«1994 : deux jeunes filles, Bouhadja Zoulikha et Saïda, sont kidnappées au douar Sidi M’hamed à Birtouta (Blida), puis assassinées après avoir été violées et atrocement mutilées. Leur mère, aussi enlevée, sera retrouvée égorgée quelques jours plus tard.
1997 : massacre d’une famille de 12 personnes au village Hammama, près de Miliana (Aïn Defla).
1999 : six citoyens assassinés près de Médéa.
1999 : le nouveau siège des patriotes de Sahel Bouberak, près de Dellys (Boumerdès), détruit à l’explosif (…)» Des dates, des lieux et des événements tragiques… Ephémérides de l’horreur et de la douleur, des récits, des «posts» égrenés au quotidien sur le réseau social Facebook pour dérouler la trame noire des atrocités d’une décennie rouge de sang. Celui versé par des milliers de trucidés, de femmes violées, d’enfants martyrisés et de toutes les victimes de la barbarie de l’intégrisme islamiste. Ce travail interactif et en réseaux est le fruit de l’engagement citoyen pour la mémoire et contre l’oubli de «Ajouad-Algérie mémoires», une association fondée par le fils du défunt journaliste et chroniqueur Saïd Mekbel et ses amis, tous parents de victimes du terrorisme réunis autour d’un projet de sauvegarde de la mémoire par le recueil de témoignages et de documents. La page «Ajouad-Algérie-Mémoires», qui peut être consultée à loisir, est un véritable sanctuaire, un mémorial érigé à la gloire des victimes, de toutes les victimes célèbres ou anonymes. Les nombreux «posts» publiés par les visiteurs constituent un condensé d’émotions, de colère et de cris du cœur ; certains messages sont de véritables épitaphes à la mémoire des victimes. Illustration : «Atrocités que l’on ne peut taire ! J’en suis révoltée chaque fois un peu plus ! Avec tout le respect que j’ai pour votre pays, justice doit se faire, au nom de l’humanité. Il est élémentairement humain que les survivants obtiennent réparation, ne serait-ce que par la reconnaissance des actes criminels afin qu’ils gardent la tête haute. Ils ne méritent pas de subir tant d’atrocités», s’indignera Florence S., une visiteuse anonyme qui résume, pour l’essentiel, l’esprit et la portée pédagogique de ce projet citoyen dont la page qui est mise en ligne sur le réseau social Facebook est à saluer comme un exemple de l’histoire qui s’écrit au quotidien. «Refuser le travail de mémoire, ce serait priver les futures générations de repères nécessaires à la construction de leur identitaire», peut-on lire sur l’énoncé des objectifs de cette association qui veut faire de du 22 mars une journée pour la célébration de la mémoire. Une manière de rendre hommage aux victimes et de leur prêter la voix pour dire non à l’oubli, au silence et à l’occultation d’une tragédie au nom d’une fausse réconciliation qui veut absoudre les bourreaux de leurs crimes.
Saïd Aït-Mébarek