Vers une conflagration sécuritaire en Libye

Vers une conflagration sécuritaire en Libye

La Libye s’enlise dans une conflagration sécuritaire pluridimensionnelle qui risque de durer dans le temps. La chute symbolique du régime Kadhafi suite au contrôle presque total de la capitale Tripoli par les forces rebelles ou l’éventuel passage de Cyrte sous la direction du CNT ne signifiera nullement la fin de la dualité de la violence dans ce pays : rebelles vs forces de sécurité du régime Kadhafi.

La Libye a été gouvernée, depuis son indépendance en 1951, par deux régimes différents sur le plan de la catégorisation systémique (monarchie sous le roi Sennouci jusqu’en 1969 et un régime atypique – Jamahiriya sous Kadhafi), mais comparables sur le plan de la défaillance démocratique.

La Jamahiriya était gouvernée selon un système pyramidale inversé (la personne de Mouammar Kadhafi, sa famille, une alliance tribale et un réseau rentier et clientéliste… ), et avec une « idéologie » populiste qui correspondait aux ambitions mégalomanes du régent de Bab El-Aziziya. Un pays qui n’était pas gouverné par des institutions fonctionnelles qui répondaient aux ambitions et besoins de son peuple, mais qui dilapidaient des ressources pour des desseins pervertis du « Guide de la Révolution » (invasion du Tchad et déstabilisation de ses voisins, terrorisme international qu’il a reconnu dans les affaires de Lockerbie et de l’avion français qui avait explosé au Sahel… ).

Un pays riche en hydrocarbures (la Libye possède la plus grande réserve de pétrole en Afrique, avec plus de 36 milliards de barils), avec une position géostratégique importante (plus de 2.000 km de façade maritime et une profondeur vers l’Afrique — Tchad et Niger — et le monde arabe — Algérie, Tunisie, Egypte et Soudan), et des capacités humaines appréciables. Ces atouts auraient pu transformer la Libye sur les plans économique et social. C’est un pays qui aurait pu devenir le Singapour du Maghreb.

Hélas, ce pays se trouve, en 2011, confronté à un changement turbulent par une rébellion soutenue militairement par des actions stratégiques de l’OTAN et par un appui diplomatique et opérationnel de l’Occident et de leurs acolytes sur le plan arabe ! Ce qui a créé un fait accompli alarmant pour l’avenir de ce pays. Entre un discours « romantique » de la démocratie et une concurrence pour partager le gâteau libyen (reconstruction et pétrole notamment), ce pays se trouvera face à des frustrations de l’époque post-Kadhafi : infrastructure détruite, dysfonctionnement de l’appareil administratif, déchéance de l’appareil sécuritaire, quête de vengeance, dislocations d’alliances tribales et multi-furcations sécuritaires, prolifération d’armes légères, proximité au « fiefdom » terroriste au Sahel, et avec des portes grandes ouvertes au crime organisé. En un mot, la boîte de pandore de l’insécurité est ouverte en Libye. La démocratie et le développement ne seront pas pour demain.