Selon des statistiques et les rapports des différentes ONG, le Sahara occidental est classée parmi les dix pays les plus minés au monde. Un aperçu de l’ampleur de cette catastrophe humaine et environnementale a été donné par les Sahraouis dans les camps des réfugiés de Tindouf à l’occasion de la Journée internationale de la sensibilisation au problème des mines et de l’assistance à la lutte antimines, célébrée chaque année le 4 avril.
Il est 13h en cette journée du dimanche 3 avril. L’avion militaire de type Casa atterrit à l’aéroport de Tindouf, après 4 heures de vol. Le premier magistrat de la wilaya est venu accueillir la délégation de l’association Machaâl Echahid, organisatrice de la rencontre de sensibilisation et de solidarité avec les Sahraouies victimes des mines antipersonnel. Celle-ci est composée de parlementaires, des présidentes et présidents d’associations algériennes de solidarité avec le peuple sahraoui ainsi que de journalistes. Les membres de la délégation ont fortement apprécié le geste du wali. Après quelques minutes d’un bref entretien au salon d’honneur de l’aéroport, le cortège a pris le départ. Des véhicules tout-terrain de la présidence sahraouie attendent au dehors de l’aérodrome. Une belle infrastructure au style architecturel local. A la manœuvre, un homme dénommé Toualou. C’est l’homme à tout faire. Il s’occupe de sa tâche avec une énergie singulière. Il est le chef du convoi. Il est partout. Ses camarades ne cessent de l’appeler au téléphone. C’est un ancien combattant de l’armée sahraouie pendant la guerre qui a opposé le Polisario à l’armée marocaine de 1975 à 1991, date de la signature d’un accord de cessez-le-feu.
Aucune voiture ne peut prendre le départ sans qu’il en donne l’ordre. Une fois tout le monde dans les voitures, le cortège quitte l’aéroport. Direction les camps des réfugiés. Une discussion s’est vite engagée entre Mohamed et le chauffeur. Mohamed est algérien. Il est originaire de Biskra. Les premiers échanges entre les deux hommes ont été musclés. Normal, on ne se connaît pas. « Ne roulez pas trop vite, s’il vous plaît ! », demande Mohamed. « Je vis ici depuis plus de 40 ans. Comment osez-vous me demandez de rouler doucement ? », lui répond sèchement Toualou. Mohamed revient à la charge mais sur un ton apaisé : « Loin de moi l’idée de vous donner un cours de conduite. Rani n’guessar. » « Moi aussi rani n’guessar. », lui répond Toualou. La discussion a fini par devenir une série de questions réponses entre les deux hommes. Toualou a parlé de sa vie, sa participation à la guerre contre l’occupant marocain et surtout de sa rencontre à Oran avec le défunt président Houari Boumediène. Celle-ci semble l’avoir marqué pour toujours.
Le téléphone de Mohamed sonne. Visiblement, un ami : « Allô oui ! C’est Mohamed à l’appareil. Je vous écoute. Non je ne peux pas vous rencontrer à l’heure actuelle, je suis à l’étranger. » En entendant le mot « l’étranger », les journalistes s’esclaffent. L’un d’ eux chuchote à l’oreille de son ami : « Je pense que nous sommes à Tindouf. » L’autre de lui répond : « Il n’y a aucun doute. Nous irons aux camps de réfugiés sahraouis. » Mohamed se croyait au Sahara occidental. Il ne sait pas que les camps des réfugiés se trouvent à Tindouf. Personne n’a voulu le corriger. Peut-être qu’il s’en rendra compte à la fin de la visite.
« Je suis Houari ! »
Ce camp dispose de l’électricité et de l’eau. Certaines maisons disposent même d’Internet. Après une pause d’une heure, le convoi se rend au centre des victimes de guerre et des mines qui se trouve à Mekhyla, à quelques kilomètres du camp. Le chemin qui y mène est constitué pour moitié d’une route goudronnée pour laisser place à des pistes sablonneuses, bosselées et poussiéreuses. Arrivée sur place, la délégation a été accueillie par le directeur du centre. L’endroit a été choisi par l’association Machaâl Echahid pour rendre hommage aux victimes des mines, dont 56% gardent des séquelles à vie. Selon le directeur, Mohames Ahmed Imbiriq, le centre prend en charge 153 victimes. Il reçoit des dons de la part d’organisations humanitaires, notamment des chaises roulantes, des prothèses et autres équipements médicaux.
Des mines et des mines
L’explosion en direct
Le Sahara occidental est l’une des régions les plus minées au monde du fait des opérations militaires menées par le Maroc. Toutes ces mines ont été enfouies à partir de 1975 par les forces d’occupation marocaines. Ces engins continuent de faire des victimes dans les territoires sahraouis. Le but de cette démonstration est de mettre en avant l’expérience du Polisario en matière de destruction de mines. Un homme se distingue. Ses mouvements, sa prise de parole et ses consignes ne ont pas passés inaperçus. Il s’agit de Samou Amidine. Il est directeur du bureau de coordination des victimes des mines. C’est lui qui est chargé de coordonner l’opération. Il est le chef. Il est en contact permanent avec les éléments chargés de préparer l’opération de destruction des mines antipersonnel. A l’aide d’un talkie-walkie, il donne des instructions. « Dès que vous aurez terminé les préparatifs, vous me faites signe », lance-t-il. Quelques minutes après, le signal est donné. L’opération de destruction est dans 20 secondes. Pas une seconde de plus, le souffle de l’exposition s’est fait ressentir, dégageant une immense fumée. Samou Amidine donne de nouvelles instructions à ses éléments. Personne ne quittera les lieux avant que tout ne soit nettoyé. « Nous veillons à ce que les choses se déroulent dans le respect des normes internationales en matière de destruction des mines », explique-t-il.
La rencontre