Algérie Poste perd l’exclusivité en matière de domiciliation et de versement des pensions de retraite, des salaires des fonctionnaires et des remboursements de la Sécurité sociale. En même temps qu’Algérie Poste, les banques pourront aussi domicilier et verser ces montants.
Ce qui permettra d’«alléger la pression qui pèse sur Algérie Poste», déclarait, hier, le délégué général de l’Association des banques et établissements financiers (ABEF). Invité de la rédaction de la Chaîne III de la Radio nationale, Abderrazak Trabelsi est revenu sur l’instruction émise récemment par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, visant à faciliter dès le mois prochain les procédures d’ouverture de comptes bancaires et l’accès aux crédits d’investissement. Adressée, outre les banques et l’ABEF, à huit ministères dont le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, cette instruction lève le monopole, l’exclusivité détenue jusque-là par l’opérateur postal même si le versement des pensions sur les comptes courants postaux (CCP) est maintenu.
Débureaucratiser la relation client-banque
De fait, l’instruction du Premier ministre qui a mis fin à «un enchevêtrement de dispositions réglementaires éparses, faisant intervenir plusieurs institutions et parfois même dans l’incohérence», dira M. Trabelsi, appelle tant les banques que l’ensemble des autres établissements financiers et économiques à contribuer à la «débureaucratisation» de la relation client-banque. Pour ouvrir un compte bancaire, le client ne devra, donc, présenter que le minimum de pièces administratives (une pièce d’identité en cours de validité et un document officiel prouvant l’adresse), a précisé Abderrazak Trabelsi. De même, les personnes sans revenus réguliers peuvent dorénavant ouvrir un compte bancaire, la présentation d’un bulletin de paie n’étant plus une obligation et les banques seront tenues d’accéder à toutes les demandes. Ce qui consacre en fait un droit fixé par la loi sur la monnaie et le crédit et que «par précaution», dira M. Trabelsi, certaines banques n’ont pas respecté en refusant des clients dans l’impossibilité de présenter la preuve d’un revenu régulier et identifié.
Vers la réduction des délais de financement
Les opérateurs économiques bénéficieront également de facilitations concernant l’octroi de crédits bancaires. A ce sujet, le délégué général de l’ABEF a précisé que le problème ne se pose pas en termes de nombre de pièces mais plutôt de délais, «considérés comme très longs, dus à des vérifications répétitives et qui sont faites par plusieurs institutions». A ce titre, l’instruction de M. Sellal recommande d’«alléger ces procédures en agissant, en intervenant sur la réduction des délais», dira M.Trabelsi. Cela signifie, a-t-il ajouté, «une standardisation des règles de fonctionnement, l’information à l’adresse des clients sur les conditions de crédits et l’authentification des documents par l’institution bancaire et l’environnement institutionnel et non par le client». Certes, les délais varient en fonction de la nature du crédit et de la taille de l’entreprise, note l’invité radiophonique. Néanmoins, «l’idée est de standardiser les procédures et que ce ne soit pas du cas par cas», note M. Trabelsi qui estime qu’«en standardisant, ça permettra de donner plus de visibilité pour le client, de connaître par avance les délais d’étude d’un dossier. Ce ne sera plus aussi aléatoire».
En quête d’une interconnexion
Comme l’opérateur économique n’aura plus à subir des «tracasseries » en matière d’authentification des documents exigibles et, donc, une perte de temps. Et cela grâce à une «interconnexion» entre les banques et le Centre national du registre du commerce (CNRC) ainsi qu’avec d’autres institutions dont le Centre national de l’informatique et des statistiques (Cnis), relevant des Douanes. Une dynamique en ce sens est déjà impulsée, systématisée, selon le délégué général de l’ABEF qui estime que cela «permettra de gagner du temps, de sécuriser l’information et de pouvoir accéder à la source de l’information».
Rien ne change concernant le contrôle
Par conséquent, «les premiers à être soulagés seront les banques qui ne vont plus demander autant de documents qu’elles ne souhaitent pas avoir. Elles veulent avoir une information qui leur permette d’exercer leur métier», dira Abderrazak Trabelsi. Ce qui permettra d’assurer la traçabilité des transactions, d’autant que «les banquiers continueront à exercer leur métier conformément à la réglementation en vigueur», notamment en matière de lutte contre le blanchiment d’argent. A ce propos, le délégué général de l’ABEF a précisé que «la facilitation accordée ne signifie pas qu’il ne faut plus faire de contrôle. De ce point de vue, rien n’est changé. Heureusement. Ce qui relève de la banque doit être fait par elle. Ce n’est plus au client de le faire mais à la banque dès lors que l’environnement le permet».
La dépénalisation de l’acte de gestion, incontournable
A charge, cependant, que l’acte de gestion bancaire, la prise de risque soit dépénalisé. A ce propos, Abderrazak Trabelsi a indiqué que l’instruction du Premier ministre «énonce» l’engagement d’une «démarche impliquant différentes institutions et notamment le ministère de la Justice, en relation avec la Banque d’Algérie, pour pouvoir prendre en charge ce problème qui est effectivement bloquant». Et ce, dans la mesure où «on ne peut s’attendre à une plus grande implication des banquiers dans l’acte d’octroi, dans le risque de crédits dès lors que ce risque est pénalisé», dira-t-il, souhaitant que cette contrainte soit «levée dans les meilleures conditions, les meilleurs délais».
D’autres conditions doivent être réunies
Pour autant, la réduction des délais de financement n’implique pas automatiquement le développement de l’investissement, relève Abderrazak Trabelsi qui estime que la réduction des délais est une «condition nécessaire mais qui n’est pas suffisante». Et de prôner le développement d’autres instruments. Il s’agit notablement de la consolidation du leasing dont l’encours tourne autour de 60 milliards de dinars et qui va bénéficier du maintien du statut dérogatoire aux sociétés de leasing en matière d’amortissement fiscal, la redynamisation du capital-investissement et des fonds d’investissement ainsi que de la garantie institutionnelle… Et cela même si l’octroi des crédits bancaires enregistre une «croissance régulière» de l’ordre de 16%, la nécessité de développer l’investissement productif, notamment industriel, et d’améliorer la dissémination du crédit entre les entreprises de différentes tailles s’impose cependant, selon le délégué général de l’ABEF.
A propos des créances non performantes
L’occasion pour Abderrazak Trabelsi de remettre en cause le chiffre de 16% de crédits non performants, en assurant que «le niveau des créances ne dépasse pas les 4%». Un niveau qui est «loin d’être problématique» et que la débureaucratisation de la relation entre les clients, les banques et leurs environnements permettra de réduire, escompte le responsable de l’ABEF.
C. B.