Alger.

«Actuellement, le tableau de l’Ordre recense 58.441 (médecins) nés dans un pays européen ou extra-européen; ce qui représente 20,1% de l’ensemble des médecins inscrits au tableau de l’Ordre en 2017 (290.974 inscrits). Soit une hausse de 0,5 point par rapport à 2007 (19,6%). 43,1% de ces médecins sont de nationalité française et 29% sont naturalisés français. Les origines géographiques: 41,8% sont nés au « Petit Maghreb », ce qui fait référence à l’Algérie au Maroc et à la Tunisie», selon les chiffres du Conseil National de l’ordre des Médecins français. Lequel précise qu’«au total 24% de ces médecins viennent d’Algérie».

Difficile d’être très précis sur les chiffres qui divergent d’une source à l’autre et en fonction des dates et catégories comptabilisées. Mais ce qui est sûr, c’est que la France emploie de nombreux médecins venus d’Afrique du Nord et d’Algérie en particulier, et que ce phénomène n’est pas nouveau. En Algérie, l’information a été reprise, notamment par TSA. Les réseaux sociaux ont donné de l’écho à ces chiffres, qui montrent un certain exode des cerveaux, mettant en lumière des problèmes de la société algérienne, à travers les manques de son système de santé.

En Algérie, les débats sur cette question ne sont pas nouveaux. De nombreux responsables ont attiré l’attention sur ce phénomène qui a un coût important pour le pays. En témoignent, les propos de Mohamed Yousli, président du Syndicat National des praticiens de santé publique algérien.

Un coût de 40 milliards?

Pour le patron de l’Ordre des médecins algériens, Mohamed Bekkat Berkani, «c’est inadmissible que l’Algérie continue à former (des médecins) et que ce soit les pays étrangers qui en profitent!» Pour lui, «cet exode menace la pérennité de notre système de santé. L’Algérie a perdu des milliers de médecins hautement qualifiés et expérimentés ces dernières années qui sont partis en France. Sans compter ceux qui ont choisi d’autres destinations comme le Canada, la Grande-Bretagne ou encore le Moyen-Orient», affirme le journal L’Expression. Il estime que cette hémorragie de «praticiens et chercheurs vers d’autres pays, tels le Canada ou des Emirats arabes unis a, entre 1996 et 2006, coûté à l’Algérie environ 40 milliards de dollars».

Ce phénomène traduit un malaise dans le monde médical algérien. Un symptôme des difficultés que connaît l’Algérie en général et la médecine en particulier. Certes, les pays plus pauvres ont toujours vu une partie de leurs cadres partir vers les pays plus favorisés. Mais l’importance du phénomène peut aussi traduire un malaise plus général.

Le journal El Watan donne un aperçu des difficultés du milieu de la santé. «Départ massif des radiologues spécialistes, pannes récurrentes des machines (scanners, échographes, IRM) et difficulté dans l’acquisition et la réparation de ces appareils, les hôpitaux publics peinent à prendre en charge le flux de patients arrivant chaque année. Une partie du forfait hôpital avancé par les caisses de Sécurité sociale ne bénéficie pas aux patients qui déboursent de leur poche pour effectuer leurs examens dans le privé.»

Cet été, une affaire a symbolisé dramatiquement les difficultés de la santé publique en Algérie. «Début août, dans la région de Djelfa, à 300 kilomètres de la capitale, une femme meurt alors qu’elle vient accoucher. Révélée par la presse, qui affirme que trois hôpitaux ont refusé de prendre en charge la jeune femme, l’affaire fait beaucoup de bruit», rapporte Le Matindz, Ce drame, dans lequel un médecin avait été condamné, a mis en lumière les lourdeurs et les contradictions du système de santé. Et l’attitude du pouvoir dans cette affaire n’a sans doute pas aidé à motiver les docteurs algériens.