François Gèse, Ghazi Hidouci, Annie Micili, José Garçon et d’autres encore ont tenté de dépeindre l’homme et son combat.
Une effervescence particulière règne en ce vendredi 20 mai, dans l’amphithéâtre A-E de l’université Pierre et Marie Curie (Paris VI). L’Union des étudiants algériens en France a eu la géniale idée de célébrer le 60e anniversaire du 19 Mai 1956 en rendant un hommage particulier au défunt Hocine Ait Ahmed, un des libérateurs du pays.
Au menu, des conférences d’un niveau à la hauteur de l’homme et un public venu s’abreuver à la source de la mémoire historique qu’était ce géant. «Hocine Ait Ahmed a été enfanté par le refus de l’injustice et de l’oppression sur une terre meurtrie dont les enfants contemplaient leurs destins spoliés au grand jour. Il est devenu graduellement une conscience en éveil et très tôt il désirait engager son peuple dans la lutte qui mettrait le destin de la nation algérienne entre les mains de ses propres enfants», a soutenu l’historien, François Gèse, qui a connu et publié Hocine Ait Ahmed dans les éditions La découverte. Il fera savoir que l’engagement de cet homme, Hocine Ait Ahmed, deviendra un combat perpétuel pour l’émergence d’une nation
«libre» sous toutes ses formes. Il deviendra ensuite un des chefs historiques du FLN. M.Gèse révèlera que le défunt n’a jamais ménagé ses efforts pour trouver une solution pacifiste durant la période la plus sanglante de l’Algérie post-coloniale. «L’islamisme armé et le fondamentalisme religieux avaient inexorablement attiré le pays au bord du précipice. Les promoteurs de la haine et du néant restaient intransigeants sur leurs exigences de voir les structures du pays s’effondrer et l’émergence d’une «Daoula islamiya», la violence éructait aux quatre coins du pays. Ghazi Hidouci, ancien ministre de l’Economie sous le gouvernement de Mouloud Hamrouche, témoigne qu’Ait Ahmed a été un combattant de terrain mais ses qualités se révélèrent très tôt dans le combat politique, puisque bien avant l’indépendance, il fit partie de la délégation du FLN algérien à la fameuse conférence de Bandung (Indonésie) en avril 1955. «Le combat politique devint l’artère névralgique de l’âme militante propre à Ait Ahmed. Il n’aura de cesse de défendre et promouvoir un gouvernement algérien l’écoute et respectueux des aspirations de son peuple.
Il était toujours constant dans ses positions depuis les années 1940 jusqu’à sa mort.» Alors que l’émotion lui brise ses mots, Annie Micili, souligne qu’Ait Ahmed, l’enfant de Kabylie, qui arpentait les chemins détournés de ces montagnes si majestueuses, ne se détournera jamais du chemin si sinueux et si complexe, mais pourtant le plus noble, celui d’une Algérie forte, unie et indivisible où toutes les composantes de la société seraient représentées. «Son désir le plus cher, était la création d’une voie d’ouverture démocratique en Algérie», témoigne-t-elle, ajoutant que Dda Lhou n’avait jamais relâché sa pugnacité dans son activisme, même aux heures les plus graves. Il préfèrera toujours le dialogue et la négociation face au diktat de la junte militaire et à la violence aveugle de l’islamisme et ses dogmes moyenâgeux. Pour José Garçon, Hocine Ait Ahmed représente un livre d’histoire de l’Algérie combattante puis pour l’avènement de la démocratie en Algérie. «Si c’est le mal qui révèle le bien, alors l’oppression révèle le courage et la témérité. Car ces qualités sont essentielles pour renverser toute domination. Dans ce syllogisme, la tyrannie révèle la vertu. Car seuls les êtres vertueux peuvent rêver de justice, d’égalité et élever un peuple entier à tendre vers les valeurs humanistes», a fait noter la journaliste du Figaro, l’une des spécialistes de l’Algérie. Et d’enchaîner: «Hocine Ait Ahmed étaient une de ces rares âmes vertueuses qui oeuvraient pour le bien commun d’un pays qui n’avait connu que l’asservissement et les sombres jours d’une colonisation archaïque et primitive et d’une dictature qui a confisqué l’indépendance du peuple algérien.»
Sûre et constante. Telle a été la politique du défunt Hocine Ait Ahmed. Ses qualités et son engagement d’opposant étaient aussi clairs que l’eau de roche. Les trames politiques ne troubleront jamais la limpidité et la clarté de son sincère engagement. Hocine Ait Ahmed, au final, ne se sera jamais éloigné du personnage de «Madjid» son nom de guerre durant la clandestinité de la guerre de Libération. Par ses funérailles qui ont glorifié l’engagement de l’opposant politique qu’Ait Ahmed avait été avec une verve inépuisable, sa mort pourtant a presque remis en question les règles de la métaphysique, puisque Si L’Hocine aura même opposé son nom à l’oubli. La supériorité de son courage et la noblesse de ses valeurs transcenderont sa mort.