Témoignage – Qui de mieux placé que Aïssa, éboueur de rue à la rue Hassiba-Ben-Bouali, pour nous dresser le plus sûr des points de situation sur l’état de santé de la capitale.
Son témoignage est sans concession et hautement édifiant. «Cela fait 2 ans que j’arpente avec mon petit chariot à ordures la rue Hassiba et je n’arrive toujours pas à comprendre : je commence à nettoyer le caniveau de la rue, je balaie et je ramasse tous les détritus qui s’y trouvent.J’arrive au bout du trottoir avec une colline d’ordures que je mets dans le chariot. Quand je me retourne, je vois qu’il y a des dizaines de détritus qui ont été jetés après mon passage… je n’y comprends rien…».
Autrement dit, l’éboueur a beau être consciencieux et nettoyer convenablement la rue qui lui est dévolue, il n’a pas encore quitté les lieux que ces derniers sont de nouveau submergés par les détritus et, donc, doivent être nettoyés de nouveau. Une mission impossible, à moins de mettre un éboueur tous les 100 mètres, ce qui est irréalisable.
Aïssa continue son témoignage : «De plus, j’ai remarqué que ce ne sont pas les enfants qui jettent le plus de choses par terre, mais les adultes, y compris les vieux : personne ne semble faire attention à ça et jeter son gobelet, sa cigarette ou les papiers sales par terre semble normal. Dans ces conditions, nous les éboueurs n’y pouvons rien : nous n’arriverons jamais à suivre le rythme de la pollution que font subir les gens à Alger, surtout pas avec nos moyens et nos faibles effectifs…».
Ainsi, la capitale de l’Algérie moderne n’en finit pas de manger son pain noir, confrontée à un terrible dilemme : concilier son statut de capitale et de ville ancestrale avec les contingences que lui ont fait subir les événements qu’elle a vécus depuis l’Indépendance. Des contingences qui lui ont occasionné maintes blessures et d’innombrables dégradations et qui continuent de la ronger à petit feu, en l’absence d’une véritable thérapie de choc qui viendrait la soulager et lui redonner un visage plus conforme avec son histoire et son prestige.
Pour ce faire, il est évident que ce ne sont pas les rafistolages et les réfections de façades qui constitueront la solution idoine, mais bel et bien une concertation de fond entre les architectes, urbanistes, sociologues et autres spécialistes de l’aménagement du territoire, afin d’aboutir à une reconfiguration totale d’Alger qui sera redessinée selon de nouveaux critères et pour offrir de nouvelles fonctionnalités. L’objectif étant d’en finir avec les stigmates d’une gestion qui a ravalé Alger au peu glorieux rang de soukistan insalubre et invivable.
Hocine Hamid