Viandes rouge et blanche ,La production nationale irrationnelle

Viandes rouge et blanche ,La production nationale irrationnelle

Comparés à des pays voisins comme la Tunisie ou le Maroc, les prix des viandes en Algérie sont substantiellement élevés. Cette

situation est tout simplement paradoxale. Car, si on tient compte du potentiel considérable de production dont dispose l’Algérie, à savoir plus de 20 millions de têtes ovines, 2 millions de bovins et une production moyenne de 300 000 tonnes de viandes blanches par année, l’offre ne devrait qu’être supérieure à la demande, ce qui ne peut qu’influer sur les prix qui devraient baisser.

Ce constat fait, il apparaît que le secteur des productions animales est appelé à faire l’objet, à court terme, d’une reconfiguration radicale. Selon les acteurs des filières viandes blanche (aviculture) et rouge, il s’agira en priorité de maîtriser d’une part la conduite des cheptels et, d’autre part, d’encourager l’investissement susceptible de participer à la transformation des conditions structurelles de l’offre. C’est là une nécessité indéniable à plus d’un titre. En effet, un focus sur la filière avicole montre d’emblée qu’elle est en réelle

difficulté. Elle bat de l’aile depuis plusieurs années pour diverses raisons. Les intervenants dans cette filière se heurtent à une dépendance structurelle notamment pour les matières premières alimentaires, certains intrants biologiques (poussins reproducteurs) et les technologies avicoles. L’aviculture est aussi confrontée au caractère «archaïque» et désarticulé du système de transformation, qui est à l’origine de gaspillages et de pertes importantes. L’inefficience de ce système de transformation est, par ailleurs, source de surcoûts qui alourdissent la structure des prix à la consommation et posent ainsi un problème de taille aux pouvoirs publics en matière de politique de régulation et de qualité des produits avicoles.

Toutefois, comme le soutiennent de nombreux aviculteurs professionnels, «la filière a, toute à la fois, ses forces et ses faiblesses». Sa force, selon ces derniers, réside dans sa capacité de production importante en amont, c’est-à-dire son industrie de l’aliment et

d’élevage, dont les segments de reproduction, d’accouvage et de poulettes démarrées. Sans oublier la maîtrise appréciable des techniques par les éleveurs de poules pondeuses. Et enfin l’existence d’un noyau d’entreprises à capitaux publics ou privés dans tous les segments pouvant devenir le moteur d’intégration verticale de la filière, «sous réserve d’une mise à niveau et d’investissements dans la rénovation des équipements», indique le comité interprofessionnel de la filière avicole (Cifa). Au chapitre des faiblesses, c’est bien entendu la production d’aliments, qui demeure dépendante à plus de 90% des importations de matières premières et donc des cours sur le marché mondial, qui vient en tête. A cette lacune vient s’ajouter le segment sélection/multiplication qui est incomplet, ce qui implique une dépendance étroite vis-à-vis de quelques firmes internationales. De plus, la maîtrise très insuffisante des techniques d’élevage se traduit par un gaspillage de ressources et par des surcoûts importants. A l’aval : les segments abattage et distribution sont encore archaïques et largement informels. En ce qui concerne la production de viandes rouges, c’est pratiquement le même topo pour la viande bovine. Pour la viande ovine, c’est pire. On peut dire que sa production ne connaît pas de règles. Elle est soumise aux incertitudes qui pèsent sur la production fourragère. Pourtant, depuis 1982, un effort important est consenti à l’importation des facteurs de production destinés à développer la production animale, c’est-à-dire les compléments d’alimentation notamment l’orge, consommée surtout par les animaux destinés à l’abattage. Cette variété céréalière a d’ailleurs fini par occuper, au fil des années, une place significative dans les importations avant que la facture d’achat n’ait nettement reculée suite aux subventions indirectes accordées par les pouvoirs publics pour encourager la culture de l’orge. Mais, ce complément d’alimentation pour le cheptel ovin et bovin connaît périodiquement des tensions, ce qui décourage les éleveurs. De plus, comme l’ont souvent répétés des agronomes spécialisés dans la production animale, «l’élevage ovin et bovin se singularise par sa faible productivité pondérale ou numérique». Pour ces spécialistes, cela est dû «aux conditions du milieu mais également à un ensemble de contraintes qui limitent l’expression du potentiel productif. Elles sont d’ordre organisationnel, nutritionnel technique et sanitaire». «La production des viandes rouges en Algérie est irrationnelle», concluent-ils. Mais comment mettre fin à cette irrationalité ? C’est là un chantier auquel s’est attelé le ministère de l’Agriculture et du Développement rural qui a déjà mis en train une série de mesures notamment la création d’une SPA dénommée Algérienne des viandes rouges (Alviar) et la mise en place d’un système de régulation qui consiste à rapprocher les trois principaux intervenants dans la filière avicole : les laboratoires publics ou privés, les aviculteurs et les fournisseurs d’intrants. Evidemment, les consommateurs attendent impatiemment l’impact de ces initiatives sur le circuit de la commercialisation des produits carnés frais.

Z. A.