La chute des cours du pétrole met l’économie algérienne à mal, malgré un début de crise, le gouvernement retarde toujours les réformes de fond, de peur de faire face à une crise sociale.
Pourtant, notre pays se retrouve de nouveau à la croisée des chemins où l’immobilisme risquerait de le diriger au bord du précipice et plus particulièrement durant la prochaine décennie.
Les politiques doivent créer les conditions de la réussite économique, or aujourd’hui leurs inactions créés les conditions de l’échec à venir.
En Effet, dans dix ans nous serons privés de ressources de substitution au pétrole et sans plus aucune réserve financière pour faire face aux besoins primaires du pays.
D’ailleurs, les premiers signes de tarissement des capacités financières sont bien là. En six mois les réserves de changes se sont contractées de 15 milliards de $ après une dizaine d’années de hausse continue. Cette chute brutale semble ne pas s’améliorer puisque selon les chiffres du ministère des finances la balance commerciale s’est encore contractée de 4 milliards$ sur la période Janvier-Février 2015 par rapport à la même période en 2014. Ceci malgré une baisse des importations d’un milliard de $. A ce rythme effréné de dépenses, même avec une augmentation des cours du baril dans une fourchette de 70 à 80 dollars, nous aurons un endettement qui avoisinerait les 40-50 milliards de dollars en 2020 et nos réserves de change seront épuisées en 2025.
En parallèle, la démographie continue de galoper, et nul a besoin d’être un expert pour comprendre les répercutions qu’elle aura sur l’économie.
La seule conjonction entre le tarissement des ressources pétrolières à horizon 2030, l’accroissement de la démographie (46,5 millions d’habitants en 2025) et notre dépendance vis-à-vis de l’extérieur, notamment en matière alimentaire risque de mettre le pays face a des sérieuses difficultés.
Nous sommes aujourd’hui le seul pays du Maghreb qui est incapable d’assurer notre autosuffisance alimentaire. 19% de nous importations sont des produits agroalimentaires. Comment allons-nous nourrir sept millions d’habitants supplémentaires avec des ressources en hydrocarbures qui fonderont comme neige au soleil, puisqu’il ne restera que le gaz qui représente seulement le tiers de nos exportations actuelles ????
Malheureusement, la fin des exportations de pétrole à horizon 2030, finira par mettre le pays à genou. En effet, dès 2030 nous serons des importateurs nets de pétrole. Cela risquerait d’avoir des conséquences directes sur l’endettement. Si nous gardons notre système de subvention énergétique en l’état, en achetant du pétrole aux prix du marché international ; tandis que les combustibles seront vendus en Algérie à des prix très inférieurs à cause de la subvention, nous allons mécaniquement creuser la dette. D’autre produit de première nécessité comme le blé, le sucre, le lait, etc.… donneront exactement les même effets sur la dette dès 2020.
C’est pour cela, que nous devrions dès à présent mieux préserver nos ressources en supprimant les politiques de subventions généralisées qui coûtent 30% du PIB pour passer vers une approche plus ciblée qui consistera à avoir une politique de prix du marché, en compensant la perte du pouvoir d’achat par la mise en œuvre de mécanismes tels que : les allocations familiales, le financement de kit de GNC, la mise en place de tarifs sociaux pour l’énergie domestique et le numérique. Le manque de courage politique sur ce sujet constitue un facteur important qui creuse les déficits publics à aujourd’hui, mais le pire reste à venir puisque celles-ci risqueraient d’être un facteur aggravant vers l’endettement.
Si nous ne faisons rien pour inverser la tendance du déclin, nous risquerons d’être dépouillés de notre souveraineté à cause d’une dette publique externe colossale, ruinés par la rigueur que nous imposeront nos créanciers et devons faire face à une instabilité interne causée par le chômage, la récession des produits de premières nécessités, une inflation à deux chiffres qui poussera de plus en plus d’Algériens vers la précarité et la misère.
Jamais les dangers qui pèsent sur l’Algérie n’ont été aussi graves, la crise économique à venir risquerait d’être plus dure que celle de la fin des années 80.
Malheureusement ce scénario qui semblerait effrayant et démoralisateur pour certain de nos dirigeants est le résultat de –bientôt- deux décennies de stratégie économique inexistante et d’un manque de volonté politique pour reformer un pays qui aurait dû faire partie déjà Brics.
Pour éviter ce scénario et loin d’être malheureusement pessimiste, l’Algérie doit se lancer dans des réformes. C’est ce qu’une majorité d’algériens attendent d’un président, d’une république d’un pays comme l’Algérie. Nous avons besoin de réformes justes, concrètes, sérieuses et programmées afin de relancer la compétitivité de l’économie nationale. Car une compétitivité accrue permet d’attirer les investisseurs et de créer des emplois.
Sans remise en cause fondamentale, la banqueroute est probablement l’unique avenir qu’offrent aujourd’hui les politiques économiques actuelles du pays.
En ce sens l’exemple de la Turquie est à méditer. Ce pays qui après des années de marasme a réussi un miracle économique auquel personne ne s’attendait. La recette de leurs réussites vient probablement d’un gouvernement pragmatisme en matière économique, capable de rupture et des réformes radicales, privilégiant le secteur privé et l’esprit d’entreprise.
Pourtant ce pays a intrinsèquement peu d’atout, puisque celui-ci ne dispose ni de ressources naturelles ni humaines comme la Chine. La richesse de la Turquie tient en sa capacité à se réformer et à s’adapter à la mondialisation
Nous devons, nous aussi être capables de développer une nouvelle dynamique économique. Celle-ci sera le meilleur facteur de stabilité pour l’Algérie.
La diversification est un enjeu majeur, non seulement pour satisfaire les besoins internes dictés en premier lieu par la nécessité de répondre aux attentes sociales (logement,emplois,ect) mais aussi pour mieux supporter les chocs externes.
Bien que le temps et les moyens soient comptés, nous avons encore la possibilité d’éviter la catastrophe, d’éluder la dépression, l’inflation et le moratoire. Pour cela, il faudra repenser le rôle de l’état et la part des dépenses publiques, en mettant en place d’autres règles comptables et une tout autre architecture financière, en mettant en œuvre une stratégie et un cadre réglementaire capable d’accompagner les investissements d’avenir et de rendre la diversification économique possible.
Pour arriver à cela il faut passer des paroles vers des actes. Le dernier message de la présidence dit :« Etant partisans du dialogue et acquis à ses vertus, l’acceptant tant avec ceux qui divergent avec nous sur la conception politique de la conduite des affaires du pays, qu’avec ceux qui préconisent des idées plus judicieuses que les nôtres». Je vous propose donc de lier la parole aux actes en matière économique en introduisant un mécanisme totalement indépendant permettant d’émettre des propositions de réformes urgentes et fondatrices de notre future économie. Cela pourrait prendre la forme d’une commission pour le développement économique et la reforme. Celle-ci, constituée d’expert indépendant de personnalité nationale totalement indépendante, qui devra proposer une stratégie à dix ans, les reformes à réaliser et axer ses travaux autour de quatre chantiers urgents : redressement des finances publiques, amélioration du climat des affaires, diversification de l’économie et le développement du commerce extérieur. Elle devra travailler sur les chantiers à moyen terme tel que: la réforme de l’Etat, de l’éducation et du marché du travail notamment en matière d’accès des jeunes à l’emploi. Pour finir, les propositions devront être validées par le peuple par un referendum.
Yassine BENADDA